Il y a quelques semaines, une journaliste de l'émission J.E. à TVA contactait le Département de physique à la recherche d'une opinion éclairée sur un sujet brûlant d'actualité : la boule magique!

Vous avez peut-être entendu parler de cet objet révolutionnaire qui, selon le fabricant, remplace avantageusement le détergent à lessive? Difficile d'ignorer le produit, la boule magique est annoncée à la télévision et en vente chez tous les bons détaillants.

Vous vous êtes même peut-être demandé si cet objet fonctionnait vraiment. Après tout, la science ne cesse de nous étonner. Ainsi, qui aurait pu prédire, il y a quelques années, les souliers lumineux, la machine expresso automatique et la possibilité de vérifier l'état de sa toiture par l'intermédiaire de Google Earth? Les mêmes cerveaux brillants auraient trouvé le moyen de laver sans savon?

Pour le savoir, il faut comprendre à la fois le processus de lavage et les principes physiques derrière la boule magique. Ici, je suis déchiré : devrais-je commencer par la partie sérieuse — les principes du lavage — ou celle, hilarante, sur la boule magique?

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Commençons par la partie sérieuse. C'est probablement une bonne stratégie, je suis certain comme cela que vous rendrez jusqu'à la fin de mon billet...

Quand on lave quelque chose, on veut lui enlever les divers dépôts accumulés. Ces dépôts sont des molécules qui se sont attachées au tissu, par exemple, formant des liaisons électrostatiques ou chimiques. Le but du lavage est de les détacher de la surface et d'empêcher qu'elles ne s'y redéposent. L'eau en elle-même est un très bon solvant : elle parvient à dissoudre une bonne partie de la saleté qui se dépose sur nos vêtements. Malheureusement, elle ne peut pas empêcher cette saleté de se redéposer. Pour cela, il faut des molécules qui peuvent piéger la saleté et qui refusent de s'approcher des tissus, préférant de beaucoup le contact avec l'eau.

Comme l'expliquait mon collègue Richard Leonelli, à l'émission J.E., les molécules les plus efficaces pour cette tâche sont les phosphates qui causent, une fois relâchés dans l'environnement des problèmes qui peuvent être importants. Mais ce n'est pas le sujet de ce billet (allez donc voir le reportage pour en savoir plus).

Maintenant que vous connaissez tout (ou presque) des savons, on peut revenir au coeur du sujet qui nous intéresse : la boule magique. Toujours à l'affût de l'information privilégiée nous avons eu accès, grâce à J.E., à l'explication scientifique officielle du fonctionnement de cette fameuse boule.

Celle-ci n'est vraiment qu'une enveloppe qui contient des dizaines de billes de céramiques. Or, nous apprend le physicien payé par la compagnie, ces billes sont « des matériaux solides constitués de deux bandes d'énergie : bande de valence et bande de conduction ». Jusqu'à présent, ça va à peu près, même si ce n'est pas très informatif; c'est comme si on disait « une voiture est composée de deux pédales : la pédale de frein et la pédale d'accélération ». En effet, les matériaux isolants sont caractérisés par le fait que leurs électrons sont piégés (dans ce qu'on appelle la bande de valence) et ne peuvent bouger; un isolant ne peut donc pas conduire d'électricité. Pour que les électrons puissent bouger dans un tel matériau, il faut faire de la place. Pour cela, on doit exciter un électron, avec de la lumière, par exemple, et le déplacer dans la bande de conduction où l'électron a toute la place qu'il veut et peut bouger à souhait, créant un courant (faible, puisqu'il y a peu d'électrons). Or, l'électron est très instable dans cet état et il va rapidement revenir dans la bande de valence, après quelques nanosecondes, typiquement, émettant de la lumière au passage.

D'après le rapport, les billes de céramique seraient particulières en ce qu'elles peuvent maintenir les électrons dans leur état excité pendant plusieurs heures au moins : en fait, cela prendrait même « plusieurs lavages » pour que les électrons se dé-excitent. Encore mieux, la lumière émise par les billes serait dans l'infrarouge et réchaufferait l'eau! Il est difficile d'imaginer une affirmation plus farfelue. En effet, si la boule magique est à la température de la pièce, elle ne peut pas, à cause des lois fondamentales de la thermodynamique, réchauffer quelque chose à une température plus élevée que sa propre température. Puisque la balle est toute petite, en fait, il est impossible qu'elle puisse réchauffer l'eau froide significativement.

Que dire donc de l'efficacité de la balle? On sait que l'eau dissout environ 80 % de la saleté normale de nos vêtements. Avec ou sans balle, du linge non taché ressortira donc aussi propre. Par contre, pour les cernes et les taches, il est essentiel d'avoir des détergents. On n'y échappe pas.

Comme presque toujours, si une technologie vous apparaît trop belle pour être vraie, c'est qu'elle ne l'est pas... Si vous décidez malgré tout d'acheter la balle magique, pensez à moi. J'ai quelques terrains particulièrement bien placés sur les berges de la mer de la tranquillité à vendre....

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