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Connaître la quantité de gaz de schiste, ou gaz de shale, présente dans le sous-sol, c’est une chose. Connaître la quantité de gaz exploitable, c’en est une autre. Deuxième de trois extraits du livre La Révolution des gaz de schiste , qui vient de paraître.

S’il est difficile d’estimer la quantité totale de gaz de shale exploitable dans le monde, on dispose de chiffres un peu plus fiables pour l’Amérique du Nord. Selon un rapport préparé pour le ministère américain de l’Énergie en 2009, les ressources récupérables de gaz naturel non traditionnel —shales, roches étanches et grisou— représentent 60 % des réserves récupérables sur le continent. En d’autres mots, pour chaque mètre de cube de gaz traditionnel récupérable, on trouverait 1,5 mètre cube de méthane non-traditionnel. Au niveau de consommation de 2007, toujours selon ce rapport, cela voudrait dire des réserves jusqu’en 2100 et changerait complètement la donne par rapport aux chiffres que l’on évoquait, il y a seulement quelques années.

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Le qualificatif crucial, dans l’évaluation des ressources, est « exploitable ». Car ce n’est pas tout de disposer d’immenses ressources de gaz, encore faut-il savoir l’extraire de manière efficace.

Or, les résultats de la fracturation hydraulique sont impressionnants : déjà, avec une exploitation encore dans ses balbutiements, il semble que l’on soit capable d’extraire de 15 à 20 % du gaz naturel qui se déplace librement dans la structure géologique. Dans certains cas, cette proportion pourrait même atteindre 25 %. Il s’agit d’un pourcentage remarquable quand on compare avec le pétrole où l’on dépasse rarement 40 % de recouvrement après 150 années d’expérience. Cela rend l’exploitation des gaz de shale encore plus intéressante : un puits peut complètement « nettoyer » le sous-sol en gaz libre, laissant très peu de combustible pour une exploitation future, mais rentabilisant au maximum l’investissement initial.

Bien que ces résultats spectaculaires soient repris dans toutes les études sérieuses publiées sur ce sujet, il faut tout de même être prudent. Lorsqu’on pense à un gisement gazier ou pétrolier traditionnel, on peut imaginer un réservoir (poreux, bien sûr), aux dimensions relativement bien définies. Ce n’est pas le cas pour les shales. On parle plutôt d’immenses couches de roche-mère étanche qu’il faut briser. Dans ce contexte, le 20 % ne s’applique, bien sûr, qu’à la région affectée par la fracturation autour du puits et non à tous les recoins de la formation géologique. Ce chiffre, que l’on répète à profusion, me semble un peu élevé lorsqu’on l’applique à l’ensemble du shale. Si le vrai chiffre approchait 10 %, ce serait déjà, à mon avis, un pourcentage de recouvrement plus qu’honorable.

Questions sur l’exploitation de ces gisements

Certes, on sait que les grands shales nord-américains contiennent une quantité importante de méthane, mais de nombreuses questions subsistent quant à leur exploitation. L’industrie étant naissante, le jeu des investisseurs et des start-ups consiste à laisser planer le doute et à maintenir les informations cruciales aussi secrètes que possible afin de créer un climat tendu qui facilite, par le maintien d’un avantage comparatif avec la concurrence, la recherche de capital de risque. Pour l’observateur externe (ce qui veut dire, également, les joueurs dans l’industrie du gaz qui ne sont pas directement impliqués dans l’exploration et l’exploitation des gaz de shale), il est donc difficile de mettre la main sur des informations fiables et significatives.

(...) Parmi toutes ces données, celles publiées par le groupe du Massachusetts Institute of Technology, un groupe indépendant, semblent relativement fiables. Pour les puits des trois premiers shales à être exploités, la production chute rapidement dans les premiers mois d’exploitation pour ne représenter, après deux ans, que 10 à 20 % du pic de production. Ces données, toutefois, sont incomplètes puisqu’elles ne montrent pas les effets d’une deuxième ou d’une troisième fracturation, un procédé généralement utilisé par l’industrie, qui devrait permettre d’allonger la durée de vie de ces puits jusqu’à 10 ou 15 ans.

Quoi qu’il en soit, il faudrait au moins 30 000 puits âgés d’un an ou plus pour répondre à 50 % de la demande du marché américain. Si chaque puits a un diamètre de 4 km, il faudrait donc exploiter, à tout moment, une superficie de 375 000 km2, soit près de 25 % du territoire québécois ou plus de la moitié de celui du Texas au grand complet ! Pas de doute, la seule façon de maintenir un niveau de production de gaz de shale élevé est, pour l’industrie, de forer, jour et nuit, de nouveaux puits.

Malgré cette contrainte importante, les effets de l’exploitation des gaz de shale sont déjà visibles après quelques années de production seulement. Ainsi, l’exploitation à grande échelle de ce gaz, surtout au Texas et en Pennsylvanie, a permis de dépasser les sommets historiques de production aux États-unis, en 2009

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