Un appareil à imagerie par résonance magnétique ou IRM

Le futur des innovations responsables en santé dans un contexte de raréfaction de certains métaux stratégiques et des nombreux impacts liés à leur extraction.

Ce billet a d’abord été publié sur le blogue Hinnovic de l'Université de Montréal.

La première partie de ce billet visait à introduire le lecteur au concept de limites des ressources naturelles de la planète et surtout à la grande disparité dans la disponibilité de certains métaux stratégiques dont plusieurs sont utilisés dans les technologies médicales. Cette deuxième partie s’intéresse spécifiquement au futur des technologies médicales en se questionnant en premier lieu sur leur pertinence et leur faisabilité dans un contexte de raréfaction de certaines ressources. Nous aborderons ensuite les aspects éthiques et environnementaux associés directement ou indirectement à l’extraction de plusieurs métaux.

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Technologies médicales et usages de certains métaux : une relation forte

Coupe longitudinale d’un appareil IRM. Les aimants sont constitués de néodyme, un élément de terres rares aussi utilisé dans les éoliennes.

C’est une chose que le grand public ignore ainsi que la plupart des professionnels du secteur de la santé. Les équipements, et de façon plus générale les technologies médicales, consomment beaucoup de métaux précieux ou stratégiques ou encore ce qu’on appelle les « éléments de terres rares ». Il n’y a qu’à penser aux appareils d’imagerie par résonance magnétique qui utilisent des aimants permanents constitués d’un alliage au bore-néodyme-fer ou à ceux basés sur le principe de la supraconductivité. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une bobine en alliage niobium-titane refroidie à l’hélium liquide. Cependant, on aurait tort de croire que seuls les équipements de pointe dépendent de ressources naturelles dont la disponibilité pourrait bientôt représenter un gros défi. Des lasers médicaux aux appareils échographiques en passant par les nombreux appareils électroniques présents dans un hôpital moderne, le besoin en métaux est partout. La chirurgie a quant à elle aussi recourt à des métaux connus pour leur robustesse et leur bioassimilabilité. On peut citer l’usage de vis, de tiges ou de plaques de fixation en cas de fracture, les joints artificiels pour remplacer les articulations abîmées ou encore les métaux nécessaires en cas de reconstruction maxillaire. La chirurgie cardio-vasculaire utilise elle aussi des métaux ou des alliages de métaux (ASM International, 2012). Certains stents (ou « tuteurs vasculaires ») sont faits de polymères, mais d’autres sont composés d’alliages métalliques comme le nitinol (55 % nickel et 45 % titane) ou encore des alliages cobalt-chrome ou à base de tantale, un métal très utilisé dans les téléphones cellulaires ou les tablettes tactiles. Citons aussi le domaine des prothèses dentaires qui sont composées de métaux dits « nobles » comme l’or, le platine ou le palladium ou « non nobles » comme le nickel, l’argent, le titane, ou le cuivre. Ces métaux ou alliages de métaux avec de la céramique servent à la fabrication des couronnes dentaires ou des implants supportant les couronnes.


Des réserves limitées, des applications concurrentes et une extraction très critiquée

Parlons un peu de géologie maintenant. Bien sûr, tous les métaux ne sont pas logés à la même enseigne du point de vue de leur concentration sur la planète. Par exemple, le titane fait partie des 12 éléments et 6 minéraux qui composent près de 99 % de l’écorce terrestre. Ainsi, en plus du titane, le fer, l’aluminium, le silicium, le magnésium et le manganèse ne sont pas près de nous manquer à moyen terme, mais la croissance de la demande mondiale est telle qu’ils finiront par s’épuiser eux aussi. Comme le mentionne le site BastaMag dans un article dédié à la raréfaction des métaux : « Ces éléments les plus présents ne suffiront pas à remplacer toute la richesse de ceux qui sont en voie d’épuisement ». Cependant, ce sont surtout les technologies médicales qui dépendent des éléments de terres rares qui vont poser le plus de problèmes, car les métaux plus conventionnels sont de plus en plus remplacés par les polymères, certes plus chers, mais bien plus polyvalents.

Comme leur nom ne l’indique pas, les éléments de terres rares ne sont pas plus rares que certains métaux dans la croûte terrestre. Par exemple, l’élément possédant la plus grande concentration moyenne est le cérium avec 48 parties par million (ppm), soit plus que le cuivre. Le néodyme et le lanthane (24 ppm et 18 ppm) sont quant à eux plus concentrés que le cobalt et le nickel (Cascales, 2016). Le problème avec les éléments de terres rares est triple :

  1. Comme toute ressource naturelle non renouvelable sur terre, les réserves d’éléments de terres rares sont limitées. Or, nous en consommons toujours plus depuis les années 60. La production était en premier lieu dédiée à la télévision couleur avec l’yttrium, mais les autres éléments ont rapidement été utilisés au fur et à mesure que les innovations technologiques faisaient leur apparition. De nos jours, les téléphones cellulaires, les ordinateurs portables, les DEL, les lampes fluocompactes, les batteries de voitures électriques, les éoliennes, les panneaux solaires ne pourraient exister sans les éléments de terres rares. Il en va de même des appareils à IRM, qui dépendent du néodyme pour les aimants et des caméras utilisées en tomographie par émission de positons (TEP) qui dépendent du cérium et du lutécium. La TEP permet de détecter des tumeurs de taille millimétrique (Cascales, 2016). Dans le graphique ci-dessous, on peut voir l’évolution de la production mondiale entre 1950 et 2015.

    Historique de la production mondiale d’éléments de terres rares en tonnes métriques d’équivalents d’oxydes de terres rares, sur la période 1950-2015. Graphique tiré de http://geology.com/articles/rare-earth-elements/

     

  2. Malgré la découverte des premiers éléments de terres rares à la fin du 18e siècle et au tout début du 19e, il aura fallu des innovations dans le secteur extractif et surtout chimique pour réussir à les séparer des autres métaux présents dans les minéraux. En effet, leurs propriétés chimiques très semblables en font leur attrait, mais elles les rendent aussi très difficiles à séparer. Chaque élément peut se retrouver sous plusieurs phases minérales, chacune requérant une technologie d’extraction spécifique. Les procédés utilisés sont donc très polluants et très énergivores. D’ailleurs, le cercle vicieux liés à la quantité d’énergie toujours plus importante pour extraire certaines ressources s’appliquent également à l’ensemble des métaux. « Il faut toujours plus d’énergie pour extraire des métaux moins concentrés. Et les métaux sont toujours indispensables pour produire de l’énergie…». Et le recyclage me direz vous ? Même si « le taux de métal fonctionnel recyclé par rapport à la quantité de métal introduit dans le flux de recyclage » se situe entre 10 à 25 % pour certains métaux stratégiques [indium (In), gallium (Ga), germanium (Ge) et tantale (Ta)], il est inférieur à 1 % pour beaucoup de terres rares selon le site ecoinfo du CNRS en France (les raisons sont expliquées dans la conclusion de l’article). À noter que ce bilan environnemental très négatif est très rarement prit en considération chez les thuriféraires des énergies vertes et des voitures électriques, des secteurs très dépendants des éléments de terres rares.

  3. Une mine de Coltan dans la province du Nord-Kivu en République Démocratique du Congo. Le coltan est un minerai contenant du tantale. Crédits : Premières Lignes Télévision/France2

    Dans beaucoup de pays, l’extraction des éléments de terres rares est synonyme de mort et de pollution extrême. Ainsi, nos téléphones cellulaires, nos voitures électriques et, par extension, de plus en plus de technologies médicales sont indirectement liés à des atteintes aux droits humains, à la santé et à la dégradation de l’environnement. Il n’y a qu’à visionner le très bon documentaire « Les secrets inavouables de nos téléphones portables de la chaîne française France 2 pour s’en convaincre. On parle de téléphones cellulaires, mais il en va de même pour les métaux présents dans certaines technologies médicales puisque, selon le site spécialisé geology.com : « New developments in medical technology are expected to increase the use of surgical lasers, magnetic resonance imaging, and positron emission tomography scintillation detectors ». En d’autres mots, on pourrait dire que « sauver des vies grâce à certaines innovations technologiques implique de plus en plus d’en faucher ailleurs ».

 

Alors ? Alors il y a urgence quand on sait que selon l’étude du Center for Industrial Ecology (Yale University), sur les 62 métaux très utilisés dans différents secteurs industriels (incluant celui des technologies médicales), aucun ne possède pour le moment d’éléments pouvant devenir des substituts (Graedel et al., 2015). Si nous voulons qualifier de « responsables » certaines innovations technologiques en santé, il y a également urgence à intégrer un critère tenant compte des graves impacts causés par l’extraction de certains métaux stratégiques. Finalement, devons-nous construire des centaines de millions de voitures électriques, des millions d’éoliennes et des centaines de kilomètres carrés de panneaux solaires aux risques de ne plus avoir de métaux cruciaux pour notre santé ? Cela engage également des considérations éthiques, autant pour le présent que pour le futur, car gaspiller des ressources naturelles précieuses, c’est priver les générations futures des mêmes ressources.

Saviez-vous que ?
Les aimants au néodyme utilisés dans les appareils à imagerie par résonance magnétique sont très puissants. C’est la raison pour laquelle le personnel de santé chargé de préparer les patients avant de rentrer dans le scanner prennent d’infinies précautions. Démonstration en vidéo ci-dessous :

 

RÉFÉRENCES

  • ASM International (Éd.). (2012). ASM handbook (10th editon). Materials Park, Ohio: ASM International.
  • Cascales, C. (2016). Lanthane et lanthanides. Consulté à l’adresse http://www.universalis.fr/encyclopedie/lanthane-et-lanthanides/
  • Graedel, T. E., Harper, E. M., Nassar, N. T., Nuss, P., & Reck, B. K. (2015). Criticality of metals and metalloids. Proceedings of the National Academy of Sciences, 112(14), 4257 4262. https://doi.org/10.1073/pnas.1500415112
  • Thompson, C.J. (2002). “Instrumentation.” In: Wahl, R.L. (ed.). Principles and Practice of Positron Emission Tomography. Philadelphia: Lippincott Williams and Wilkins.
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