Billet Des femmes scientifiques dans les séries historiques.jpg (131.67 Ko)

Dans ce billet, je parle de l’épisode 2 de la saison 2 de Victoria et du 1er épisode de la saison 2 de DC’s Legend of Tomorow. Sans dévoiler, d’éléments très importants de l’intrigue, cela peut néanmoins quelque peu divulgacher quelques éléments de ces épisodes. Je parle également de la 1re saison de la série Genius et je me repose sur des éléments importants de l’intrigue qui sont également des éléments connus de la biographie d’Einstein.

Pas n’importe quels types de séries présentent ces femmes scientifiques, il s’agit de séries très spécifiques. Tout d’abord, il y a des séries biographiques de personnages historiques. Dans ce cas, la femme scientifique n'est pas le personnage principal. Néanmoins, une certaine réalité historique est recherchée de même que des anecdotes pour soutenir le message mais également pour apporter des éléments de surprise à la narration avec des faits qui sont plus ou moins connus. Ensuite, il y a les séries de voyages dans le temps. Elles sont moins regardantes sur la réalité historique et vont plus dans les stéréotypes puisque les spectateurs doivent rapidement comprendre l’époque du personnage historique qui est au cœur de l’épisode puisqu’il change d’un épisode à l’autre.

Ces séries présentent tout de même tout un panel de personnages historiques aux cours des épisodes. En effet, la narration relativement longue demande d’amener un certain nombre de personnages récurrents ou ponctuels. Les scénaristes recherchent alors toujours plus de personnages historiques pour varier les scénarios, suivre les personnes dont on parle le plus mais également pour représenter un passé correspondant un minimum avec les mentalités actuelles. Ce dernier point est important pour aider le spectateur à adhérer à l’histoire. De fait, les scénaristes mettent en scène les femmes scientifiques (plutôt) célèbres pour coller à la promotion actuelle des femmes en sciences. Elles permettent également de présenter des personnages historiques un peu originaux dans ces genres de fictions. C’est le cas avec DC’s Legend of Tomorow où l’introduction de Mileva Marić donne un côté inédit et inattendue à l’histoire.

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Comme il s’agit souvent de personnages assez secondaires, elles doivent être rapidement reconnues par le public et de fait il s’agit de femmes scientifiques déjà assez connue. La série prend néanmoins le temps de présenter leurs travaux, leur présence étant ainsi justifiée. Elles sont présentées comme des scientifiques majeures. De même, le fait qu’elles soient des femmes dans un univers d’hommes est souligné tout en les présentant comme des exceptions. Mais bien que le fait qu’elles sont bien établies comme scientifiques, elles ne sont que peu présentées dans leur laboratoire ou montrées en train de faire de la science. Ainsi dans Victoria, les scènes d’Ada Lovelace se déroulent d’abord lors d’événements mondains (au palais royal puis à un dîner de la Société de Statistique) et seulement dans une troisième scène dans un bureau-bibliothèque pour présenter ses travaux avec Babbage au prince consort.

La série Genius est légèrement différente puisqu’elle se centre sur un scientifique, Albert Einstein. Marie Curie est présentée au spectateur dans son laboratoire avec son mari au moment où on leur annonce que leurs travaux sont récompensés avec un Prix Nobel. La plupart des scènes suivantes présentent Marie Curie à la convention Solvay et encore une fois plutôt que de discuter de science avec Einstein, elle discute de relation de couple. L’épisode met plus en parallèle le fonctionnement du couple Curie par rapport au couple Einstein. Pour Mileva Marić, elle a un rôle bien plus important dans la série. La série nous la montre donc en train d’étudier ou de faire une expérience… mais rapidement son couple la limite et elle se retrouve hors de la sphère scientifique.

Il est important que malgré cela, les séries se permettent de signaler par un dialogue (ou par le récit pour Genius) la difficulté pour une femme à cette époque d’avoir accès à une éducation scientifique et d’être reconnue pour son travail scientifique. Un exemple éloquent est dans Victoria quand la reine s’insère dans une discussion entre Albert et Lovelace sur le fait de donner une formation scientifique aux enfants royaux et discutent du nombre π (pie) et que la reine ne comprend pourquoi ils parlent d’une tarte (« pie » en anglais est une tarte). La reine ayant reçue une bonne éducation, de fait de sa position, ne connaît que les mathématiques les plus élémentaires. Dans Genius, outre les difficultés de Mileva Marić, la série montre que Marie Curie n’a reçu son premier Prix Nobel uniquement parce que Pierre a fait valoir la contribution décisive de sa femme aux découvertes récompensées.

On évoque rarement ce point dans le cas des femmes scientifiques qui évoluent dans les séries où l’action se passe à notre époque. C’est un peu dommage car cela masque les problèmes actuels que rencontrent les chercheuses dans leurs formations et leurs carrières respectives. Ces problèmes sont régulièrement soulevés en sociologie des sciences et par les chercheuses elles-mêmes. D’un autre côté, cela démontre qu’il est normal pour une femme d’être une scientifique et que rien ne peut l’empêcher de travailler dans ce domaine si elle le désire. Et ainsi combattre les stéréotypes déjà présents dans nos sociétés occidentales, en particulier, celui selon lequel les femmes ne sont pas intéressées par les sciences.

Finalement, si on compare ces apparitions à celles des femmes scientifiques des séries se déroulant dans notre époque, il y a une différence. De façon générale, il s’agit de rôles plus limités à un clin d’œil à des personnes bien connues qu’autre chose. Si cela reste marginal, cette représentation est la bienvenue et je ne peux qu’espérer qu’elle se développe davantage. Ce qui semble être le cas avec des biopics axés sur des femmes scientifiques tel que Les Figures de l’Ombre ou Marie Curie. De même on peut noter que le personnage de scientifique fou du film Wonder Woman est tenu par une femme bien que l’action se passe durant la première guerre mondiale.

 

— Hélène Arnal

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