Réponse : les deux miroirs s'attirent parce qu'ils se trouvent justement dans le vide. Surprenant, non? En fait, les fluctuations quantiques de ce vide créent une force — bien minime, mais suffisante pour être mesurée — qui rapproche les miroirs.
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Pour comprendre ce phénomène, prédit en 1948 par le physicien hollandais Hendrik Casimir, alors qu'il travaillait dans les laboratoires de recherche de la compagnie Philips, il faut revenir aux bases de la mécanique quantique.
Durant le XIXe siècle, les physiciens pensaient que le vide était rempli d'une substance, l'éther, qui permettait à la lumière de se transmettre, un peu comme le son se transmet à travers l'air : si la lumière est une onde, celle-ci ne peut se propager que par les vibrations d'une substance quelconque. Ne trouvant aucune matière qui faisait l'affaire sur la Terre, les physiciens ont donc inventé l'éther, un médium qui n'a aucune interaction avec la matière telle qu'on la connaît.
Avec la découverte de la relativité d'Albert Einstein et le développement de la mécanique quantique, on s'est aperçu que l'éther n'était pas nécessaire : contrairement au son, la lumière est une onde électromagnétique qui n'a pas besoin d'un support pour se propager; elle se supporte elle-même. En effet, la lumière est la manifestation de la force quantique électromagnétique, associée avec les particules chargées ou magnétiques.
Ces forces à distances, entre deux particules chargées ou entre deux planètes, doivent bien se transmettre pour qu'une particule sache que l'autre l'attire et vice-versa. Cette question, qui a longtemps intrigué les physiciens, est résolue par la mécanique quantique : les forces à distance se transmettent par ce qu'on appelle des champs qui s'étendent à la grandeur de l'univers.
Encore un nouveau concept. Désolé. Le vide quantique est donc peuplé des champs associés avec les forces. Au départ, les champs étaient considérés comme des constructions mathématiques. Ainsi, le champ électromagnétique est généré par les photons qui se déplacent. Mais formellement ces déplacements peuvent être compris de manière plus complexe comme une série de destructions et de créations de ces photons : le photon est détruit et un nouveau photon est immédiatement réémis. Mathématiquement, ces deux façons de se déplacer sont identiques.
Mais les physiciens ont tout de suite pensé que ce modèle mathématique un peu bizarre était peut-être plus que ça et que le déplacement des photons (et autres particules quantiques) se produit vraiment comme le modèle le décrit. Si c'est le cas, il peut arriver des fluctuations, de rares événements, ou au lieu de ne créer qu'un seul photon, à la destruction de celui qui arrive, on en crée deux. Comme le deuxième viole la conservation de l'énergie, il ne peut exister longtemps et doit disparaître très rapidement. Toutefois, pour une période très courte, on a eu deux photons au lieu d'un. Puisque la force électromagnétique se transmet par ces
photons, cela veut dire que la force a changé pour un très court instant.
On arrive donc à l'effet Casimir. Même dans le vide le plus total, lorsqu'il n'y a aucune particule, les champs sont présents et parfois peuvent fluctuer, créant, pour un temps très court, des particules (qu'on appelle «virtuelles»). Celles-ci génèrent une force, réelle celle-là. Selon Casimir, deux miroirs placés dans le vide, près l'un de l'autre, sentiront donc ces forces et se rapprocheront inévitablement. En effet, puisque l'espace entre les miroirs est réduit, les fluctuations ne peuvent pas générer des ondes virtuelles de grande longueur onde (ou basse fréquence) alors que le vide qui entoure les miroirs n'a pas ces limitations. Il y a donc moins de fluctuations entre les deux miroirs, ce qui génère une pression négative entre les miroirs et, de là, une attraction.
La mesure de l'effet Casimir est donc une confirmation de notre compréhension du vide quantique, qui n'est pas vraiment vide. Une telle mesure n'est pas facile à faire, toutefois, et les premiers résultats concluants n'ont été obtenus qu'il y a une dizaine d'années par le physicien Steven Lamoreaux de l'Université de Washington, à Seattle. Les expériences se sont multipliées depuis et on commence maintenant à songer à utiliser cet effet dans l'industrie des semiconducteurs. On n'y est pas encore rendu, bien sûr, mais ce serait quand même fantastique si nos ordinateurs fonctionnaient grâce aux fluctuations du vide quantique, non?