Il y a le lanthane, chef de la famille à laquelle il a donné son nom, les lanthanides. Il est suivi par le cérium, le praséodyme, le néodyme, le prométhéum, le samarium, l'europium, le gadolinium, le terbium, le dysprosium, l'holmium, l'erbium, le thulium, l'ytterbium et le lutétium. À ces 15 éléments il faut ajouter deux métaux aux propriétés similaires, le scandium et l'yttrium. Le terme de terres rares n'est pas vraiment approprié car la plupart d'entre eux sont relativement abondants. L’utilisation de ce terme découle du fait qu’ils ont été isolés à partir de minéraux peu communs, au début du 20e siècle De plus, ils étaient, et le sont toujours, difficiles à extraire. Par exemple, le lanthane doit son nom au terme grec λανθανειν (lanthno), qui signifie caché, du fait que l'élément est longtemps resté caché dans l'oxyde de cérium.
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Pendant longtemps les éléments de la famille des lanthanides n’ont pas suscité beaucoup d’intérêt car ils avaient peu d'applications. Le seul qui me vient en tête est le cérium. Ce dernier était utilisé pour les manchons de lampes de camping à incandescence – les fameuses lampes Coleman – ainsi que dans les pierres à briquet. Mais depuis quelques années, avec le développement des nouvelles technologies, la demande pour les terres rares a explosé. Aujourd'hui, par exemple, on retrouve des dérivés du cérium dans les fours auto-nettoyants, les écrans de télévision, les piles à combustible et les alliages spéciaux. Ils sont essentiels dans les convertisseurs catalytiques de voiture où ils empêchent la formation des oxydes d'azote associés aux pluies acides.
Il en va de même pour les autres lanthanides. Les voitures hybrides – la Prius, par exemple – contiennent du lanthane dans leur batterie et du praséodyme, du dysprosium et du néodyme dans leur moteur électrique et leur générateur. D'ailleurs, c'est le néodyme qui est le plus en demande ces temps-ci. En alliage avec le fer et le bore, il produit ces super- aimants qui sont à la base des technologies dites propres dont font partie les voitures hybrides et électriques et les éoliennes. On estime le marché pour ces super-aimants à près de 10 milliards de dollars, un marché, comme celui de l'ensemble des terres rares, contrôlé par un seul pays, la Chine. Presque la totalité des métaux de la famille des terres rares et 94 % de leurs dérivés sont produits en Chine.
Plusieurs raisons expliquent ce quasi-monopole. Les minerais dont les terres rares sont extraites ne sont pas rares en soi. On en retrouve partout dans le monde mais la majorité des gisements, et surtout ceux offrant les meilleurs rendements, sont concentrés en Chine dans la province de Mongolie intérieure. Mais cette main mise de la Chine sur le marché vient surtout du fait que l'extraction des terres rares des minerais qui les contiennent est particulièrement difficile et surtout très polluante. Ces facteurs ont amené les pays occidentaux comme les États-Unis, où les exigences environnementales sont strictes, à abandonner le marché. La Chine, grâce à une main-d'œuvre bon marché et un souci beaucoup moins important à l’égard de la pollution, a causé l'effondrement des prix des terres rares. Dans les années 1990, ceux-ci ont chuté de plus de 90 %, ce qui a initialement fait le bonheur de l'Occident qui pouvait ainsi désormais se procurer ces matériaux à bon marché. Il y a quelque chose d'ironique dans le fait que nombre de technologies vertes ont été développées à partir de pratiques particulièrement polluantes.
Or, depuis quelques années, la Chine s'est aussi mise au développement des technologies de pointe. Par conséquent, elle a de plus en plus besoin elle-même de néodyme, de lanthane ou de terbium et europium – ces derniers se retrouvent dans les ampoules fluorescentes écologiques. Pour satisfaire son propre marché, la Chine réduit de plus en plus les quotas d'exportation des terres rares. Par exemple, dans la seconde moitié de 2010 seulement, les quotas ont baissé de plus de 70 %. Et voilà une nouvelle ironie. Après avoir laissé la production de terres rares à la Chine, les producteurs occidentaux, à court de matières premières, risquent maintenant de lui abandonner aussi la fabrication des technologies qui en découlent.
_______________________________________________________________________________________________________ LES MANCHETTES SCIENTIFIQUES d’Ariel Fenster L’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill présente des capsules sur des sujets défrayant l’actualité scientifique. Plus de renseignements sur ces sujets, ou d’autres d’intérêt général, sont disponibles en communiquant avec Ariel Fenster.
Professeur Ariel Fenster Organisation pour la science et la société de l’Université McGill 514 398-2618 ariel.fenster@mcgill.ca