La préférence pour certains aliments plutôt que d’autres est un processus complexe, car nous sommes influencés par toutes sortes de facteurs: traditions culturelles, économiques (revenus et prix), publicité, marketing, promotions, environnement. Le facteur toutefois qui ressort de tous les sondages comme étant le plus important pour déterminer le choix de consommer un aliment est son goût. Le plaisir hédoniste retiré de la consommation de nourriture est donc primordial, au-delà de sa qualité nutritive, de sa densité énergétique ou de sa valeur santé pour notre corps. C’est une des raisons pourquoi les aliments de malbouffe, riches en sucre, en gras et en sel tels que les gâteaux, les croustilles, le chocolat et les boissons sucrées obtiennent souvent la faveur populaire au détriment des aliments santé tels que les fruits, les légumes, les légumineuses ou l’eau.
Abonnez-vous à notre infolettre!
Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!
Les choix individuels et l’environnement alimentaire
Le choix individuel de consommer des aliments est déterminé en grande partie par leur disponibilité dans l’offre alimentaire (à la maison, à la cafétéria scolaire, au travail, à l’aréna, à l’hôpital, au restaurant, ou tout simplement dans votre potager) en fonction des saisons, des menus et des fournisseurs, et par leur accessibilité *1 dans les points de vente (épicerie, supermarché, dépanneur, station-service, machines distributrices, aréna, restauration rapide, marché public), selon les heures d’ouverture et la distance de la résidence ou du lieu de travail. Malheureusement, les choix malsains sont souvent ce qu’il y a de plus accessible pour un bon nombre de Canadiens et de Canadiennes. Le quart (25%) des répondants à un sondage *2 récent de la Fondation des maladies du cœur du Canada affirme qu’il n’y a pas assez de supermarchés dans leur quartier qui vendent des fruits et légumes frais. 38% des Québécois (51% pour l’ensemble du Canada) signalent qu’il existe trop d’établissements de restauration rapide n’offrant pas de choix santé et près des deux tiers des Québécois (64%) disent que les restaurants n’offrent pas assez de plats à base de fruits et légumes.
Or, la faible consommation de fruits et de légumes (5 par jour, selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes 2004, volet nutrition. La bonne nouvelle est que, selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes 2009-2010, 54% des adultes du Québec ont affirmé consommer au moins 5 portions de fruits et légumes par jour, tous les jours ou presque, un taux largement supérieur à la moyenne canadienne qui s’établit à 45%. Ce comportement distinct explique en partie pourquoi les Québécois obtiennent un taux d’obésité (22%) inférieur à la moyenne canadienne (24%), devancé seulement par la Colombie-Britannique.
Du point de vue du respect des choix individuels, le plus important n’est pas tant d’interdire la malbouffe, mais bien d’avoir une offre adéquate d’aliments sains intéressants, accessibles à un prix concurrentiel, ce qui est rarement le cas, sauf là où il y a une politique alimentaire santé, à l’école, à l’hôpital, dans les arénas.
Le temps, un obstacle aux choix santé *3
Un sondage *4 mené pour le compte de la Fondation des maladies du cœur du Canada révèle que la grande majorité ne veut ou ne peut pas y accorder le temps nécessaire pour faire des choix santé. Ainsi 37% des résidents du Québec pensent qu’il était trop long de préparer des repas sains. Au Québec, les gens disent moins souvent percevoir des obstacles (42%, par rapport à une moyenne nationale de 57%) et ne sont que 38% à blâmer leurs habitudes d’alimentation malsaine sur le temps ou la restauration rapide.
Évolution des prix des aliments - un obstacle économique aux choix santé
Les revenus et la géographie jouent un rôle des plus importants dans l’accès à des aliments sains et abordables. L’accès aux aliments sains change beaucoup d’une collectivité à l’autre, selon le degré de défavorisation du quartier où on vit, et si on habite en ville, en banlieue ou en campagne. Dans le cadre de l’enquête de la FMCC, près de la moitié (47%) des répondants ont affirmé que le prix élevé des fruits et légumes frais les empêchait de manger sainement, surtout au Canada atlantique (64% des répondants), mais moins au Québec (39%). Sans grande surprise, les foyers à faible revenu et les personnes vivant dans les quartiers pauvres sont plus susceptibles que les autres de juger que le prix est un obstacle à l’alimentation saine. Par exemple, on peut comprendre la décision difficile que doit prendre un mère monoparentale vivant dans le quartier défavorisé de Vanier à Québec, lorsqu’elle doit choisir entre un 2L de lait (3,42$) et un 2L de cola (2$ et souvent en spécial à 1,33$) pour «nourrir» son enfant.
À l’inverse, les aliments de malbouffe de type «junk food» denses en énergie, et riches en gras, en sucres ajoutés et en sel (chocolat, burgers, pizzas, chips, beignes, charcuteries, pâtisseries, fritures, panures, biscuits) sont peu coûteux à produire, tout en étant relativement bons au goût. D’ailleurs, notre attrait pour les patates frites ne se dément pas. Les chaînes de restauration rapide sont ainsi très populaires principalement à cause du bas prix de ses repas. Toutefois, il faut comprendre qu’il s’agit d’un bon rapport quantité-énergie/prix, puisque du point de vue rapport qualité-nutritive/prix, les légumes leur sont supérieurs, malgré leur prix.
Pistes de solution pour améliorer l’offre d’aliments santé
En vue d’améliorer l’accès aux aliments sains, tous les secteurs (le gouvernement, le secteur privé et les organisations non gouvernementales) doivent mettre en œuvre un certain nombre de mesures en vue d’aider la population canadienne à prendre des décisions santé, notamment des initiatives aidant les individus à faible revenu à avoir accès à des choix alimentaires sains; des politiques et subventions agricoles en vue de rendre le lait, les fruits et légumes moins chers *5 et plus accessibles; une taxe sur les boissons sucrées et énergisantes; plus de magasins et de restaurants offrant des choix santé.
Cette dernière piste pour lutter contre l’obésité est l’approche privilégiée par le directeur national de la santé publique, Alain Poirier, dans une entrevue accordée au journal Le Soleil: «Il faut renverser cette offre aux Québécois où ils sont, que ce soit à la garderie, à l’école, à l’aréna municipal, dans les milieux de travail, dans les épiceries. Ce n’est pas pour menacer l’industrie, mais pour faciliter les choix santé. Si on m’offre des frites tous les jours à la cafétéria, je vais les prendre. Mais si on m’offre une belle salade avec des fruits et des légumes frais et savoureux, je vais les prendre.»
De l’achat d’aliments jusqu’à la table, les Québécois ont besoin de se réapproprier des comportements qui favorisent de saines habitudes alimentaires tels que cuisiner et manger en famille.
___
Référence(s)
*1 David A Levitsky and Carly R Pacanowski, Free will and the obesity epidemic. Public Health Nutrition, Review Available on CJO, Nov. 2011 doi:10.1017/S1368980011002187 ↩
*2 Sondage électronique réalisé auprès de 2160 Canadiens et Canadiennes de 18 ans et plus, Environics Research Group, octobre 2011 (publié le 28 novembre 2011) ↩
*3 La faute de l’environnement Au Fil des événements 1er décembre 2011 p. 9 ↩
*4 Sondage électronique réalisé auprès de 2160 Canadiens et Canadiennes de 18 ans et plus, Environics Research Group, octobre 2011 (publié le 28 novembre 2011) ↩
*5 David A Levitsky and Carly R Pacanowski, Free will and the obesity epidemic. Public Health Nutrition, Review Available on CJO, Nov. 2011 doi:10.1017/S1368980011002187 ↩
*6 Sommaire – Résultats de «Tout le monde à table» dévoilés toutlemondeatable.org (consulté le 22 septembre 2011) ↩