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Imaginez un crime horrible. Des parents qui maltraitent leur jeune enfant. Qui lui maintiennent la tête sous l’eau pour avoir un peu de calme. Qui l’empêchent de boire lorsqu’il a soif. Qui l’enferment dans une pièce, seul, et qui n’a d’autres alternatives que de déféquer à côté de son lit. Qui lui refuse toute affection. Qui, à terme, finissent par le tuer à force de mauvais traitements… N’imaginez plus rien, car ce fut le réalité pour D.P., quatre ans, qui est mort suite aux mauvais traitements de ses parents M.K. et M.L. Sachant le mal que ces individus ont fait à leur petit, peut-on considérer qu’une peine de prison, même maximale, serait "trop douce" ? Méritent-ils un châtiment qui soit à la mesure des souffrances qu’ils ont infligées ?

Selon Rebecca Roache, philosophe à Oxford (GB), la réponse est positive. Dans un papier récent, que l'on peut traduire par "Amélioration de l’efficacité des peines : la technologie peut-elle rendre les sentences à vie plus longues ?" , elle décrit comment certaines technologies futures pourraient être utilisées sur des prisionniers ayant commis des crimes particulièrements horribles : augmentation drastique de la durée de vie de ces individus dans le but de leur faire purger une peine de plusieurs centaines d’années ; téléchargement de leur pensée sur des ordinateurs et, par des processus artificiels d’accélélération de la pensée, leur faire purger, en quelques heures, un millier d’années de peine ; altération de leur perception du temps qui passe ; surveillance par des « robots-gardiens » afin d’enlever toute dimension humaine dans les rapports prisonniers-surveillants. Roache estime que cela permettrait d’une part de "(…) punir sévèrement les pires criminels sans pour autant avoir recours à des méthodes inhumaines" et, d’autre part, d’augmenter la sévérité de certaines peines sans avoir besoin "[d’]oppérer des changements drastiques du système légal de Grande Bretagne."

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Le billet de Roache sonne comme l’expression d’un dégout profond pour des criminels tels que M.K et M.L. et traduit une forme de volonté de vengeance – "œil pour un œil, dent pour une dent" – en proposant des solutions aptes à soulager notre rage face à des crimes que l’on juge horribles. Cependant, il manque à ce pamphlet une dimension essentielle : celui de "l’utilité" des peines infligées aux criminels. En effet, à quoi doivent servir de telles peines ? A éloigner de la société les individus jugés dangereux pour l’ordre établi ? A réinsérer les criminels ? A venger les victimes ? En omettant cette dimension fondamentale de l'utilité des condamnations, l’article de Roache sonne comme une réaction émotionnelle brute, peut-être compréhensible, mais peu raisonnée et naïve. Le discours est populiste et peu argumenté. Il est un justificatif à la vengeance légalisée où les pires criminels méritent de souffrir en proportion des crimes commis.

Déontologiquement, en considérant ainsi les criminels comme des objets permettant d’étancher notre soif de vengeance, leur humanité leur est retirée. Il est intéressant de noter que lorsqu’on se penche sur les enjeux socio-éthiques de l’application des technologies sur l’être humain, l’une des questions récurrentes qui se pose est celle de savoir si de telles applications rendent les individus « moins » humains. Roache nous propose ici un cas particulier où les applications technologiques se font sur des individus … « déshumanisés ».

Les propositions de Roache sont ainsi à l'opposé d’un modèle alternatif de prisons norvégiennes où les condamnés sont considérés avant tout comme des êtres humains. Ce modèle de détention part du principe "qu'on ne change pas les gens par la force. (…) Pour la victime, le criminel est en prison. C'est la justice." Ici, la privation de liberté consiste en une rééducation sociale des individus, dans un but de réintégration. Contrairement aux propositions de Roache, le modèle norvégien « humanise » les individus. Et le système semble fonctionner: le taux de récidive en Norvège est le plus bas d'Europe.

Faut-il que la vengeance et la souffrance soient des concepts qui fassent partie des objectifs des condamnations ? Le jour où les punitions infligées aux criminels seront faites de souffrances directement proportionnelles à notre besoin de vengeance, en quoi serons-nous tellement différents de ces derniers ?

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