spacex-dragon1.jpg
Ce mardi, avec le décollage réussi de la fusée Falcon 9 de la compagnie SpaceX, le secteur privé a donc fait un petit pas pour l’homme, et un bond de géant pour la commercialisation de l’espace.

L’exploration habitée de l’espace a toujours été un travail financé en totalité par l’État, même dans cette patrie de la libre-entreprise que sont les États-Unis. Mais la dure réalité budgétaire de l’agence spatiale américaine (NASA) étant ce qu’elle est, si le reste de la mission de Falcon 9 —inhabitée pour cette fois— se passe comme prévu, il ne faudra pas beaucoup d’années —les observateurs parlent de cinq— avant qu’on ne prenne l’habitude de voir des allers-retours vers la station spatiale réalisés par des compagnies privées.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Avec un bémol: la compagnie Space Exploration Technologies Corporation (SpaceX) ne serait jamais arrivée aussi loin (ou aussi haut) si elle n’avait pas été elle aussi largement subventionnée par l’État. Elle a reçu 381 millions$ de la NASA —et elle a un contrat avec la NASA de 1,6 milliard$ pour 12 rendez-vous avec la station spatiale.

N’empêche que si sa fusée, et la capsule Dragon qu’elle transporte, démontrent leur fiabilité —le rendez-vous avec la station spatiale vendredi comptera— il ne faudra pas non plus beaucoup d’années avant que la liste de clients de SpaceX ne s’étende loin au-delà du gouvernement.

À moins que SpaceX ne soit entretemps doublée sur sa droite: des compagnies comme Virgin Galactic, XCOR et Space Adventures sont suffisamment ambitieuses pour avoir des centaines de places d’ores et déjà réservées sur leurs (éventuels) futurs vols suborbitaux —«suborbital» désigne un voyage de quelques heures, dont quelques minutes passées en apesanteur, à quelques dizaines de kilomètres d’altitude. Les plus optimistes assurent que ces premiers sauts de puce touristiques pourraient prendre place dès 2013.

De plus, parmi les concurrents, il en est un autre dont on parle rarement, mais qui n’a jamais quitté les coulisses: Boeing.

Ce lancement réussi ne constitue donc pas un virage aussi historique que les commentaires sur la «commercialisation de l’espace» le laissent supposer: d’une part, les autorités préparent le terrain depuis des années, rappelle dans Wired l’historien de l’exploration spatiale David Portree. D’autre part, les tests nécessaires pour valider toutes les technologies pourraient prendre encore des années. Et enfin, malgré le fait que SpaceX ait pris la tête du peloton, le gagnant au fil d’arrivée pourrait bien être le plus traditionnel Boeing:

Le Congrès semble vouloir s’en détacher afin de pouvoir déclarer un vainqueur aussi tôt que possible, puis couper le financement aux autres compagnies. De ce que j’ai entendu, Boeing pourrait être choisi. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise idée de se limiter à un contractant qui est déjà habitué à travailler avec la NASA, qui a accès à des systèmes éprouvés et à une expérience, et qui est assez gros pour survivre à des échecs.

Il y aura de toute façon d’autres tests... et d’autres échecs. Comme la navette spatiale l’a rappelé tout au long des années 1980, l’exploration spatiale a l’habitude des transitions moins ambitieuses que prévu. Mais à plus long terme, l’histoire pourrait aussi être du côté du privé, poursuit Portree :

Si, comme espèce, nous voulons aller au-delà du mince voile d’espace situé directement au-dessus de nos têtes, alors les principes de capital de risque devront s’appliquer. Bien que ce soit la reine Isabelle qui ait donné à Christophe Colomb ses navires pour traverser l’Atlantique, ce sont des compagnies privées qui ont construit les routes commerciales maritimes et assuré le transport des colons (pour le meilleur et pour le pire).
Je donne