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L’annonce du mois dernier selon laquelle on aurait identifié des traces de vie sur une planète située hors de notre système solaire, a été accueillie avec enthousiasme par les uns, et scepticisme par les autres. Depuis, d’autres recherches ont surtout refroidi l’enthousiasme. Mais dans l’état actuel de la technologie, est-on vraiment capable de prouver l’existence de vie sur une planète aussi lointaine ?


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L’origine du débat

Le 15 avril, une équipe dirigée par des astronomes de l’Université Cambridge annonçait avoir détecté « le signe le plus prometteur de vie » sur une autre planète. Appelée K2-18b, cette planète faisant deux fois et demie la taille de la Terre, tourne autour d’une étoile située à 124 années-lumière d’ici. Les données, publiées dans la revue Astrophysical Journal Letters, proviennent d’observations du télescope spatial James-Webb (JWST). Elles consistent en la détection, dans l’atmosphère de cette planète, d’une molécule appelée le sulfure de diméthyle, ou diméthylsulfure (DMS). Une molécule qui, sur Terre, est exclusivement produite par des êtres vivants, surtout de la vie microbienne, comme le phytoplancton. 

Preuve solide ou annonce prématurée? Le Détecteur de rumeurs constate qu’il y a trois gros obstacles.

Premier obstacle : c’est un signal faible 

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Des années 1990 jusqu’aux années 2010, lorsque les astronomes réussissaient à détecter des planètes autour d’autres étoiles que notre Soleil —des exoplanètes ou planètes extra-solaires— ils pouvaient tout au plus en estimer la taille, la masse et le temps qu’elles mettaient à faire un tour complet autour de leur étoile. Il s’agissait chaque fois de détections indirectes, en mesurant le minuscule impact qu’avait une planète sur la gravité ou la luminosité de son étoile. 

Les avancées technologiques plus récentes, en particulier avec le JWST, permettent d’analyser l’atmosphère d’une planète, si elle en a une: la façon dont la lumière de son étoile est filtrée par cette atmosphère peut révéler des « signatures » uniques à des atomes comme le carbone ou l’oxygène, ou à des molécules plus complexes comme le DMS.  

Le premier problème est que ces signaux sont évidemment très faibles. Ils nécessitent donc d’être confirmés par plus d’une observation. C’est cette étape qu’affirment avoir franchi les chercheurs en question, dirigés par l’astrophysicien Nikku Madhusudhan, puisqu’ils avaient déjà publié des observations préliminaires sur cette planète en 2023. Ils parlaient alors de dioxyde de carbone et de méthane dans l’atmosphère, et de la « possibilité » de DMS.

Mais comme quoi ce nouveau « signal », plus fort, ne fait pas l’unanimité, au moins trois articles ont d’ores et déjà apporté des bémols: 

  • dès le 22 avril, dans une étude prépubliée (ce qui veut dire qu’elle n’a pas été révisée par qui que ce soit), l’astrophysicien Jake Taylor, de l’Université Oxford, avait ré-analysé les données et disait n’y voir que du « bruit statistique »;
  • dans un autre texte prépublié, le 30 avril, le postdoctorant de l’Université d’État de l’Arizona Luis Welbanks, et ses collègues, ont reproché à Madhusudhan et son équipe de ne pas avoir pris en considération d’autres molécules que le DMS qui pourraient correspondre à cette « biosignature »; Madsuhuhan leur a répliqué dans un nouvel article prépublié le 15 mai, où son équipe compare les signatures de 650 molécules pour en conclure que seuls le DMS et deux autres, exclusivement d’origine biologique, correspondent aux données; 
  • enfin, une équipe dirigée par l’astronome Rafael Luque, de l’Université de Chicago, a prépublié le 19 mai une analyse des données qui conclut à des signaux suffisamment forts pour le dioxyde de carbone et le méthane, mais pas pour le DMS.

En théorie, la seule façon de trancher serait d’obtenir du JWST des observations d’une qualité supérieure. Ça s’en vient peut-être: le New York Times rapportait le 23 mai qu’une équipe d’astronomes du Jet Propulsion Laboratory, aux États-Unis, a récemment complété davantage d’observations de cette planète dans l’infrarouge.

Deuxième obstacle: est-on sûr que le DMS est causé par de la vie?

Si on y arrive, le deuxième obstacle sera toutefois plus difficile à franchir : le sulfure de diméthyle (DMS) pourrait-il être produit par autre chose que des êtres vivants? Même avec des données plus solides, ce débat pourrait durer des années… et demander « de la créativité », déclarait en avril le professeur d’astrobiologie Eddie Schwieterman, de l’Université de Californie. C’est parce que, si ce DMS était vraiment « non-biologique », il s’agirait alors d’un processus qu’on n’a jamais observé sur Terre. Comment en être sûr? 

Les sceptiques qui défendent cette idée évoquent des expériences de laboratoire sur certaines de ces molécules. Ou bien ils évoquent le cas du méthane sur Mars: ce gaz a été détecté à plusieurs reprises depuis 20 ans, ce qui suggère que des bactéries martiennes pourraient être à l’œuvre. Mais après 20 ans sans avoir pu localiser la source, les planétologues en débattent encore: serait-il possible que ce méthane ait une origine « non-biologique »?

Troisième obstacle : y a-t-il de l’eau?

Indépendamment de toutes ces analyses, il faudrait prouver qu’il y a de l’eau sur cette planète, ingrédient indispensable à la vie. 

Découverte en 2015, K2-18b est une parmi près de 6000 exoplanètes détectées depuis les années 1990. Mais elle fait partie de cette minorité qui est située dans la zone dite « habitable »: c’est-à-dire à la distance idéale de son étoile, celle qui permettrait l’existence d’eau liquide (quoique le terme « habitable » doive lui-même être utilisé avec prudence). En 2019, deux études (ici et ici) ont simultanément suggéré la présence de vapeur d’eau dans l’atmosphère de cette planète. L’équipe de Cambridge, dans son étude de 2023, l’a aussi mentionné.

Toutefois, certains chercheurs ont là aussi apporté des bémols: vapeur d’eau dans l’atmosphère ne veut pas dire océans. Pour le chimiste planétaire Oliver Shorttle, de l’Université Cambridge, la façon dont cette atmosphère absorbe la lumière de son étoile révélerait, selon lui, que la surface serait beaucoup trop chaude pour être capable de garder de l’eau à l’état liquide. 

Le débat, là aussi, pourrait donc durer longtemps. 

Verdict

On n’a pas encore prouvé qu’il y a de la vie sur K2-18b. Et les bémols soulevés par les experts rappellent que, sur quelque exoplanète que ce soit, la preuve pourrait être difficile à faire, dans l’état actuel de la technologie. 

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