Elément rassurant: on ignore si cette
nouvelle variante est dangereuse pour les humains. Cinquante-sept
personnes en sont mortes en Asie du Sud-Est, chaque fois
après l'avoir contracté d'un volatile contaminé.
Mais on confirme que le virus a muté,
suffisamment pour infecter, non plus seulement des volatiles
comme le poulet, mais des oiseaux migrateurs, et pas qu'une
seule espèce: selon
l'agence de nouvelles Novosti, plus de 10 000 oiseaux
sauvages et migrateurs seraient morts de la grippe aviaire
jusqu'ici.
En moins d'un mois, ce virus, de son vrai
nom H5N1, parti de l'extrême Est de la Sibérie,
a été signalé, d'Est en Ouest, dans
les régions d'Altaï, Novosibirsk,
Omsk, Tyumen, Kourgan et à présent Tcheliabinsk,
dans l'Oural, vaste région industrielle. Soit un
déplacement de 3000 kilomètres en moins d'un
mois.
Parce que la dernière région,
celle de Tcheliabinsk, est davantage peuplée, les
autorités russes ont choisi d'abattre des centaines
d'oiseaux, un effort désespéré pour
ralentir un tant soit peu la progression du virus. Ils ont
également mis en quarantaine plusieurs villages.
Aucun cas humain n'a encore été signalé.
La (trop) longue route vers un vaccin
Pendant ce temps, les nouvelles sont mi-chair
mi-poisson pour la création d'un éventuel
vaccin. Les NIH (National Institutes of Health), l'organisme
qui chapeaute les fonds alloués à la recherche
médicale américaine, ont annoncé plus
tôt ce mois-ci que des tests préliminaires
sur 452 personnes étaient encourageants.
Le problème, c'est que pour protéger
ces personnes de l'infection, il a fallu deux doses
du vaccin (90 microgrammes chaque fois, à quatre
semaines d'intervalle), ce qui est beaucoup.
Les critiques ont promptement fait le calcul: si
une épidémie devait vraiment apparaître,
une telle dose nécessiterait la production
de centaines de millions de vaccins dans un délai
très court (quelques mois); c'est au-delà
des capacités de quelque consortium pharmaceutique
que ce soit.
"Avoir besoin de deux doses est le pire des scénarios
possible", a expliqué au service d'information
de la revue britannique Nature le chercheur
principal à la division virologie de l'Institut
britannique des normes biologiques. "Vous n'irez pas
très loin avec ça."
D'après les chiffres cités par Nature,
l'ensemble du système de production de vaccins
aux Etats-Unis peut accoucher de 180 millions de doses
saisonnières. Si l'ensemble de ce système
était détourné vers la seule
production du vaccin contre la grippe aviaire dont
il est question ici, il ne pourrait en produire que
pour 15 millions de personnes, soit à peine
5% de la population.
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A
lire aussi:
Grippe
aviaire: notions de base
Grippe
aviaire: un vaccin est en route, mais qui va payer?
(31 mai 2005)
Le
retour du retour du retour de la grippe du poulet
(16 août 2004)
L'incompétence
du poulet (2 février 2004)
Le
vaccin
Plus
d'une demi-douzaine de laboratoires à travers
le monde y travaillent.
Le
vaccin annoncé ce mois-ci (voir texte ci-joint)
a été mis au point par la compagnie
Sanofi Pasteur dans ses laboratoires de Swiftwater,
Pennsylvanie.
Le
gouvernement américain en a déjà
acheté 2 millions de doses, mais cela ne protégerait
que 450 000 personnes, selon la compagnie.
Le
vaccin est basé sur la souche de H5N1 isolée
sur un patient vietnamien en 2003.
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La conclusion s'impose: il faut produire un
vaccin qui fonctionne à de plus faibles doses. Et
à la vitesse où se déplacent les oiseaux
migrateurs, c'est urgent.
Pascal Lapointe