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Ebats transgéniques
Faut-il des aliments transgéniques ou non? Pendant
que les grands de ce monde palabrent cette semaine à Montréal,
les écologistes s'indignent, les scientifiques s'indignent,
et les compagnies s'indignent. Qui dit vrai?
Ce qu'on peut lire ou entendre dans les journaux ou à
la télé, dans le cadre de cette conférence
internationale sur la biodiversité, se résume à
ceci : les pays producteurs, dont le Canada et, surtout, les
Etats-Unis, sont très réticents à l'idée
d'un étiquetage des aliments transgéniques, alléguant
qu'aucune forme d'étiquetage ne sera satisfaisante (faudrait-il
étiqueter le boeuf non-transgénique s'il a été
nourri d'aliments transgéniques?). Les écologistes
protestent contre toute forme de manipulation de la nature, alléguant
que notre connaissance des risques est trop réduite. Les
compagnies enfin, affirment que toutes les études possibles
sur la santé ont été réalisées
et ne veulent rien entendre d'une quelconque barrière
à l'exportation.
Ce que vous ne lirez pas, par contre, peut se résumer
à ceci : l'argument premier des Etats-Unis pour s'opposer
à un étiquetage est que cela ferait perdre des
milliards de dollars déjà investis à leur
industrie agricole -les semences sont déjà achetées,
les contrats avec les acheteurs européens ou asiatiques
sont signés, etc. Du côté des écologistes,
l'argument premier pour s'opposer aux aliments transgéniques
repose sur du vent (il y a bel et bien eu de nombreuses études,
et elles n'ont pas découvert le moindre impact négatif).
Enfin, l'industrie agricole européenne est d'ores et déjà
prête pour profiter de la débandade de son homologue
nord-américaine, si celle-ci doit se cogner le nez aux
frontières du Vieux continent.
Faut-il croire Christoph Bail, chef-négociateur pour
l'Union européenne, lorsqu'il déclare que l'Europe
favorise
un traité sur les aliments transgéniques (traité
qui imposerait l'étiquetage), non pas pour elle-même,
mais pour aider les nations sous-développées? Faut-il
croire les Américains, lorsqu'ils accusent les Européens
de ne réclamer un traité que pour limiter les importations
et ainsi, protéger leur marché?
Ce ne serait pas la première fois : les Etats-Unis
sont déjà en conflit avec l'Union européenne,
depuis la décision de cette dernière, en 1989,
d'interdire l'importation en Europe d'hormones bovines synthétiques.
Cette Conférence internationale sur la biodiversité
(dans les faits, il serait plus juste de l'appeler " Conférence
internationale sur les aliments transgéniques "),
qui
réunit à Montréal des représentants
de 134 pays du 24 au 28 janvier, est la deuxième partie
d'une bataille entamée en février 1999 à
Carthagène, en Colombie. A cette occasion, les principaux
pays producteurs, appelés " Groupe de Miami "
(Etats-Unis, Canada, Australie, Argentine, Uruguay, Chili) avaient
catégoriquement refusé l'étiquetage des
produits transgéniques " destinés à
l'exportation ". L'Union européenne réclamait
cet étiquetage et, bien sûr, elle continue de le
réclamer. Les pays du Groupe de Miami répètent
que si l'étiquetage est possible au niveau des semences,
en revanche, une fois ces semences transformées (huile
de canola, par exemple), le mélange est tel qu'il est
impossible de dire ce qui contient " du transgénique
" et ce qui n'en contient pas.
Depuis février 1999 toutefois, la donne a considérablement
changé : les mouvements de protestation " anti-transgénique
", qui secouaient l'Europe depuis deux ans, ont gagné
l'Amérique du Nord. C'est ce qui fait dire au New York
Times que les Etats-Unis sont plus que jamais isolés
: cette
fois, la pression sera beaucoup plus sur eux que sur les pays
européens.
Il ne reste qu'à voir si le jeu de coulisses aux Etats-Unis
sera suffisant pour faire pencher la balance : d'un côté,
les lobbys écologistes, pas si puissants qu'il y a 10
ans, mais tout de même très bruyants; de l'autre,
la puissante industrie agricole, grâce à laquelle,
l'an dernier, au moins le tiers des champs de blé américains
contenaient des plants modifiés génétiquement.
Ca fait beaucoup de sous en jeu...
Mais même là, nul besoin d'être un grand
prophète pour voir que le vent a tourné, et que
les Etats-Unis sont voués à plier. Le géant
américain des biotechnologies Monsanto est sur la sellette depuis plus d'un an, entre
son mythique gène Terminator
et ses graines " louées " à des agriculteurs;
le géant de la nourriture pour bébés Gerber
and Heinz s'est cru obligé d'annoncer en 1999 qu'il éviterait
tout produit génétiquement modifié dans
ses petits pots; le géant des pommes de terre frites Frito-Lay
a annoncé aux agriculteurs de l'Illinois qui l'alimentaient
qu'il n'accepterait désormais plus de pommes de terre
modifiées génétiquement; enfin, des agriculteurs
qui avaient utilisé en 1999 des graines génétiquement
modifiées ont
annoncé cet automne qu'ils renonceraient à en planter
en 2000, les protestations devenant un peu trop vives à
leur goût.
Certains de ces agriculteurs avaient commencé à
utiliser de telles graines en... 1995.
Non sans raison : ces graines se sont révélées
de loin plus efficaces et plus rentables que les graines "
normales ". Par exemple, une plante à laquelle on
a greffé un gène qui la rend invulnérable
à un type d'insecte entraîne des coûts de
production beaucoup moins élevés... Et devrait
en théorie faire le bonheur des écologistes, puisqu'on
n'a plus besoin d'insecticides...
Recherche et rédaction: Pascal Lapointe
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