Après quelques mois de silence, je retourne à mon clavier pour "bloguer" avec vous. J'espère que vous serez nombreux à réagir à mes propos.

Comme à tous les ans, le mois d'octobre marque le retour des prix Nobel dans l'actualité scientifique. Cette année, le Nobel de physique, attribué conjointement à John Mather et George Smoot, souligne une découverte qui a totalement révolutionné la cosmologie et permis à celle-ci de devenir une science plus étoffée et dynamique.

Les travaux de Mather et Smoot découlent des observations obtenues par le satellite COBE (Cosmic Background Explorer). L'objectif de ce satellite, lancé en orbite en 1989, était de mesurer avec précision le rayonnement résiduel du Big Bang. Cette radiation fossile, témoin d'une période chaude et dense lorsque que l'Univers était encore jeune, avait été prédite par George Gamow dans les années 1940, et observée pour la première fois par Arno Penzias et Robert Wilson en 1965. Ces derniers avaient d'ailleurs reçu le nobel de physique de 1978 pour leurs travaux.

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En fait, le Nobel de cette année est accordé pour deux découvertes distinctes. La première est celle de l'équipe dirigée par John Mather et confirme que le rayonnement fossile a bel et bien la forme d'un corps noir.

Attention, il ne faut pas confondre le concept physique du "corps noir" avec celui de "trou noir". Tout objet dont la température est supérieure au zéro absolu (-273 Celsius), émet de la lumière dans l'espace. L'intensité de cette radiation électromagnétique dépend de la température. De plus, l'intensité n'est pas la même à toutes les longueurs d'onde. Plus un objet est chaud, plus l'intensité maximum est émise à de courtes longueurs d'onde. Ainsi, parce que la température de votre corps est d'environ 37 Celsius, vous émettez de la lumière surtout dans le domaine infrarouge lointain; le Soleil, beaucoup plus chaud (!), environ 6000 Celsius, émet un maximum de rayonnement dans le domaine de la lumière visible. Pour un objet donné, la distribution de ce rayonnement (d'origine thermique) en fonction de la longueur d'onde prend la forme d'une cloche et porte le nom de distribution de Planck ou distribution du "corps noir".

Selon la théorie du Big Bang, l'Univers commence par une phase chaude et dense. Après environ 400,000 ans, la température est encore de 3000 degrés. Le rayonnement fossile découvert par Penzias et Wilson correspond à cette période. La seule différence est que ce rayonnement est dilué par l'expansion de l'Univers. Sa température n'est plus que de 2.73 degrés au dessus du zéro absolu. Cependant, la forme de la distribution de l'intensité en fonction de la longueur d'onde doit être la même, celle d'un corps noir.

Grâce aux données recueillies par COBE, Mather et son équipe ont montré que la distribution d'intensité est bel et bien celle d'un corps noir. Il est intéressant de noter qu'à peine 10 minutes d'observations par COBE ont été suffisantes pour confirmer cette prédiction du Big Bang ! De plus, lorsque Mather a présenté les résultats lors d'une conférence en janvier 1990 (quelques mois à peine après le lancement de COBE), il a eu droit à une ovation debout de la part des autres participants !

La deuxième découverte, aussi basée sur des observations de COBE, consiste en l'observation de petites fluctuations spatiales dans la distribution de Planck du rayonnement fossile. Cette découverte, fruit des travaux de George Smoot, confirme aussi une autre prédiction du Big Bang.

En effet, puisque nous observons un Univers rempli de structures diverses (galaxies, étoiles, planètes, ...), celles-ci doivent avoir une origine très ancienne. Les fluctuations spatiales observées par Smoot consistent en de très petites variations de la température (environ 0.5 millième de degrés) en fonction de la ligne de visée (la direction d'observation à partir du satellite). Ces petites variations de température correspondent à des variations de densité de la matière, i.e. que certaines régions de l'Univers sont un peu plus compactes que d'autres. Dans ces régions plus denses la force gravitationnelle y est un peu plus grande, et les premières galaxies vont éventuellement s'y former. L'image de ces fluctuations est en quelque sorte un portrait de l'Univers lorsque que celui-ci n'est encore qu'un "bébé".

L'image est si frappante que le physicien anglais Stephen Hawking a qualifié le résultat de Smoot comme "la plus grande découverte du 20ième siècle".

Les travaux de Smoot et Mather ont ouvert la voie a une nouvelle branche de la cosmologie appelée "cosmologie de haute précision". Les résultats de ces deux chercheurs ont évidemment été raffinés grâce à des expériences plus sophistiquées telles BOOMERANG , MAXIMA , et WMAP . Mais, les deux pionniers ont désormais leur place au panthéon des Nobel.

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