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Lorsqu’on parle d’agriculture et de gaz à effet de serre, on pense généralement à la forte empreinte carbone des éleveurs. Il y a pourtant d’autres pistes pour réduire les émissions, constatent le Détecteur de rumeurs et Unpointcinq


Cet article fait partie de la rubrique du Détecteur de rumeurscliquez ici pour les autres textes.


L’origine du problème

Avec 8,1 millions de tonnes d’équivalent CO2 en 2021, le secteur agricole représentait 10,4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) du Québec. Selon l’inventaire québécois des GES 1990-2021, c’était loin derrière les transports (42,6%) et l’industrie (32,3%) mais néanmoins une des plus fortes hausses par rapport à 1990. 

Encadré UnpointcinqUn peu plus du tiers des GES de l’agriculture québécoise provient de ce qu’on appelle la fermentation entérique (la digestion des animaux), un autre tiers provient de la gestion des sols agricoles, un quart de la gestion du fumier et moins de 1% est attribuable au chaulage et à l’application d’urée et d’autres engrais émettant du carbone.

Gestion des sols

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La rotation des sols est la plus ancienne des techniques de gestion des sols —elle remonte à l’Antiquité. Elle consiste à faire alterner les cultures dans différentes parties des champs d’une année à l’autre : pour les fermiers, cela permet de faire « reposer » les sols et augmente leur productivité.  

Mais il s’avère aussi qu’une bonne gestion des sols est une excellente manière de séquestrer le carbone, note le professeur en sciences du sol et stockage du carbone à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Vincent Poirier. De petits changements apportés aux pratiques peuvent avoir des effets importants, dit-il. La rotation des cultures, les cultures de couverture, une bonne gestion du fumier et des engrais ainsi que le pâturage, sont des solutions simples pour réduire l’empreinte carbone des pratiques agricoles.

« La majorité des approches, on les connaît, et les technologies pour les mettre en place existent déjà, dit-il. Bien souvent, il suffit d’exploiter la complémentarité des plantes pour mieux exploiter les différents profils de manière plus diversifiée. »

Le semi-direct est une technique qui permet de semer les plantes sans retourner le sol avec des machines spécialisées. La technique est aussi mise de l’avant pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, parce que le labourage expose à l’air le carbone enfoui dans le sol. Les microbes en profitent alors pour décomposer la matière organique en produisant du CO2.

Bémol: le « semi-direct » ne peut pas être utilisé par l’agriculture biologique, parce que celle-ci ne peut pas utiliser de pesticides pour « détruire » la culture précédente ou les mauvaises herbes. La rotation des cultures diversifiées est pour elle la meilleure solution.

Les autres gaz à effet de serre

En plus du CO2, il existe deux autres gaz à effet de serre qui occupent une grande place dans le monde agricole. Le protoxyde d’azote (N2O), issu de la fertilisation, et le méthane (CH4), généré par la rumination du bétail.

Au lieu de miser sur des engrais azotés, des producteurs intègrent des légumineuses dans la rotation des cultures, ces dernières fixant le nitrate dans le sol en s’associant à des bactéries. C’est notamment le cas pour les producteurs laitiers.

Si l’élevage de bovin est souvent montré du doigt, à juste titre, comme une source importante de GES, il existe pourtant des techniques pour les limiter. Certains éleveurs incorporent par exemple des graines de lin dans la nourriture des vaches, ce qui limite leurs rots et permet de diminuer de près de 10 % les émissions de méthane pour chaque litre de lait produit.

En ce qui concerne le fumier et le lisier, outre la biométhanisation, il est possible d’en faire une gestion plus optimale en séparant les formes solides et liquides, faisait valoir en 2021 Stéphane Godbout, de l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Enfouir le fumier après l’épandage permet aussi, dans la plupart des cas, de limiter les émissions de GES. « Les technologies existent, mais il y a un coût important à payer pour les producteurs », observait le chercheur.

Des déchets gastronomiques pour animaux

Adepte de l’économie circulaire depuis 1996, la compagnie Prorec, de Saint-Hyacinthe, récupère des résidus alimentaires destinés à l’origine aux humains. Ils sont ensuite transformés pour nourrir le bétail.

Croustilles, biscuits, et même du chocolat. Seule exception : aucune viande ou sous-produit animal.

Ce sont soit des rejets de production, soit des coproduits de leur production, comme le petit-lait lié à la confection du fromage. En 2021, le propriétaire et PDG de Prorec, Stéphane Le Moine, estimait qu’environ 9000 hectares de terres n’avaient pas à être cultivés pour l’alimentation animale, grâce à cette forme de récupération.

Limiter les déchets de plastique

Les fermes québécoises produisent chaque année, selon Recyc-Québec, 11 000 tonnes de plastique: bidons de pesticides ou de fertilisants, sacs de semences, etc. Un organisme sans but lucratif, AgriRÉCUP, financé par les manufacturiers, les récupère et les transforme en drains. L’organisme espère également être en mesure de recycler prochainement la tubulure acéricole, laquelle génère entre 2000 et 3000 tonnes de déchets par an. 

Avec l’aide des arbres

Enfin, il y a les plantations d’arbres. En reboisant des terres non cultivables, comme les bandes riveraines ou les zones de fortes pentes près des cours d’eau, il existe un potentiel de capture de GES. L’intérêt est double, car le reboisement des terres a aussi des bénéfices pour la biodiversité et pour la qualité de l’eau.

Mise en garde

Il n’existe pas de recette qui s’applique partout en agriculture. Des solutions qui peuvent être bénéfiques pour un type de sol pourraient être contre-productives pour un autre. Les fermes doivent par ailleurs être rentables pour continuer leurs activités et les impératifs financiers doivent évoluer. « Pour un producteur, c’est difficile de rentabiliser des investissements pour réduire ses GES parce qu’il n’y a pas de prime sur les prix », soulignait Stéphane Godbout, pour qui des aides de l’État sont nécessaires pour encourager les pratiques sobres en carbone.

 

Ce texte est une adaptation de deux reportages du magazine Unpointcinq, média de l’action climatique au Québec, parus ici et ici en 2021. 

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