Je souhaiterais signaler un article du Devoir aujourd'hui (26 août) concernant la pratique du "ghostwriting" par des compagnies pharmaceutiques. Il s'agit du recours à des prête-noms reconnus dans les milieux de la recherche qui acceptent de signer des articles favorables à leur produit préparés par des rédacteurs professionnels, évidemment en vue d'en favoriser la publication dans des revues scientifiques de renom.

Faut-il s'en étonner ?

Les compagnies pharmaceutiques disposent de budgets encore plus importants pour le marketing que pour la recherche et développement. Que ce soit pour la publicité de leurs produits, les subventions aux universités (et universitaires) qu'elles commanditent, le support aux organisations de "défense" de patients disposées à en devenir les porte-voix, et surtout, le lobbying auprès des politiciens et services gouvernementaux chargés de veiller au bien commun.

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Même l'éthique n'est pas à l'abri de leur influence. Le gouvernement du Québec a mis sur pied en 2007 un comité interministériel chargé de revoir les règles touchant l'encadrement de l'éthique de la recherche. Il faut savoir que les comités d'éthique de la recherche sont, en principe, les chiens de garde des intérêts des personnes qui acceptent de participer à des recherches cliniques, le plus souvent commanditées par les compagnies pharmaceutiques. Or, ces dernières, directement ou par l'entremise de chercheurs et d'universitaires complaisants, font pression depuis des années auprès du Ministère de la Santé et des services sociaux pour alléger les règles de l'éthique qui "entravent" (selon eux) le développement scientifique.

Eh bien, on ne sera pas trop étonné que les conclusions de ce comité interministériel, sans véritable consultation publique, proposent justement une remise en cause importante d'à peu près tous les principes fondateurs de l'éthique de la recherche convenus depuis les procès des savants nazis à Nuremberg quant aux obligations des chercheurs touchant le libre consentement des participants, notamment celui des personnes inaptes, l’utilisation secondaire d’échantillons biologiques, les banques de recherche, la confidentialité, etc.

Quant à la façon dont les comités d’éthique de la recherche s’acquittent de leurs devoirs dans les établissements de santé, il faut savoir qu’ils n’ont de comptes à rendre qu’au Ministre de la Santé et des services sociaux par l’entremise d’un rapport annuel d’activités. Comment fonctionnent-ils, quels sont leurs critères de sélection des projets, quelle surveillance font-ils des activités des chercheurs de leur établissement pour le compte des entreprises pharmaceutiques ? Mystère et boule de gomme... Suite à un jugement de la Commission d’accès à l’information, ces rapports des comités d’éthique de la recherche sont considérés entièrement confidentiels en raison, notamment, des conséquences que leur divulgation pourrait avoir sur la compétitivité des entreprises privées qui financent ces recherches et des chercheurs impliqués. Bien que les nominations sur ces comités soient entérinées par les C.A. des établissements publics, il est bien connu que ce sont les chercheurs des établissements qui en fait en contrôlent la composition et le fonctionnement.

Serait-il réaliste d’espérer que le chancelant (politiquement, s'entend) ministre Bolduc, ancien président du Comité de bioéthique du Saguenay/Lac-St-Jean, adopte une position le moindrement critique quant à aux orientations qui se prennent dans le domaine de la recherche clinique au Québec ? Tant les libéraux que les péquistes ont jusqu'ici favorisé sans réserves les traitements de faveur pour tout ce qui touche le développement de l'industrie pharmaceutique et celle des biotechnologies au Québec.

Il faudrait peut-être envisager la mise sur pied au Québec d"une coalition citoyenne de patients et participants à la recherche biomédicale pour faire contrepoids aux lobbies privés et à leurs vassaux. Si vous avez des suggestions à cet effet, faites-nous en part s.v.p.

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