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Au début de la bande-annonce du film 21 grammes , une voix hors champ récite la phrase suivante: «On dit que nous perdons tous 21 grammes au moment précis de notre mort». Si la voix se veut autoritaire, elle est néanmoins sans valeur. Quoi qu’il en soit, l’origine de cette affirmation mérite d’être racontée.

Plusieurs religions soutiennent que l’homme est une entité immatérielle. Certains écrits religieux affirment que l’essence de la vie, soit la manière poétique de décrire l’âme, est censée quitter le corps après la mort pour se rendre dans un autre monde, lui aussi immatériel.

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Sommité médicale du Massachusetts au début du siècle dernier, le docteur Duncan MacDougall était convaincu de l’existence de l’âme, mais croyait cependant qu’il s’agissait d’une entité physique. Toutefois, il ne savait pas si cette entité résidait dans le cœur, comme le croyaient les Égyptiens, dans le sang, comme le soutenaient les Romains, dans le foie, comme certaines tribus africaines le pensent, ou encore dans le cerveau, une notion véhiculée en Occident. Qu’à cela ne tienne, le docteur MacDougall croyait que si cette entité était bel et bien physique, on devait pouvoir en déterminer le poids. C’est donc ce qu’il entreprit de faire en 1907.

Dans le but de confirmer l’hypothèse selon laquelle l’âme quitte le corps au moment du décès, le docteur MacDougall mit au point un système de balance sur lequel reposait un lit mortuaire. Pour les besoins de l’expérience, il recruta six patients en fin de vie appelés tour à tour à s’allonger sur ce lit. D’après l’article paru dans American Medicine (avril 1907, vol. II, 240-243), il observa une soudaine perte de poids qui se produisait, selon ses dires, au moment précis du décès. Cette perte de poids pouvait-elle être causée par l’expiration du dernier souffle?

Duncan MacDougall répondit par la négative, expliquant qu’il s’était allongé sur le lit et avait émis le plus puissant souffre possible, sans pourtant observer de changement. Par ailleurs, le docteur MacDougall faisant mention d’une autre étude censée appuyer ses constatations, menée cette fois auprès de 15 sujets canins. À l’issue de cette étude, aucun changement de poids ne fut observé; un constat qui venait appuyer l’hypothèse selon laquelle l’animal, contrairement à l’humain, n’avait pas d’âme.

Comme l’indique la manchette (ci-dessus) du New York Times du 11 mars 1907, la nouvelle eut un grand retentissement à l’époque. Précisons que le comité de rédaction d’American Medicine n’était pas très critique quant à l’exactitude des études qui leur étaient présentées. En effet, l’étude menée auprès des six sujets n’est pas assez vaste pour que l’on puisse en tirer quelque conclusion statistique que ce soit. D’autre part, parmi les six participants à l’étude, une perte de poids instantanée et irréversible de trois quarts d’once (environ 21 grammes) n’a été observée que dans un seul cas. Dans deux des cas la perte de poids a continué à augmenter avec le temps. L’explication avancée par le docteur MacDougall est la suivante: appartenant à des individus paresseux, il est normal que ces âmes aient mis plus de temps à quitter le corps. Par ailleurs, chez deux autres sujets, une perte de poids initiale a été suivie quelques minutes plus tard d’une seconde perte de poids.

Selon la logique avancée par le docteur MacDougall, cela signifierait que les sujets soient morts deux fois? Enfin, une augmentation de poids a été observée au moment du décès de l’un des sujets; ce que le docteur MacDougall attribua à des difficultés techniques.

Cette série d’expériences plus farfelue les unes que les autres et sans aucune validité scientifique a donné lieu à la croyance populaire selon laquelle l’âme pèse 21 grammes. Et à son tour, cette croyance inspira au réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu l’idée du film mentionné plus haut. Outre dans la bande-annonce, le film ne fait aucune référence aux travaux du docteur MacDougall. Cela dit, il s’agit d’un excellent film, que je vous recommande fortement. ___

*On doit aussi à Alejandro González Iñárritu les films Babel (2006) et Biutiful (2010).

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