tableau-750gev.jpg
Le CERN a-t-il ou pas découvert une nouvelle particule ? Personne ne le sait encore, bien que nous ayons maintenant fait deux pas de plus depuis le dévoilement des premiers signes d'une possible découverte en décembre.

Premier pas : les expériences ATLAS et CMS ont montré hier à la conférence de Moriond que les signes d’un signal persistent après la réanalyse des données de 2015 à l’aide de calibrations et de techniques de reconstruction améliorées. Le faible signal est même légèrement renforci (voir tableau). CMS a ajouté de nouvelles données recueillies durant une défaillance de leur aimant. Après beaucoup d'efforts et d’ingéniosité, ceci ajoute 20 % de données supplémentaires. De son côté, ATLAS a montré que toutes les données accumulées à moindre énergie jusqu'à 2012 étaient aussi compatibles avec la présence d'une nouvelle particule.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Le tableau ci-dessous montre les résultats présentés par CMS et ATLAS en décembre 2015 et février 2016. Deux hypothèses ont été testées, chacune correspondant à des caractéristiques différentes pour cette hypothétique particule : "spin 0" correspond à un nouveau type de boson de Higgs, tandis que "spin 2" dénote un graviton.

"Local" se réfère à l’intensité du signal lorsque mesuré pour une particule ayant une masse de 750 ou 760 GeV, tandis que "global" indique la probabilité de trouver un petit excès sur une large gamme de valeurs de masse. En physique, les fluctuations statistiques sont monnaie courante. On trouve toujours une petite anomalie lorsqu’on cherche dans tous les coins. Il est donc sage de prendre en compte un intervalle élargi. Globalement donc, l'excédent d'événements observé est toujours très limité. On est encore bien loin de la barre des 5σ, le critère utilisé pour une découverte. Ce qui est très fort par contre, c’est que les deux expériences l'ont trouvé indépendamment.

Le deuxième et bien plus grand pas franchi, c’est que la confirmation possible de la présence d'une nouvelle particule se rapproche simplement parce que la reprise du Grand Collisionneur de Hadrons est imminente. On attend les nouvelles données début mai. Dans 2 ou 3 mois, les deux expériences connaîtront enfin la réponse.

Mais sans plus de données, impossible de confirmer ou réfuter l'existence d'une nouvelle particule avec certitude. Et c'est justement pour cela qu’on paie les physiciens et physiciennes: déterminer les lois de la Nature sans qu’il ne subsiste l'ombre d'un doute.

Cela n’empêche personne de rêver en attendant, car si ceci était confirmé, ce serait la plus grande percée en physique des particules depuis des décennies. Déjà, la frénésie s’est emparée des théoriciens et théoriciennes. On comptait en date du premier mars 263 articles théoriques sur le sujet. Tout le monde essaye de déterminer ce que cela pourrait être.

Pourquoi est-ce si passionnant ? Si elle existe, ce serait la première particule à être découverte à l'extérieur du Modèle standard, la théorie actuelle. La découverte du boson de Higgs en 2012 avait été prévue et avait simplement complété une théorie existante. Un exploit, bien sûr, mais la découverte d’une particule imprévue révèlerait enfin la nature d’une théorie plus vaste dont tout le monde soupçonne l’existence, mais qui n'a pas encore été trouvée. Hier à la conférence de Moriond, Alessandro Strumia, un théoricien du CERN, a prédit que cette particule s’accompagnerait probablement d’une kyrielle de nouvelles particules.

Les théoriciens et théoriciennes ont passé des années à essayer d'imaginer cette nouvelle théorie tandis que du côté expérimental, on a déployé des efforts héroïques à trier des quantités faramineuses de données à la recherche de la moindre anomalie. Nul besoin de dire que l’atmosphère est fébrile en ce moment au CERN; tout le monde retient son souffle en attendant les nouvelles données.

Pauline Gagnon

Pour en savoir plus sur la physique des particules et les enjeux du LHC, consultez mon livre : « Qu’est-ce que le boson de Higgs mange en hiver et autres détails essentiels», en librairie en France et en Suisse dès le 1er mai. Pour recevoir un avis lors de la parution de nouveaux blogs, suivez-moi sur Twitter: @GagnonPauline ou par e-mail en ajoutant votre nom à cette liste de distribution.

Je donne