Image IRM d'un cerveau

Vous êtes-vous déjà dit que votre cerveau était un bien bel aimant ? Probablement pas… mais c’est pourtant la façon dont les scientifiques de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) le voient. Oui oui, enfin pas de là à vouloir vous coller la tête sur un réfrigérateur non plus, rassurez-vous.

En fait, les scientifiques de l'IRM s’intéressent de près au proton siégeant au cœur de chaque atome d’hydrogène contenu dans les molécules d’eau, H2O pour les intimes, se baladant dans votre cerveau (comme quoi, l’hydratation, c’est important).

Pourquoi aller chercher aussi petit ?

me direz-vous ? Et bien parce que le proton possède une caractéristique qui s’appelle le spin et qui lui confère des propriétés magnétiques supplémentaires. Ce spin, similaire à la masse et à la charge électrique (vous êtes plus familiers avec ces dernières grâce à vos cours de science du secondaire), est tout bonnement analogue à une boussole portée par le proton. Vous savez bien qu’une boussole peut pointer dans n’importe quelle direction, mais tend à s’aligner avec le champ magnétique dans lequel elle est plongée. Pour le spin du proton, c’est presque pareil, mis à part le fait qu’il ne puisse pointer que dans deux directions : soit aligné avec le même champ magnétique, soit anti-aligné avec le champ magnétique (il pointe dans le sens opposé au champ magnétique).

Qu’est-ce qui rend mon cerveau magnétique finalement ?

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Oui, j’y arrive : c’est la tendance du spin à s’aligner avec le champ magnétique ! Cette tendance est assez faible dans le cerveau, un excès d’environ un spin aligné sur un million au total, à cause de sa haute température (37,5 °C, c’est chaud par rapport au zéro absolu à -273,15 °C). Mais elle est largement suffisante pour détecter du magnétisme dans une IRM (merci à la précision de la physique quantique).


Pour comprendre comment l’IRM fonctionne à la base, nous allons nous concentrer sur ce lot de trois figures :

Comment décortiquer le magnétisme de votre cerveau

Commençons par la figure [a]. Lorsque vous êtes allongé.e dans une IRM, votre cerveau (en rose) est soumis à un fort champ magnétique (en vert). Les parties magnétiques du cerveau vont voir leurs spins tendre à s’aligner avec le champ magnétique (petites flèches bleues claires). Certaines parties du cerveau sont plus magnétiques que d’autres (si l’eau y est plus dense), d’où les différentes tailles de flèches bleues claires. Si on additionne toutes ces flèches, on obtient ce qu’on appelle l’aimantation du cerveau (grosse flèche bleue foncée), qui est alignée avec le champ magnétique. Pour récolter un signal et former une image, il est nécessaire de faire basculer cette aimantation dans le plan dessiné en trait noir. Pour ce faire, on soumet le cerveau à un autre champ magnétique pendant une courte durée (pas dessiné ici), en maintenant le champ magnétique en vert allumé, pour faire tourner l’aimantation de 90 °. La figure [b], qui représente la vue de dessus de la figure [a], nous permet alors de comprendre ce qui se passe : une fois basculée dans le plan en noir, l’aimantation va se mettre à tourner dans le plan autour de l’axe du champ magnétique, on parle de précession. Cette précession se fait à une vitesse dépendante de la force du champ magnétique en vert et se trouve être la source du signal mesuré par l’IRM. En tout moment, tous les spins (en bleu clair) formant l’aimantation (en bleu foncé) précessent à la même vitesse et l’aimantation conserve donc toute sa force au cours du temps. Sauf… que ce n’est pas ce qui se passe dans la vraie vie… 

Dans la vraie vie, votre cerveau est un véritable capharnaüm magnétique : chaque spin voit un environnement un peu différent de celui vu par son voisin et perçoit donc un champ magnétique un peu différent de celui perçu par son voisin. On se retrouve alors dans la situation de la figure [c], où les spins précessent à des vitesses différentes. Comme ils ne pointent plus tous dans la même direction au cours du temps, leur somme donne une aimantation qui devient de plus en plus faible à mesure que le temps s’écoule : on perd très rapidement le moindre signal mesurable et c’est la catastrophe !


Par chance (enfin plutôt suite un travail acharné), le remède à ce problème a été découvert par le physicien américain Erwin Hahn en 1950 : l’écho de spin. Avant de continuer, il serait bon de s'attarder quelque peu sur cette couverture d'une édition de 1953 du magazine Physics Today : 

Une analogie de l'écho de spin, faite au pas de course!

 

 

 

En effet, elle vous propose une analogie bien sportive pour expliquer l'écho de spin. Imaginons tout d'abord que des coureurs partent simultanément à des vitesses différentes sur une piste de course [A,B,C]. Les plus rapides parcourent une plus grande distance que les plus lents. Au bout d'un certain temps T, on leur signale de faire demi-tour et de revenir à la ligne de départ en conservant leur vitesse de départ [D]. Maintenant, les plus rapides ont une plus grande distance à parcourir par rapport aux plus lents, mais ils sont tout de même plus rapides. En fin de course, tous les cobayes de cette expérience se retrouvent sur la ligne d'arrivée exactement au même moment [E,F] !

 

 



D'un point de vue plus physique (si vous voyez ce que je veux vraiment dire), l'écho de spin est illustré dans le lot de figures ci-dessous :

L'écho de spin... spin... spin...

Dans la figure [a], on retrouve notre capharnaüm magnétique : les spins précessent à des vitesses différentes, car ils ne voient pas tous exactement le même environnement magnétique. Pour obtenir un écho de spin, il suffit d’appliquer un champ magnétique de courte durée au bout d’un temps T pour faire tourner les spins de 180 ° autour de l’axe horizontal, comme dans la figure [b] : il suffit alors d’attendre exactement le même temps T pour que les spins se retrouvent le long de la même orientation tous en même temps. En effet, après la rotation de 180 ° (figure [c]), les spins les plus rapides de la figure [a] ont plus de chemin à récupérer que les spins lents de la figure [a]. On parle d’« écho » de spin parce que le signal disparaît rapidement dès le départ, mais réapparaît plus tard (à la fin de la figure [c]), comme dans le cas d’un écho.

Voilà notre problème résolu : il est possible de mesurer le magnétisme de votre cerveau pour le cartographier


Bref, qui aurait cru il y a de cela 100 ans qu’on se servirait du magnétisme pour soigner (réellement) des gens. C’est encore une fois un bel exemple des applications initialement inattendues de la recherche fondamentale! À bon entendeur…

Alexis

Je donne