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Il y a 15 ans,  une « bactérie à l’arsenic » faisait brièvement sensation. Si son existence avait été confirmée, ça aurait été une révolution pour la biologie : l’équivalent de trouver une bactérie extraterrestre. Il avait suffi de quelques jours pour que la découverte ne soit discréditée —mais il aura fallu 15 ans pour que la recherche ne soit officiellement rétractée.

Dams une note publiée le 24 juillet, la revue Science annonce en effet la rétractation, c’est-à-dire le retrait de ses archives, de la recherche sur la bactérie GFAJ-1, et invoque des « données fautives ». 

On aurait pourtant pu croire son sort réglé depuis près de 15 ans. À la base, ce que les chercheurs, sous la direction de la biochimiste Felisa Wolfe-Simon, avaient affirmé en décembre 2010 avoir identifié dans les eaux du lac Mono, en Californie, c’était une bactérie qui, à l’encontre de l’ensemble des êtres vivants, avait remplacé le phosphore, pour fabriquer son ADN et ses protéines, par de l’arsenic. Un communiqué de l’Institut d’astrobiologie de la NASA, qui employait alors Wolfe-Simon, en avait ajouté une couche, proclamant que GFAJ-1 « élargit notre compréhension de la possibilité de vie sur d’autres planètes ».  

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Rapidement, des chercheurs avaient commenté et sévèrement critiqué la recherche, publiée dans l’édition en ligne de la revue Science. Cinq mois plus tard, Science avait retardé la publication de l’étude dans son édition imprimée, afin de l’accompagner de pas moins de huit textes critiquant différents aspects méthodologiques et mettant en doute ses conclusions. En 2012, Science avait publié deux autres recherches concluant que la bactérie utilisait bel et bien du phosphore. et n’intégrait pas l’arsenic dans son ADN. 

Dans un billet de blogue accompagnant la note de rétractation du 24 juillet dernier, le rédacteur en chef de Science, H. Holden Thorp et la directrice de la série de revues Science, Valda Vinson, prennent soin de souligner qu’il n’y a aucun soupçon de fraude. Mais que l’ensemble des commentaires post-2010 suggèrent que certaines des observations de l’étude originale sont le fruit de contamination de la bactérie par de l’arsenic, et non de l’utilisation de l’arsenic par cette bactérie. C’est ce qui lui fait utiliser l’expression « données fautives » (flawed data).

En réponse, les auteurs de l’étude originale rejettent l’accusation en question, affirmant s’en tenir à leurs résultats de 2010.

Quant au pourquoi d’une rétractation aussi tardive, 13 ans après les deux derniers articles qui semblaient avoir mis fin au débat, H. Holden Thorp, qui était devenu rédacteur en chef en 2019, explique que la question de la rétractation de cette étude resurgissait régulièrement depuis. Ce serait une demande de commentaires du New York Times à la fin de 2024, en vue d’un article sur Felisa Wolfe-Simon paru en février 2025, qui aurait enclenché le processus. Qui plus est, dit-il,  cette rétractation s’inscrit dans un contexte où celles-ci  sont plus nombreuses, et la montée d’outils de recherche alimentés par  l’IA risque de rendre de tels gestes plus nécessaires encore. « Tant que vous n’avez pas mis le mot « rétracté » dans le titre, vous ne déclenchez pas tous les outils d’IA ».

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