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La Chine affirme sa présence sur Mars avec son robot téléguidé, qui vient tout juste de se poser en douceur sur la surface de la planète rouge.  Un autre sérieux joueur s’ajoute à l’exploration spatiale.  Que nous réservent, d'ici 2040, les prochaines années sur le plan des projets d’exploration spatiale, des découvertes, des avancées technologiques et de la place prise par de nouveaux joueurs privés tel SpaceX ?

La conquête spatiale a débuté en 1957, pendant la période de la Guerre froide entre les États-Unis et l’URSS, avec le premier satellite artificiel russe Spoutnik-1. Les premiers pas sur la Lune en 1969, réalisés par deux astronautes américains, furent marquants à cet égard. Depuis, d’autres pays se sont lancés dans la course dont la France, le Canada, la Chine, le Japon, l’Inde et même de plus petits pays comme l’Union des États arabes unis, Israël ou la Corée du Sud. Plus récemment, la course a pris un nouvel élan avec des puissances intéressées par la Lune et Mars, avec dans le peloton de tête la Chine.

Le géant chinois

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Comme les États-Unis et la Russie (anciennement, l'URSS), la Chine a débuté son programme spatial en fabricant des fusées pour y installer des ogives nucléaires.  Dès les années 1990, la Chine élargissait ses ambitions spatiales dans le domaine météo et l’observation de la Terre.  Elle devient en 2019 le pays qui qui effectue le plus de lancements réussis de son port spatial tropical de l’île de Hainan, soit 32 tirs.  Son budget spatial de 8 à 10 milliards de dollars américains dépasse largement celui de la Russie, estimé à 4,2 milliards de dollars américains.  Il vient presque égaler celui de l’Agence spatiale européenne à 11 milliards de dollars américains, selon l’Institut Montaigne.

Déjà en 2004, la Chine ambitionnait d’explorer la Lune. Quinze ans plus tard, elle a réussi à faire alunir l’astromobile Yutu-2 sur la face caché de la Lune. Américains et Russes n’y étaient pas parvenus.  Et le 10 février dernier, ce pays mettait en orbite autour de la planète Mars la sonde Tianwen-1 . Cette semaine, il y a posé son atterrisseur ainsi que le robot téléguidé Zhurong.   Les Américains avaient mis 20 ans à atteindre ce niveau d’excellence technique.  La Chine pourrait devenir la deuxième puissance spatiale, dépassant la Russie, qui n’a pas réussi cet exploit malgré de nombreuses tentatives.

Enfin, la Chine vient de lancer ce mois-ci son premier module de sa future station spatiale permanente, grâce à sa plus puissante fusée Longue Marche 5.  Les Américains avaient  refusé l’accès aux Chinois à la Station spatiale internationale. La Chine espère développer cet avant-poste en orbite avec les Russes.  Et le pays caresse l’idée d’envoyer ses taikonautes vers la Lune possiblement avant 2024, ce qui damerait le pion aux Américains.

La NASA se transforme

Bien que talonnés par la Chine, les États-Unis conservent pour l'instant leur statut de première puissance spatiale. Dans ce contexte, la NASA voit tout l’intérêt d’utiliser de nouveaux programmes financés et développés par l’industrie privée américaine comme les compagnies SpaceX ou Blue Origin, pour s’affranchir de la Russie, dont la fusée Soyouz est nécessaire à l’envoi des astronautes sur la Station spatiale. 

Reste que le coût d’envoi d’une mission en orbite avec la future fusée géante de la NASA, SLS, sera d’environ 1,5 milliard de dollars alors que la fusée Falcon Heavy de SpaceX coûte 150 millions de dollars par lancement, quoique pour la moitié de la puissance du SLS.

Pour son programme Artemis de retour à la Lune autour de 2024, la NASA met en compétition des acteurs privés du spatial. Cependant, cette guerre de prix entre les trois concurrents de l’atterrisseur lunaire, que sont SpaceX, Blue Origin et Dynetics, pourrait reporter le retour d’un équipage après 2024.  La future capsule spatiale Orion de la NASA est le produit d’une collaboration avec les Européens pour la partie technique. De plus, sa future station spatiale circumlunaire Gateway serait assurée par des modules européens, au lieu de modules russes. Le nouveau Canadarm 3, fourni par l’Agence spatiale canadienne, serait installé sur ce futur avant-poste lunaire, le Canada étant avec ses compagnies privées affiliées, le chef de file en robotique spatiale  dans le monde.

Par ailleurs, la NASA conserve aussi son rôle de leader pour l’exploration du système solaire. Plusieurs missions sont prévues vers Jupiter, Saturne et au-delà, à l’aube des années 2040, sans oublier Mars avec  comme toile de fond scientifique la recherche d’une forme de vie. La NASA a l’appui politique des élus du Congrès, qui considèrent que la NASA contribue à soutenir l’innovation technologique partout dans le pays.

L’Europe comme puissance spatiale

L’apport de la France, celui de son agence spatiale (CNESS) et de l’agence spatiale européenne l’ESA ne sont pas à minimiser. Les Européens développent des missions autant avec les Américains que les Russes, comme la russo-européenne Exomars. Victime de difficultés techniques aggravées par la pandémie, ce projet a été reporté à 2022.  Les Européens ont compris qu’une collaboration multinationale assurerait sa position. Ils s’activent à partir de leur base de lancement de Kourou en Guyane française, et développent le nouveau lanceur Ariane 6.   

Cependant, l’Europe semble manquer d’ambition, selon Patrick Baudry, deuxième spationaute français de l’histoire. L’Europe ne peut encore envoyer une mission habitée par elle-même et doit toujours faire appel aux Américains ou aux Russes.  Et parmi tous les pays qui composent l'Union européenne, seuls quelques-uns dont la France, fournissent des instruments scientifiques aux missions spatiales.

Le Japon comme puissance technologique

Depuis 1970, le Japon possède son propre spatioport. Ses lanceurs sont maintenant assez puissants pour ravitailler la Station spatiale internationale et lancer des sondes vers la Lune, Mars, les comètes ou des astéroides.  Il se démarque véritablement des autres puissances spatiales grâce à l’utilisation de ses propulseurs électriques, notamment avec ses sondes Hayabusa

La JAXA, sont agence spatiale, collabore avec la NASA dans l’exploration future de la Lune et prévoit y envoyer un astronaute d’ici 2030. Malgré son partenariat avec la mission émirate vers Mars Al-Amal, le Japon n’a pas encore d’ambition d’explorer elle-même la planète Mars.

L’Inde et son modèle spatial

L’INSO, l’agence spatiale indienne, est fière de posséder son propre spatioport et d’y lancer des satellites commerciaux et d’exploration vers la Lune et Mars, à un prix de revient inégalé.  Après le succès de ses sondes Chandrayaan 1 (2008) et 2 (2019) vers la Lune, elle prévoit lancer très bientôt la mission Chandrayaan 3, soit l’atterrissage d’un robot téléguidé. Sa plus importante réussite a été de mettre en orbite autour de Mars la sonde Mangalyaan en 2014.  Ce succès lui a permis de se hisser temporairement au niveau de cinquième puissance spatiale mondiale.    

Ce pays a aussi l’ambition d’envoyer par lui-même un homme dans l’espace vers 2022 et de construire une station spatiale vers 2030. Le budget de l’INSO demeure toutefois modeste, dépassant à peine un milliard de dollars américains annuellement. 

La Russie à la croisée des chemins

Longtemps le premier lanceur, la Russie se fait largement dépasser par la Chine et les États-Unis et maintenant, par le lanceur privé américain SpaceX.  Cette entreprise est capable d’envoyer des astronautes vers la Station spatiale internationale avec sa nouvelle capsule à quatre places Crew Dragon, à un coût bien moins élevé qu’une seule place dans la fusée Soyouz.

Les Russes n’ont pas réussi à faire atterrir en douceur et à faire fonctionner des sondes à la surface de Mars, même en partenariat avec les Européens ou les Chinois. Sa participation au maintien des activités de recherche dans la Station spatiale internationale s'achève bientôt. Les Russes préfèrent s’allier aux Chinois dans une future station spatiale sur orbite basse autour de la Terre, et leur volonté est de renoncer à collaborer avec les Américains dans le projet de la station circumlunaire Gateway.

L’agence spatiale russe ROSCOSMOS est en réorganisation et une réduction des effectifs de 15% est envisagée. Son budget spatial ne dépasse pas celui de la Chine, ni de l’Europe.  Son projet d’atterrisseur lunaire Luna-25, en partenariat avec l’Agence spatiale européenne, préalablement prévu en 2021, pourrait marquer la tentative de la Russie de retourner vers la Lune d’ici peu.

Les Émirats arabes unis dans la course 

Ces micro-états arabes ont réussi, avec peu de moyens, à lancer une mission martienne avec le concours d’un lanceur japonais et à mettre en orbite autour de Mars leur sonde Al-Amal, en février 2021.  La sonde étudiera la météo martienne. 

L’Afrique et les autres pays du Moyen-Orient ?

En 2019, l’Union africaine a créé son agence spatiale. Pour l’instant, 31 satellites africains ont été lancés, surtout dans le domaine de la surveillance environnementale ou des télécommunications. C’est l’Afrique du sud qui est le pays le plus actif. Cependant, le Nigéria et l’Égypte prévoient envoyer des astronautes via d’autres agences spatiales, d’ici 2030.  Les budgets de ces agences spatiales sont encore très modestes.

Israël et l’Iran ont aussi un programme spatial non militaire avec quelques lancements de satellites à leur actif. Ils sont surtout à définir leur objectifs scientifiques. 

La bataille des lanceurs et la Guerre en orbite

Être réutilisable et moins coûteux: ce sont les motivations des nouveaux acteurs du domaine spatial. SpaceX y arrive très bien avec sa fusée Falcon 9, dont le premier étage revient se poser sur une base terrestre. Il en va maintenant de même pour sa capsule à quatre places Crew Dragon qui vient d’être réutilisée pour un second lancement vers la Station spatiale internationale. La Russie a donc perdu son monopole de transport d’équipage.  Le coût du siège d’astronaute a ainsi fondu de presque la moitié. 

La lutte est encore plus féroce dans l’envoi de satellites sur orbite basse ou géostationnaire. Plusieurs entreprises en démarrage (start-ups) sont en compétition avec les acteurs gouvernementaux traditionnels. Les composants électroniques de plus en plus petits permettent la construction de minisatellites, dont les cubesats et sont maintenant plus faciles et moins coûteux à mettre en orbite.

Mais il y a plus, avec le développement de composantes de fusées grâce à leur impression en 3D. Des expériences sont même réalisées dans la Station spatiale.  Dans un avenir plus ou moins rapproché, il serait possible de construire des composantes de fusées en orbite terrestre ou avec de la régolyte (poussière de roche)à la surface de la Lune ou de Mars.

L’avenir des grands projets d’exploration spatiale : science ou suprématie économique

Le prestige reste un moteur de l’exploration spatiale et de la nouvelle course vers la Lune et Mars. Aucune pays ayant une industrie technologique de pointe n’échappe à ce rêve de gloire.

Pour la Lune, l’exploration et l’exploitation minière de métaux, dont certains rares sur Terre, pousse tous les pays qui ont le savoir-faire nécessaire, à envoyer des sondes autour de la Lune et à sa surface.  Aucun pays ne peut par contre revendiquer un territoire sur notre satellitel, selon un vieux traité de l’ONU. Mais, il est possible d’occuper un territoire en envoyant de l’équipement sur place, selon l’Obama Space Act. Il est même envisagé de protéger militairement les installations d’un pays occupant un territoire par une force spatiale comme l’US Space Force. L’intensification de la compétition entre les puissances est donc à prévoir et tous les paris sont ouverts sur l’issue de cette lutte.      

Pour Mars, les enjeux scientifiques sont beaucoup plus présents, mais les pays s'y bousculent aussi ces dernières années. 

Une course renouvelée à l’espace est maintenant ouverte avec un plus grand nombre de joueurs.  Une nouvelle épopée se joue, où tout peut arriver.

 

Sources :

CNSA, NASA, ESA, revue Diplomatie numéro 58, 2040 Tous dans l’espace, Space 2.0, Ciel&Espace, RC, LP.

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