Stress

Par Isabelle Campeau-Hunziker, étudiante au doctorat en psychologie, UQAM

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Le stress est souvent perçu comme un ennemi redoutable, une bête noire qui provoque plusieurs conséquences négatives comme des migraines, des maladies cardiaques et des troubles du sommeil1. C’est donc sans surprise que la majorité des individus désire vivre le moins de stress possible.

Cependant, cette initiative demeure déficiente puisqu’il est impossible d’éliminer complètement les situations stressantes, sans compter que l’élimination du stress pourrait priver les individus d’opportunités de performance et de croissance. Ainsi, lors de situations de stress, une approche plus efficace consiste à percevoir cette bête noire comme une ressource et un outil afin d’en tirer plusieurs bénéfices2.

Une lunetterie propose deux choix de lunettes; une paire colorée et une paire noire. Selon le choix de lunettes, le stress sera perçu de façons complètement différentes. Lorsqu’une personne enfile la paire colorée, le stress est vu comme un outil permettant d’améliorer la performance, la santé et le bien-être. À l’inverse, lorsque la paire noire est enfilée, le stress est vu comme un fardeau qui diminue la performance, la santé et le bien-être. Plusieurs études ont démontré que percevoir le stress comme un outil est associé à une meilleure performance, à une plus grande satisfaction de vie et à moins d’anxiété, pour ne nommer que quelques-uns des bienfaits de cette perspective sur le stress3.

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Le stress, défense naturelle du corps

Pour plusieurs, le stress est cette boule dans l’estomac avant un examen, des mains moites avant une entrevue, ou encore un cœur qui bat la chamade en regardant le dernier match des Canadiens. En réalité, le stress est au rendez-vous lorsque les demandes situationnelles excèdent les ressources disponibles d’un individu4. Par exemple, un individu qui possède trop de tâches à effectuer rapidement vivra du stress, car les demandes situationnelles excèdent les ressources à sa disposition. Les demandes situationnelles englobent donc l’incertitude, le danger et le manque de temps, alors que les ressources disponibles incluent la familiarité de la situation, les connaissances, les aptitudes et le soutien social5.

De plus, le stress est une défense naturelle du corps qui nous permet de réagir plus efficacement et d’affronter des situations difficiles6. Ainsi, lorsque nous sentons notre cœur battre plus rapidement ou cette goutte de sueur nous perler sur le front, cela est dû à des hormones qui ont été libérées dans notre corps. Ces hormones, comme le cortisol ou l’adrénaline, augmentent le rythme cardiaque, la transpiration et la vigilance pour mieux gérer et répondre au stress7. Dans un contexte de performance, percevoir le stress avec les lunettes colorées permet de modifier la façon dont notre corps y réagit et d’en récolter les nombreux avantages8.

Le stress : inévitable, mais gérable

Pour plusieurs, le stress est synonyme de détresse, mais il est important de garder en tête les bienfaits du stress, comme l’amélioration de la performance et des stratégies d’adaptation plus proactives9. Subséquemment, comme plusieurs situations extrêmement stressantes ne peuvent être éliminées ou atténuées, il peut être bénéfique d’opter pour une nouvelle perspective. Par exemple, un élève typique aux États-Unis est soumis à 112 tests obligatoires du Département de l’éducation entre la prématernelle et la 12e année10. Cet étudiant ne peut échapper aux nombreuses situations de stress qui en découlent, mais peut apprendre à en tirer profit. De plus, la perception que nous avons du stress à des conséquences tout aussi réelles que le stress lui-même sur notre corps. Abiola Keller et ses collègues ont trouvé que les individus qui vivent beaucoup de stress et qui perçoivent ce stress comme étant négatif pour leur santé ont 43 % plus de chance de mourir prématurément comparativement au reste de la population. Cependant, ceux qui perçoivent ce stress de façon positive ont 17 % moins de chance de mourir prématurément que la population générale11. Heureusement, il est possible de modifier sa vision du stress grâce à deux stratégies : (1) la réévaluation du stress, et (2) l’adoption d’un état d’esprit où le stress enrichit la performance. Ces stratégies permettent de voir le stress comme un ami et non plus comme un ennemi de la situation12.

Réévaluer le stress pour mieux performer

La réévaluation du stress consiste à apprendre aux individus que l’excitation physiologique éprouvée lors de situations stressantes peut être considérée comme une ressource qui améliore la performance13. Par exemple, un cœur qui bat plus rapidement en raison du stress causé par un examen permet d’augmenter l’apport d’oxygène au cerveau14 . Cette réévaluation du stress s’effectue dans des situations de performances, où l’individu doit atteindre un objectif qu’il juge pertinent. Parmi ces situations, on retrouve les examens, les entrevues de sélection, parler en public et plus encore. La réévaluation du stress comprend une évaluation des demandes et des ressources disponibles dans la situation en question, engendrant soit une réponse au stress de type défi ou de type menace. Le stress de type défi survient lorsque l’individu évalue qu’il possède plus de ressources que de demandes, alors que le stress de type menace survient lorsque l’individu évalue qu’il n’a pas assez de ressources pour faire face aux demandes. Bien que les deux types de réponses entrainent des changements physiologiques, la réponse de type défi entraine plus de bienfaits corporels que la réponse de type menace. Par exemple, la première améliore l’efficacité cardiaque alors que la seconde empêche une bonne circulation du sang15.

À cet égard, une étude a démontré que les étudiants qui utilisent l’excitation causée par le stress comme une ressource ont vécu moins d’anxiété et ont mieux performé à un examen de mathématiques comparativement aux étudiants qui ignoraient le stress16. Ainsi, la réévaluation du stress ne vise pas à éliminer les réactions physiologiques, par exemple par la relaxation, puisque sans stress, il n’y aurait pas de changement corporel, tel que plus d’oxygène au cerveau17. La réévaluation du stress s’applique à des situations spécifiques en contexte de performances. La réévaluation des demandes et des ressources varie donc d’une situation à l’autre et selon différents domaines. Il est cependant possible d’optimiser sa réponse au stress d’une façon plus générale en modifiant son état d’esprit face au stress.

Changer d’état d’esprit sur le stress

Un état d’esprit face au stress (stress mindset) est une façon de voir le stress et ce qu’il représente pour nous. C’est donc plus que de simplement se demander si le stress est bon ou mauvais, il s’agit de la signification que prend le stress à nos yeux. Il existe deux types d’états d’esprit face au stress : « -le stress enrichit- » et le « -le stress nuit- ». Dépendamment de notre état d’esprit, notre réponse aux questions suivantes sera différente. Par exemple : « Est-ce que le stress contribue ou nuit à ma performance à l’école ? » ou encore « Est-ce que le stress est bon ou mauvais pour ma santé ? »18. Il est préférable de privilégier l’état d’esprit qui postule que le stress améliore la performance, la santé et le bien-être, en comparaison à l’état d’esprit qui dicte qu’au contraire, le stress réduit ces mêmes aspects19.

Les états d’esprit sont différents de la réévaluation du stress puisqu’ils ne reposent pas sur la manipulation de l’évaluation des demandes ou des ressources dans une situation stressante. Les états d’esprit sont plutôt des croyances plus générales sur la nature du stress20. La réévaluation du stress peut être imaginée comme une loupe servant à observer une situation particulière, alors que les états d’esprit sont une paire de lunettes que nous avons toujours sur le bout du nez.

Une étude réalisée auprès de 388 travailleurs d’une grande institution financière démontre bien cette idée : elle a illustré qu’un état d’esprit « -le stress enrichit- » était associé à une plus grande satisfaction face à la vie, moins d’anxiété et de symptômes dépressifs, et plus de résilience et d’optimisme21. L’état d’esprit qui considère le stress comme un outil peut s’avérer bénéfique dans une plus grande variété de situations stressantes que la réévaluation du stress. Imaginons un skieur débutant qui s’apprête à descendre une pente experte glacée (une situation stressante). Le skieur risque d’interpréter cette situation comme une menace (les demandes situationnelles sont plus élevées que les ressources). Par contre, si le skieur possède un état d’esprit « -le stress enrichit- », il peut potentiellement voir cette situation stressante comme une expérience positive (c.-à-d. possibilité de repousser ses limites pour devenir un meilleur skieur et d’améliorer ses compétences). En revanche, si le skieur possède un état d’esprit « -le stress nuit- », il peut percevoir cette même expérience négativement (c.-à-d. possibilité de perdre le contrôle, tomber ou se blesser). Dans les deux cas, le skieur ne possède pas les ressources nécessaires pour descendre la pente, mais de voir le stress comme un outil permet au skieur d’avoir des comportements plus adaptatifs puisqu’il risque d’être moins figé par la peur22.

Les jeunes sont excessivement stressés de nos jours et le perfectionnisme est en hausse auprès des étudiants au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni23. S’il n’est pas possible de modifier les programmes scolaires pour limiter le nombre d’évaluations, il pourrait s’avérer bénéfique d’instaurer des cours sur la réévaluation du stress et l’état d’esprit « -le stress enrichit- » afin de mieux outiller les étudiants face au stress. Aucune de ces approches ne devrait néanmoins être considérée comme une solution miracle pour améliorer les réponses au stress24.

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