Après avoir écrit ce billet sur la préhistoire, où j'ai donné mon avis sur l'importance du choix des mots dans le journalisme scientifique, j'avais envie parler de ma visite à Lascaux 4. Ouverte depuis le 15 décembre 2016, située à 500 mètres derrière la colline où s'ouvre la grotte de Lascaux, l'exposition a accueilli entre 1 500 et 2 000 personnes par jour en décembre.
Lascaux 4 propose d'abord la visite d'un fac-similé, par un guide dont notre groupe d'étudiant·e·s en médiation des sciences a également rencontré le formateur. Après quoi, le·la visiteur·euse est libre de parcourir un espace où se déploient quantité d'outils numériques.
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Voir aussi l'article En dehors du fac-similé, Lascaux 4 joue la carte des outils numériques mobiles et fixes, Club innovation et culture France, 18 décembre 2016
Le site de Lascaux 2, en parallèle, pourra du coup développer un rôle plus important envers les scolaires.
Le fac-similé et la visite guidée
En entrant dans le bâtiment, nous avons récupéré notre compagnon de visite, autrement dit la tablette qui nous est assignée qu'on le veuille ou non. Sur le toit du bâtiment, première étape de l'exposition, elle est utile pour observer le paysage et repérer les sites préhistoriques de la région. Une fois entré·e·s dans le fac-similé de la grotte, elle encombre.
Le fac-similé de Lascaux et sa visite guidée ont la même excellente qualité qu'à Chauvet. Notre guide a apporté des informations intéressantes, avec de bonnes réflexions et de bonnes nuances, autrement dit des sciences comme on devrait en voir tout le temps. La visite nous a montré que le·la guide a une place fondamentale dans cette étape de l'exposition.
Une question a été lancée dans le groupe, celle de savoir quel est l'impact émotionnel des fac-similés. Tout dépend des sensibilités, bien entendu. Que certaines personnes ne parviennent pas à s'immerger dans la grotte, ça ne me dérange pas, mais j'ai été surpris de constater que certain·e·s ne conçoivent même pas qu'il est possible de s'immerger dans la grotte, puisque « c'est pas possible de faire abstraction du fac-similé, tout le monde est comme ça ». Non, tout le monde n'est pas pareil et il est tout à fait possible de réussir à s'immerger dans une ambiance de contemplation, d'autant que l'émotion vient aussi de la puissance du discours du·de la guide. En tant que spéléologue, j'ai même envie de vous faire réfléchir avec cette provocation : on s'immerge mieux dans les bonnes conditions d'un fac-similé que dans une vraie grotte froide et humide ! Na.
Le choix des rythmes de visite
Avec une visite deux fois plus longue que le format habituel, notre groupe a eu la chance de pouvoir prendre le temps, notamment le temps de la contemplation, justement, ainsi que le temps de poser des questions. Pourtant, l'affluence qui est prévue après l'hiver remplira cette étape de Lascaux 4 au maximum de ses capacités, soit six groupes à la fois dans le fac-similé. Là, ce ne sera plus de la contemplation, ce sera l'usine.
D'après la personne qui nous a accueilli·e·s, ces rythmes de visites sont « imposés par l'affluence touristique ». Fadaises ! Les rythmes ne sont imposés par rien du tout, ils sont choisis en fonction des contraintes auxquelles on accepte de se soumettre. Il n'y a pas à avoir honte de donner, dans un premier temps, la priorité à la quantité des visites plutôt qu'à leur qualité au-delà d'un certain point.
En creusant un peu, notre hôte nous a expliqué que ces rythmes sont décidés par les architectes, les scénographes et les conseillers départementaux. Surtout, son expérience de Lascaux justifie tout à fait le choix de privilégier un flux tendu ouvert au plus grand nombre plutôt que des visites au compte-goutte pour quelques-un·e·s. L'argument qui lui permettrait d'assumer cette position est que, à Lascaux 2, allonger le temps des visites aurait conduit à laisser dehors 700 personnes par jour.
L'espace des outils numériques
Sorti·e·s du fac-similé, nous avons pu déambuler librement dans la deuxième partie de l'exposition, avec notre compagnon de visite. Les ateliers m'ont beaucoup fait penser à Lascaux 3, dont les qualités ont été reprises et développées. Le film était correct, la pièce de théâtre sans acteurs·trices sympathique, la galerie de l'imaginaire jolie et enrichissante pour les personnes qui s'y sont intéressées. Les casques de réalité virtuelle sont intéressants pour visualiser la grotte, mais, vu que ce sera inaccessible quand il y aura du monde, je ne sais pas s'il s'agit de l'outil le plus pertinent à développer dans le cadre d'une exposition à flux tendu.
Cet espace est très riche en informations. Il ne manque que des panneaux avec de l'écrit, car nous a-t-on dit « les gens ne lisent plus, c’est évident ». Ce qui est évident, plutôt, c'est que ça se discute. De la même manière que nos cours de journalisme scientifique nous ont appris que l'idée selon laquelle « aujourd'hui, les gens lisent moins » est fausse, nos cours de scénographie nous ont appris que l'idée selon laquelle « aujourd'hui, les gens lisent moins » est fausse. Le comportement des publics ne se résume pas à une remarque lapidaire et dépréciative, donc diversifier les supports avec entre autres des panneaux bien organisés ne peut qu'être un plus pour une exposition. Non mais.
Le contenu succint et efficace du compagnon de visite fait que l'on n'est pas happé par le dispositif, semble-t-il. Remarquons déjà que je ne peux pas mettre de photos de ces tablettes puisque, sur les sept photos que j'en ai faites, les gens sont tous seuls dans un coin et tirent une tête de six pieds de long. Surtout, les animateur·trice·s ne sont pas une seule fois venu·e·s vers nous, alors qu'il n'y avait pas foule. Croyez-moi, il est déjà difficile de s'aborder entre visiteur·euse·s et animateurs·trice·s en général, alors en plus avec un mur numérique…
Un compagnon de visite numérique et des dispositifs interactifs, c'est bien tant que ça reste un outil complémentaire qui diversifie les supports d'information, pas quand c'est une facilité technologique au détriment du lien humain. À Lascaux 4, il y a de l'idée, mais il faudrait continuer dans cette dynamique positive en liant les supports pour éviter que l'un ne phagocyte tous les autres.
En ce sens, mon expérience d'animateur à Cap Sciences me fait conclure que les animateur·trice·s sont indispensables pour que l'ensemble des dispositifs se complètent et fournissent une expérience enrichissante aux visiteur·euse·s.
Ma conclusion s'applique encore plus pour les enfants, qui ont un compagnon de visite adapté sous forme de jeu grâce à Robot, le chien qui a « inventé » Lascaux. Je n'ai pas pu le tester, j'avais la version adulte, ce sera donc pour une prochaine fois :-)
En plus d'alimenter mes réflexions sur les formes de médiation dans les expositions, cette visite m'a permis de céder une nouvelle fois à ma passion des peluches. Car, oui, je suis reparti de Lascaux 4 avec Gaston le smilodon.
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