C’est la question à laquelle ont tenté de répondre deux archéologues européens, Francesco d’Errico, de l’Université de Bordeaux, en France, et Ivan Collagè, de l’Université pontificale, à Rome. Ils ont choisi d’analyser l’évolution de 103 « traits culturels », allant du type spécifique d’outil de pierre jusqu’aux pratiques funéraires en passant par les couleurs utilisées pour des dessins dans les cavernes. 

À l’évidence, certains de ces traits nécessitent un apprentissage plus complexe, donc un langage plus complexe. Leur hypothèse était qu’en décomposant les étapes nécessaires à une tâche —par exemple, le travail nécessaire pour obtenir une couleur spécifique— on peut classer chaque tâche par le niveau d’apprentissage qu’elle nécessite lorsqu’on veut l’enseigner à quelqu’un d’autre. Et du coup, on peut  déduire qu’il faut pour chaque « niveau » d’apprentissage avoir atteint un niveau de complexité dans le langage.

Dans leur article, paru le 4 juin dans la revue PLoS One, ils reconnaissent qu’il s’agit d’un modèle, impossible à prouver puisque le développement du langage ne laisse pas de traces archéologiques. Mais il s’agit avant tout, écrivent-ils, d’une « nouvelle approche », pas seulement pour comprendre comment se sont transmis les savoirs, mais pour comprendre l’évolution de la communication. 

Or, l’évolution de la communication est une caractéristique inhérente à l’évolution rapide de l’espèce humaine dans le dernier million d’années —et de façon cruciale, dans les 200 000 dernières années, estiment-ils. Ainsi, il fut une époque, jusqu’à il y a 600 000 ans, où la façon de façonner les outils de pierre aurait pu s’enseigner uniquement par des gestes. Alors qu’entre 200 000 et 100 000 ans, les traits culturels qui se sont développés auraient été impossibles sans un langage de plus en plus complexe.