Par Jean-Patrick Toussaint
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Dans un évènement sans précédent le mois dernier, sept scientifiques italiens ont été reconnus "coupables d'homicides" par négligence pour avoir sous-estimé les risques que représentait le séisme meurtrier de L'Aquila en 2009 ».
Non seulement cette nouvelle était-elle ahurissante et inquiétante, mais elle reflète aussi une profonde incompréhension de la nature de la science. La science repose sur des observations et les hypothèses (et la validation ou non de celles-ci) menant à l'explication de ces observations. Ainsi, la science évolue au meilleur de nos connaissances. Au risque de me répéter : au meilleur de nos connaissances.
Dans le cas présent, les scientifiques italiens condamnés sont des spécialistes en sismologie, une discipline qui, comme bien d'autres, a grandement évoluée au fil des ans. Cela dit, malgré tout le progrès accompli, il n'en demeure pas moins que, d'une part, tout évènement sismique est difficilement prévisible et, d'autre part, l'intensité de ces évènements est encore plus difficilement prévisible.
Bien qu'il soit reconnu que les tremblements de terre sont plus fréquents aux points de rencontre des plaques tectoniques (Figure 1), il est encore difficile de nos jours de prédire avec exactitude l'amplitude et l'étendue de ceux-ci.
Grandes inquiétudes
Le jugement rendu par la cour italienne pose une grande inquiétude au sein la communauté scientifique, et avec raison. Principalement, parce que ce geste laissera les scientifiques (toute discipline confondue) froids quant à l'idée de se prononcer à titre d'experts par peur d'être poursuivis pour pronostics incorrects.
Cependant, ceci soulève, selon moi, une autre inquiétude, peut-être bien plus « sournoise », puisque cette sentence véhicule le message suivant : toute autorité en pouvoir (p. ex. gouvernementale) a le droit de châtier un membre de la communauté scientifique (omettons la médecine dans ce cas) si ses prédictions, pouvant avoir un impact sur le bien-être d'une communauté, ne s'avèrent pas parfaitement justes.
Or, qu'en est-il lorsque cette autorité au pouvoir fait fi des recommandations émises par la communauté scientifique?
La situation vous semble familière?
Voilà plus de vingt ans que les experts en climatologie somment les autorités internationales d'agir sur la question du réchauffement planétaire puisque les évidences scientifiques ne cessent de s'accumuler à l'effet que l'activité humaine est la cause principale de ce réchauffement. Pourtant, le statu quo est de mise dans bien des cas.
Y a-t-il des châtiments exercés envers les autorités responsables pour autant (dans ce cas, nos gouvernements)? Poser la question est y répondre.
Les climatologues devraient-ils plutôt être mis derrière les barreaux parce que leurs modèles étaient trop « conservateurs » alors que leurs plus grandes craintes se réalisent plus tôt au lieu de se produire plus tard?
Pour reprendre les propos d'un scientifique interpelé sur le cas italien : « Si la communauté scientifique est pénalisée lorsqu'elle fait des prédictions qui se révèlent inexactes, ou pour ne pas avoir prévu avec exactitude un évènement qui se produit par la suite, alors l'activité scientifique sera limitée aux certitudes seulement, et les avantages découlant des découvertes issues de la médecine jusqu'à la physique seront bloqués ».
La science ne devrait pas se retrouver sur la sellette telle qu'à l'époque de Galilée, mais plutôt devrait être mieux comprise par tout un chacun, particulièrement nos autorités en pouvoir.
En saisissant la nature de la science et du rôle des scientifiques, peut-être serions-nous en mesure de faire des choix plus judicieux que de condamner sept personnes ne pouvant pas prédire un évènement aussi singulier qu'un tremblement de terre, alors qu'aucune autorité gouvernementale n'est tenue responsable pour son inaction face aux changements climatiques qui sont pourtant bien scientifiquement prouvés!
Pour de plus amples renseignements, écoutez l'émission « La loi et la science : un expert est-il responsable d'un séisme? ».