Charles Spence, un psychologue de l’Université d’Oxford, et son équipe ont montré en 2013 qu’en règle générale les gens associent certaines hauteurs de sons à certains goûts. Par exemple, la perception d’une gorgée de sauvignon blanc est altérée par les notes aiguës d’un violon. Alors que Spence demandait aux cobayes de ces expériences d’évaluer l’acidité et le fruité de ce vin blanc, la réponse fut unanime. Au son aigu du violon, le vin est perçu comme plus acide. Le même phénomène est observable avec le vin rouge. Un cabernet sauvignon s’est ainsi vu décrit comme amer quand les volontaires le dégustaient aux sons graves d’une contrebasse.
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En 2010, Adrian North, aujourd’hui chef du département de psychologie à l’Université de Curtin à Perth en Australie, avait déjà observé d’étranges mariages entre musique et vin. Il avait alors soumis 125 hommes et 125 femmes à une dégustation particulière : évaluer un cabernet et un chardonnay chilien en écoutant brièvement quatre types de musique. Du son puissant et lourd de Carmina Burana de Carl Orff en passant par une musique relaxante comme Slow Breakdown de Michael Brook.
Étonnamment, le style de musique influençait directement la façon d’apprécier les vins. La vivacité de l’un apparaissait quand une musique dynamique jouait et la puissance de l’autre ressortait quand les sons étaient plus vigoureux. En clair, l’ouïe jouait un mauvais tour au goût durant la dégustation.
Vous en avez d’ailleurs sûrement fait l’expérience dans un autre cadre. Avez-vous déjà eu l’impression que le vin rouge servi en classe économique des lignes aériennes n’est pas toujours de haute volée? Avouez que souvent il ne goûte pas grand-chose. Rien de surprenant. Des études scientifiques ont montré qu’un son de 85 décibels, l’équivalent du bruit de fond perçu dans la cabine d’un avion, supprime notre capacité à percevoir correctement le sucré et le salé. Imaginez donc les dégâts dans un restaurant trop bruyant.
Mais il arrive que des accords vin et musique ressortent de la mêlée. Dans son étude de 2013, Spence révélait que le quartet à cordes no 1 en ré majeur de Tchaïkovsky (second mouvement, Andante cantabile) améliorait de loin l’expérience de dégustation d’un Château Margaux 2004 comparativement à une dégustation silencieuse.
Magasinage sous influence Si la musique influence le goût du vin, elle influence aussi nos comportements de consommation. Au cours des deux dernières décennies, de nombreuses études ont étayé ce phénomène. Celle menée en 1999 par des scientifiques du département de psychologie de l’Université de Leicester a fait date. En analysant les achats de vins de 82 consommateurs dans un supermarché, ils ont observé que ces personnes achetaient beaucoup plus de vins français que de vins allemands quand de la musique française était diffusée. Un ratio d’achat de 5 à 1! Le même constat a été fait pour les vins allemands quand de la musique germanique emplissait l’air du magasin.
L’avenir est dans l’étiquette musicale, semble-t-il. Le psychologue Charles Spence pense que les bouteilles de vin seront bientôt affublées d’un code qui nous révèlera la meilleure musique à écouter pour transcender notre expérience de dégustation. Voilà qui pourrait nous donner un coup de pouce pour ne plus être à la merci des goûts musicaux du serveur et nous éviter de gâcher notre soirée. Qu’on se le dise, Kanye West n’a jamais filé le parfait amour avec le pinot noir.