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« Ceci est ma bible! », lance le biologiste François-Joseph Lapointe en exhibant un vieil exemplaire de On the Origin of Species by Means of Natural Selection, de Charles Darwin.

Nous sommes dans un amphithéâtre de l’Université de Montréal où plus de 200 étudiants assistent au cours « Théorie de l’évolution », obligatoire au premier cycle de biologie. Le professeur est fier de présenter sa pièce de collection tirée de la troisième édition de l’ouvrage publié d’abord en 1859 puis réédité à de multiples reprises depuis. Il l’a dénichée dans un marché aux puces en Europe dans les années 1990 et la garde précieusement depuis.

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Quand un scientifique parle de sa bible, il faut se méfier. L’œuvre maîtresse de Darwin ne sera jamais comme un livre saint, où chaque ligne est parole d’évangile. « À la différence de la bible et des autres livres religieux qui relatent l’histoire du monde, je peux contester tout ce qui est écrit ici sans passer pour un mécréant, souligne-t-il, toujours en tenant son livre dans sa main. Je peux remettre en question chaque ligne de cet ouvrage. En science, il est permis de contester. C’est même nécessaire. »

Les députés conservateurs Rick Nicholls (Chatham-Kent Essex, Ontario) et James Lunney (Nanaimo-Alberni, Colombie-Britannique) ont brandi leur bible, sans rire, pour rejeter la théorie de l’évolution, au cours des dernières semaines. Le monde, selon eux, a été créé par Dieu en sept jours. Une idée qui rallie encore une personne sur quatre au Canada selon un sondage mené en 2010; au Québec, ce taux est de 17%, de loin le plus bas au pays.

Par respect pour ceux qui adhèrent au créationnisme, estime Nicolls, les élèves de l’Ontario devraient avoir le droit d’être exemptés de l’enseignement de l’évolution. Lunney, ouvertement anti-évolution, a démissionné du caucus conservateur pour manifester son appui à son collègue ontarien. Ces deux politiciens rappellent l’ancien ministre canadien de la science et de la technologie, Gary Goodyear, qui n’avait pas voulu souligner les 150 ans du livre de Darwin, en 2009. Créationniste, lui aussi.

« Get a life! », a-t-on envie de dire à ces fossiles humains. Il faudra un jour cesser d’opposer créationnisme et évolutionnisme. Le premier relève de la foi; l’autre de la science. L’évolutionnisme n’est pas une idéologie mais un consensus scientifique. C’est actuellement la plus crédible des hypothèses pour expliquer l’origine du monde et la biodiversité. La grande majorité des hommes et femmes de science y consentent car cette théorie apparaît la plus adéquate. Si quelqu’un a une meilleure idée pour éclairer nos connaissances sur la nature, qu’il la rédige et la partage.

D’ailleurs, les scientifiques ne se sont pas privés de mettre en pièces les idées de Charles Darwin depuis qu’il les a présentées à la Société linnéenne de Londres avec Alfred Russell Wallace en 1858. Charles Darwin n’a pas cessé de voir sa pensée être critiquée, contestée, écorchée, démontée, puis révisée, remaniée, augmentée. Acceptée aujourd’hui comme une théorie, l’évolution reprend plusieurs idées de ce livre, mais va beaucoup plus loin. Le néodarwinisme, qui est aujourd’hui enseigné dans la plupart des écoles, intègre aux principales idées de Darwin les observations de Gregor Mendel sur la transmission des caractères héréditaires. Et bien d’autres choses.

Toutes les cultures de la terre ont leurs mythes et légendes sur les origines du monde, rappelle le professeur Lapointe dans son cours. On recense des dizaines de genèses en Afrique et en Asie. Mais celles-ci n’ont rien à voir avec la science. Ce sont essentiellement des fables et il ne faut pas les prendre pour ce qu’elles ne sont pas : des allégories poétiques sur nos origines.

- Mathieu-Robert Sauvé

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