La science nous a appris beaucoup de choses sur le caribou forestier depuis la publication du Guide du Trappeur en 1945. Déjà à l’époque, on avait constaté le recul de cet animal iconique qui fréquentait jadis toutes les forêts du Québec. Le caribou est désormais confiné aux forêts du nord de l’Abitibi, de la Côte-Nord et du Saguenay-Lac-Saint-Jean, et aussi à celles du Nord-du-Québec.
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Il n’est donc pas encore « disparu » de la province comme le prétendait le texte ci-dessus. Mais il est tout de même jugé « vulnérable » et « menacé » par les lois provinciales et fédérales, respectivement.
Nous savons maintenant que le recul du caribou est dû à plusieurs facteurs, mais une des menaces importantes planant présentement sur l’espèce est l’altération de son habitat par l’activité humaine – notamment la foresterie. La piste suggérée par le Guide du Trappeur comme quoi l’orignal était possiblement responsable n’était pas totalement farfelue. Les coupes forestières favorisent la présence de l’ours noir et de l’orignal; ce dernier attire à son tour le loup gris. L’ours et le loup s’attaquent aux jeunes caribous, réduisant ainsi le taux de survie des populations à long terme.
Si les hypothèses émises quant à la disparition du caribou dans le Guide du Trappeur il y a 70 ans peuvent paraître loufoques, il en va de même pour certains propos tenus par des gens bien de notre époque. Mentionnons au passage l’Institut Économique de Montréal, qui publie des études et documentaires sur le caribou sans reconnaître les bases scientifiques pour bien gérer son habitat. Ou l’Association de l'Industrie Forestière de l'Ontario, qui remet en question le statut de l’espèce, malgré des années de recherche scientifique sur la question.
La solution pour la protection du caribou passe notamment par l’établissement d’aires protégées qui agiront comme des noyaux de conservation. Une véritable campagne de peur a été menée, pour faire croire que des milliers d’emplois seraient perdus lors de la création d’une aire protégée dans le secteur des Montagnes Blanches (situé au nord du Saguenay-Lac-St-Jean et de la Côte-Nord). Pourtant, depuis le temps, les volumes de bois ont été trouvés pour compenser ceux « perdus » pour les secteurs de protection (grâce aux modifications des limites des unités d’aménagement et aux volumes non récoltés par le passé). Ce sont d’ailleurs des solutions que la SNAP avait proposées dans sa « plateforme forêt » en mars dernier avec d’autres groupes environnementaux. Bref, tout cet affolement autour des emplois n’était pas justifié.
On sait aujourd’hui que le caribou n’est pas disparu de la province comme l’affirmait le Guide du Trappeur en 1945. Il a une chance de survie dans nos forêts aménagées, si l'on pense à des solutions qui concilient l’exploitation forestière et le maintien d’une partie de l’habitat du caribou.
Cessons de mordre à l’appât de la campagne de peur menée par les « caribous-sceptiques ». Le caribou, qui sillonne de vastes territoires, est le baromètre de la santé de nos forêts boréales. Montrons que nous sommes capables de cohabiter avec lui !
Pier-Olivier Boudreault, biologiste Chargé de projet en conservation et foresterie SNAP Québec