Depuis l'invention du télescope réfracteur et sa première utilisation astronomique par Galilée au début du 17ième siècle, les astronomes ont cherché à accroître l'efficacité de leurs télescopes en augmentant la taille de l'objectif (pour les réfracteurs) ou du miroir primaire (pour les réflecteurs). C'est ainsi qu'on a vu apparaître les premiers télescopes géants comme celui de 1,8m de Lord Rosse (William Parsons) à la fin du 19ième siècle.
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Au tournant du 20ième siècle, le Canada est à la fine pointe de la recherche astronomique grâce au télescope de 1,83m de l'Observatoire Fédéral d'Astrophysique situé près de Victoria sur l'île de Vancouver. Pendant quelques mois, il s'agit du plus grand télescope sur la planète. Il est supplanté par le nouveau télescope de 2,5m de diamètre du mont Wilson en Californie, celui que Hubble utilisera pour découvrir la vraie nature des galaxies et l'expansion de l'Univers.
Peu après la deuxième guerre mondiale, le télescope Hale de 5m de Palomar (Californie) entre en opération. Pendant presque 25 ans, il s'agira du plus grand télescope au monde, jusqu'à la mise en service d'un télescope de 6m par les soviétiques. Aussi, au début et pendant les années 1970, plusieurs télescopes dans la catégorie des "4 mètres" sont construits un peu partout sur la planète dont le Télescope Canada-France-Hawaii (Hawaii), et les télescopes Mayall à Kitt Peak (Arizona) et Blanco à Cerro-Tololo (Chili). Outre leur taille, tous ces télescopes ont un point en commun; leur miroir primaire est monolithique (en seul bloc), massif, épais, et rigide. En fait, à cette époque, il semble difficile sinon impossible de construire un miroir de plus grande taille sans affecter la qualité des images. La technologie semble être dans un cul de sac !
Les astronomes et les ingénieurs se tournent alors vers l'amélioration des détecteurs astronomiques. Graduellement, on remplace les émulsions photographiques, dont l'efficacité est d'au mieux 5% (5 photons sur 100 sont détectés), par des détecteurs électroniques de type CCD (dispositif à transfert de charges) qui atteignent aujourd'hui une efficacité de presque 100%. Ces nouveaux détecteurs modernes ont permis une augmentation "virtuelle" de la taille des télescopes par un facteur de 4 à 5.
Au début des années 1990, les détecteurs astronomiques sont presque parfaits (!). Il faut donc songer à augmenter la taille réelle des miroirs si on veut voir plus loin. Les ordinateurs ouvrent la voie à deux nouvelles technologies pour la construction des miroirs: les miroirs monolithiques légers, minces et flexibles comme ceux des télescopes Gemini de 8m, ou les mosaïques de miroirs segmentés comme celles des télescopes Keck de 10m. Dans les deux cas, des pistons contrôlés par ordinateurs optimisent la courbure du miroir pour obtenir des images dont la qualité rivalise avec celle obtenue par le télescope spatial Hubble.
Depuis une dizaine d'années, ces nouveaux télescopes ont permis de tester cette technologie d'optique adaptative. Les résultats sont spectaculaires comme en témoignent les photographies que l'ont peut voir un peu partout sur la toile ou dans les livres. La voie est désormais ouverte à la construction de télescopes géants de plusieurs dizaines de mètres de diamètre. C'est le cas du consortium TMT (Thirty Meter Telescope) auquel participent les universités canadiennes par le biais de ACURA (Association canadienne d'universités pour la recherche en astronomie).
Comme son nom l'indique, le consortium TMT prévoit la construction d'un télescope dont le miroir primaire fera 30m de diamètre. La technologie retenue est celle d'un miroir segmenté composé de 738 miroirs individuels de 1,2m chacun (en comparaison, le miroir de 10m du Keck est composé de 36 segments). Une fois complété, vers 2016, le TMT fournira des images dont la résolution (la qualité) sera 5000 fois supérieure à celle de l'oeil. Il deviendra alors possible de voir des planètes extrasolaires, ou de détecter les toutes premières étoiles apparues après le Big Bang.
Évidemment, la construction d'un tel géant n'est pas une mince affaire et les coûts sont véritablement astronomiques(!). Chacune des étapes doit donc être planifiée minutieusement. Une de ces étapes, l'évaluation du design conceptuel, vient tout juste d'être franchie. Un panel d'experts indépendants a remis un rapport élogieux au consortium TMT (voir le communiqué de presse). La prochaine étape (prévue pour septembre 2006) consiste à évaluer le plus précisément possible le coût total du projet pour la mise en service du prochain géant de l'astronomie.