Il y a quelques semaines, mon collègue blogueur Normand Mousseau se désolait de ne pas avoir le temps de comprendre certaines nouvelles ou percées de la physique moderne lorsque celles-ci touchaient des domaines avec lesquels il est moins familier. On s'est tous retrouvés dans une situation similaire (certainement à plusieurs reprises dans mon cas) au cours de notre carrière. Pour le bénéfice de Normand et de tous les lecteurs de nos billets, je vous propose donc une petite leçon d'astrophysique stellaire qui, je l'espère, vous permettra de mieux comprendre pourquoi la découverte de naines blanches avec une atmosphère de carbone est importante.

D'un point de vue physique, les étoiles sont des structures relativement simples à décrire. Elles sont entièrement gazeuses, sphériques, formées surtout d'hydrogène et d'hélium, et leur évolution est extrêmement lente. Il est possible d'obtenir une bonne description de leur structure en solutionnant six équations différentielles. Ces équations décrivent comment la matière se distribue dans l'étoile, comment l'énergie, produite par les réactions nucléaires, circule du coeur vers la surface, comment se maintient l'équilibre entre la force gravitationnelle, qui tend à compacter l'étoile, et la pression générée par les gaz chauds, etc. La masse initiale d'une étoile est le paramètre crucial permettant de décrire correctement sa structure, ses changements en fonction du temps, et son destin ultime.

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Les observations ainsi que les modèles théoriques montrent que toutes les étoiles dont la masse initiale est comprise entre 0,08 et environ 10 fois la masse du Soleil (soit près de 90% de toutes les étoiles) terminent leur vie sous la forme d'une naine blanche dont la masse est inférieure à 1,4 fois la masse du Soleil; la masse moyenne des naines blanches est d'environ 0,6 masse solaire. Tout au long de leur vie, ces étoiles auront puisé leur énergie de la transformation de l'hydrogène en hélium, et ensuite de l'hélium en carbone et oxygène, dans les régions centrales.

Comme pour les humains, l'évolution d'une étoile modifie ses caractéristiques physiques. Ainsi, tant que l'énergie provient de la transmutation de l'hydrogène en hélium, l'aspect d'une étoile est assez semblable à celui de notre Soleil; cette période adulte est connue sous le nom de "séquence principale". Lorsque l'hydrogène au centre d'une étoile (environ 10% de la masse de l'étoile) est presqu'entièrement devenu de l'hélium, l'étoile réorganise sa structure mécanique; le coeur se contracte et se réchauffe tandis que les couches de gaz de l'enveloppe externe gonflent. À ce stade, l'étoile devient une géante rouge avec un rayon environ 100 fois plus grand que pendant la phase de séquence principale; dans 5 milliards d'années, lorsque notre Soleil deviendra une géante rouge, son volume remplira alors tout l'espace jusqu'à l'orbite de la Terre. Pendant la phase de géante rouge, et celle qui suit appelée phase de la "branche horizontale", l'énergie d'une étoile provient de la transmutation de l'hélium en carbone et oxygène. Pour une étoile dont la masse est inférieure à environ 10 masses solaires, les phases de géante rouge et branche horizontale sont les dernières de sa vie active; contrairement aux étoiles plus massives, elle n'arrivera pas à réorganiser sa structure pour tirer de l'énergie de la transmutation du carbone et de l'oxygène en noyaux plus complexes. L'enveloppe distendue de la géante rouge est éjectée, emportant avec elle une fraction appréciable de la masse de l'étoile, tandis que le coeur se contracte pour devenir une naine blanche.

Une naine blanche est donc un "cadavre stellaire", c'est à dire le coeur de l'étoile, principalement formé de carbone et d'oxygène, avec une mince atmosphère résiduelle d'hélium et d'hydrogène. Les observations montrent que l'atmosphère de près de 80% des naines blanches est dominée par de l'hydrogène flottant sur l'hélium (on les appelle des naines blanches de type DA), tandis que pour les autres, c'est l'hélium qui domine (les naines blanches de type DB). La structure d'une naine blanche est donc relativement simple à décrire; la majorité de la masse est sous forme de carbone et d'oxygène avec une très mince pellicule d'hélium pour les DBs, et une d'hydrogène au dessus pour les DAs.

Évidemment, la description que je viens de faire de l'évolution des étoiles et de l'origine des naines blanches, passe sous silence de nombreux problèmes. Ainsi, encore aujourd'hui, on comprend mal la phase d'éjection de l'enveloppe distendue ainsi que l'origine des très minces couches d'hélium et d'hydrogène.

C'est ici qu'entre en jeu l'article de Patrick Dufour, un ancien étudiant de l'UdeM, paru dans la revue Nature il y quelques semaines (Vol. 450, 22 novembre 2007, p.522). L'article rapporte la découverte de huit naines blanches d'un type inconnu à ce jour; l'atmosphère de ces objets assez exotiques ne montre aucune trace d'hélium ni d'hydrogène. Ces étoiles naines blanches ne sont donc ni des DAs, ni des DBs. De plus elles sont rares, seulement 8 sur les 10,000 naines blanches connues à ce jour.

Ce nombre paraît faible, mais c'est justement ce qui est important, car il nous permet d'étudier le mécanisme d'éjection menant à la formation des naines blanches d'une manière différente de ce qui pouvait être fait jusqu'à maintenant. Comme je l'ai mentionné ci-haut, les naines blanches sont des cadavres stellaires. Un peu à la manière des médecins légistes qui procèdent à des autopsies pour comprendre la ou les causes de la mort d'un individu, les astrophysiciens peuvent retracer la vie d'une étoile et les mécanismes responsables de son évolution avant de mourir. En ayant à leur disposition des "cadavres stellaires" différents, ils pourront mieux cerner les phases finales de la vie des étoiles comme notre Soleil.

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