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Dernièrement, je suis passé à la banque pour mettre la main sur un des nouveaux billets de 100 dollars en polymère. Je dois avouer que c'est avec un peu de nostalgie que je salue leur introduction.

Depuis de nombreuses années, je présente un spectacle, «La magie de la chimie», qui met en valeur les différents aspects de cette science qui me passionne.

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Parmi les nombreuses démonstrations ludiques du spectacle, il y en a une qui a toujours beaucoup de succès. Je demande à un volontaire de monter sur scène et, après lui avoir présenté un billet de 100 dollars australien, je lui demande de le déchirer. Vous pouvez vous imaginer sa réaction? Mais la réaction de la salle est encore plus intéressante quand elle voit le pauvre volontaire incapable de déchirer le billet, malgré tous ses efforts.

Le billet de banque est en polymère et cette démonstration illustre l’un des avantages de cette nouvelle technologie. Maintenant qu'elle va être disponible ici, je ne pense pas que cet aspect de mon spectacle va avoir le même impact!

Depuis leur introduction, les médias ont présenté en détails les éléments de sécurité présents dans ces nouveaux billets en polymère. De mon côté, je voudrais plutôt m'attarder aux raisons qui ont amené l'Australie à abandonner le papier pour sa monnaie et à le remplacer par du BOPP, un nom qui fait penser à un type de musique rock, mais qui est l'abréviation de «bi-axially oriented polypropylene», le type de polymère utilisé comme substrat.

Le papier-monnaie a une longue histoire. Les premiers billets de banque ont été introduits en Chine au 7e siècle pour remplacer les pièces de monnaie en bronze utilisées à l'époque. Le bronze, au contraire de l'or ou de l'argent, a très peu de valeur en soit. Cela entraînait l'utilisation d'un très grand nombre de pièces, même pour les achats les plus minimes; d’où l'avantage du papier-monnaie. Mais déjà, ces premiers billets de banque étaient assortis d’un avertissement indiquant que les individus coupables de contrefaçon seraient pendus.

Après cela, au long de l'histoire, les faussaires se sont livrés au jeu du chat et de la souris avec les banques centrales, ces dernières introduisant des éléments de sécurité de plus en plus sophistiqués. Ces éléments ont été rapidement déjoués par des faussaires aussi inventifs. La situation s'est aggravée au cours des 20 dernières années avec l'introduction des imprimantes et des photocopieurs couleur. Même si la qualité n'est pas parfaite, ces appareils ont mis la contrefaçon à la portée de tous.

C'est la situation dans laquelle se trouvait l'Australie en 1966. Le pays venait d'introduire une nouvelle série de billets avec tous les éléments de sécurité disponibles à l'époque. Ces éléments consistaient, entre autres, en un papier fait à partir de chiffon, et non de cellulose, et qui contenait un filigrane et un fil de sécurité. Mais, en l'espace d'une année, ce premier billet de 10 dollars avait été tellement copié que les marchands refusaient de l'accepter. Devant cette situation, les autorités firent appel aux meilleurs scientifiques du pays pour résoudre le problème. Et c'est un chimiste, David Solomon, qui trouva la solution.

Au lieu de suggérer de nouveaux éléments de sécurité, David Solomon proposa l'idée radicale de remplacer le support en papier par du polymère. À l'époque, David Solomon travaillait pour une compagnie de peinture et les polymères étaient sa spécialité. En fait, David Solomon proposa d'utiliser du «plastique», mais les autorités trouvaient que le terme ne faisait pas sérieux et lui demandèrent d'utiliser des «polymères» à la place.

Bien sûr, pour nous, chimistes, les deux termes sont interchangeables. Les plastiques sont tout simplement des polymères d'origine synthétique. Parmi les polymères disponibles à David Solomon, un en particulier, le polypropylène, possède un grand nombre des qualités requises: il est très résistant et n'absorbe pas l'humidité*. Car cette caractéristique est un problème avec les billets en papier qui ramollissent avec le temps.

La résistance du polypropylène au déchirement peut être grandement améliorée en appliquant des contraintes dans la production. Lorsque le film de polymère sort de la machine, il s'agit non seulement de le tirer vers l'extérieur dans sa longueur, mais aussi de manière transversale au mouvement. D’où le terme de «bi-axially oriented polypropylene» (BOPP). Ce procédé demande des machines spécialisées qui ne sont pas à la portée de tout le monde.

Toutefois, l'aspect fondamental de la technique BOPP est de pouvoir fournir un film de polymère parfaitement clair et transparent. C'est sur cette propriété que David Solomon joua pour introduire des éléments de sécurité inédits. Le substrat de polypropylène est opacifié à l'aide d'un revêtement spécial sur lequel sont imprimées les caractéristiques de sécurité usuelles d'un billet de banque. De plus, certaines zones sont exemptes de revêtement, créant des fenêtres transparentes. Un élément de sécurité impossible à produire avec un autre substrat.

C'est seulement en 1988, après une longue période de test, que le premier billet de banque en polymère fut émis en Australie. Depuis, les avantages de cette technologie –une plus grande sécurité et une durabilité deux fois et demie plus longue– expliquent son succès grandissant. En adoptant la technologie BOPP, le Canada se joint à plus de 20 pays à travers le monde qui l'utilisent déjà.

Il y a quand même un aspect de ces nouveaux billets de 100 dollars canadiens que j'aimerais que vous vérifiiez pour moi.

Paraît-il qu’après les avoir immergés dans l'eau, ils prennent une odeur de sirop d'érable. Ce qui aurait du bon sens étant donné qu’ils sont décorés de feuilles d’érable. Moi je n’ai rien remarqué, mais peut-être avez-vous un odorat plus développé que le mien… J'attends de vos nouvelles. --- *Une qualité qui explique pourquoi le polypropylène est utilisé notamment dans les couches pour bébé, les tapis extérieurs et les sous-vêtements de sports, genre Lycra.

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