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Qui pourrait se douter que derrière ce personnage entouré d'encyclopédies volumineuses et d'appareils énigmatiques se cache un mordu des nouvelles technologies? Les médecins bloguent, investissent la toile et les médias sociaux. Pas parce que c'est une mode, mais parce qu'ils y trouvent un nouveau moyen de communiquer avec le public, entre eux, et y font même parfois... leur thérapie.

Marc Zaffran et Alain Vadeboncoeur, deux médecins blogueurs, avec Pierre Blain, directeur du regroupement provincial des comités des usagers, participaient le 29 avril à un débat organisé à l'UQAM : « Ces médecins qui bloguent : Pour qui, comment et pourquoi? ». Un consensus est rapidement apparu entre les trois protagonistes pour légitimer le fait que les médecins bloguent, mais leurs témoignages éclairaient sur le « pourquoi » qui les poussent à le faire.

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Selon Pierre Blain, 60% des personnes âgées iraient chercher de l'information sur Internet et peut être même 85% de la population générale. Deux chiffres qui soulignent l'importance d'y trouver de l'information fiable, délivrée par des professionnels. Marc Zaffran de son côté était auparavant chroniqueur sur France Inter. Il a commencé à mettre en ligne ses textes, puis ceux d'un livre sur la contraception. C'est alors une avalanche de courriels qu'il a reçus, environ 10 000 sur ce sujet, témoignant d'un réel besoin d'informations pour le public.

« La médecine, c'est de la communication »

Alain Vadeboncoeur intervenait dans l'émission « Les docteurs » à Radio-Canada qui était suivie par un grand nombre de patients. Pour lui : « La communication faite auprès d'une personne c'est comme celle pour un grand nombre avec un média comme la télévision. La médecine, c'est de la communication ». En outre, les blogues offrent la possibilité aux patients d'exprimer leurs besoins, d'entrer en contact avec d'autres personnes partageant les mêmes problèmes, et d'entamer des discussions entre malades « expérimentés » et « novices ».

Sortir de sa bulle

Les blogues changent l'image des médecins, et déplacent la position habituellement adoptée par le corps médical : Marc Zaffran explique : « On vient d'une culture dans laquelle on a placé les médecins au-dessus de tout. Il est important de mettre ses idées à proximité des citoyens, que les médecins s'engagent. Il y a encore une forte culture de protection, avec une peur des retombées ». Le fait de partager ses doutes, qui sont inhérents à la profession, n'est pas chose commune. Une sorte de culture du silence, et les blogues pourraient bien aider les médecins à sortir de leur bulle.

Alain Vadeboncoeur souligne que « La difficulté de communiquer des médecins remonte à très loin, il y a peut-être une tendance seulement récente à plus d'ouverture. Ils trouvent peut-être aussi un intérêt à cacher leurs doutes, et un manque d'habitude pour parler de science auprès du grand public ». À titre personnel, cela lui a pris beaucoup de temps d'apprendre à communiquer et simplifier son discours.

Trouver l'information

On conçoit qu'il est possible de trouver toutes sortes d'informations sur le web, des plus fiables aux plus erronées. C'est le bémol apporté par Pierre Blain « Est-ce que l'information est crédible, est-ce que le patient peut s'y fier? ». Sur son blogue « communication santé 2.0 », Cathy Bazinet cite une étude américaine selon laquelle les trois quarts des adultes consultant internet pour des informations sur la santé ne vérifient pas la validité de la source ou la date de création du contenu. Il existerait à ce jour une seule certification reconnue, le HON Code, dont les délais de certifications sont très longs. Et pas sûr que beaucoup d'internautes connaissent ce label, ou vérifient que le site qu'ils consultent est correctement certifié. La solution du futur se situe peut-être dans le crowdsourcing (externalisation ouverte en français). Cathy Bazinet avait notamment soumis un projet dans le cadre du concours InfoRoute Santé Canada pour une plateforme web collaborative, visant à identifier grâce à la participation des internautes les sites fiables pour l'information en santé.

Les blogues comme thérapie...

Les médecins bloguent, pour le public, mais avant tout pour eux. Dans l'émission de France culture « Place de la toile » du 9 juin 2012, à la question « Pour qui écrivez-vous? », les trois médecins invités répondent presque unanimement pour eux-mêmes. Bloguer répond à « Un besoin d'en parler, de mettre les idées sur le papier. Ça libère d'une certaine pression, et donne aussi d'autres points de vue sur les situations vécues » témoigne Fluorette, blogueuse.

Le blogue... divan des temps modernes? Nous assistons peut-être à une grande thérapie des médecins, un peu comme si tout ce qui avait été refoulé jusqu'à maintenant explosait en public. Une blogueuse médecin urgentiste écrit sur l'angoisse du Quand . « Quand est-ce qu’ils vont s’apercevoir, bon sang, que je ne suis pas du tout à la hauteur de ce qu’ils espèrent ??? Que je sais rien, ni rien faire ? Angoisse récurrente depuis … Le secondaire environ. Pas vraiment une angoisse, d’ailleurs, tant je suis persuadée qu’il est inéluctable que ça arrive un jour ».

Fluorette renchérissait « Quelqu'un qui me raconte les traumatismes de son enfance ça me touche, et ça fait du bien de l'extérioriser autrement, de le partager ». Cela lui permet de prendre plus de recul, de mieux connaître ses patients et comprendre leurs visions.

Le médecin Dominique Dupagne intervenait également dans l'émission : « La médecine est un métier d'abord humain, dans lequel il se passe des choses très fortes. Il y a une perte de contact, dans les études et la profession, avec les patients. Le blogue permet de retrouver ce contact, et aussi un esprit de communauté ».

… et catalyseurs d'une communauté

Pour la troisième intervenante de l'émission, Gellule, les blogues « C'est même un groupe de pairs virtuel ». Elle connait grâce à la blogosphère un véritable sentiment d'appartenance à une communauté. De véritables relations se créent entre médecins-blogueurs. Fluorette renchéri « En cas de besoin on peut obtenir une aide, sur des conseils, des diagnostics » ainsi que Dominique Dupagne « La communauté nous rend très forts parce qu'on sait que si on est attaqué, le groupe va se mobiliser pour nous défendre ».

Alors, bloguer, une évidence? Alain Vadeboncoeur modérait cette idée en évoquant le fait que les médecins communiquent malgré tout encore assez peu, sortent difficilement sur la place publique et notamment les réseaux sociaux. Pour Marc Zaffran, « On ne peut pas forcer les médecins à communiquer, mais il faut aider ceux qui en ont envie ». Un besoin se fait d'amener les blogues, les réseaux sociaux, la communication dans les formations en médecine, mais les programmes très chargés rendent la tâche difficile.

Moralité? C'est peut être à vous d'agir pour éviter une dépression à votre médecin, invitez-le à bloguer.

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