Une conclusion sans surprise – il suffit de penser à Albert Spaggiari ou encore à Jacques Mesrine pour s’en convaincre – qui ouvre la porte à une meilleure compréhension des délinquants.
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« On a plus de risques de rencontrer des délinquants violents dans le groupe qui possède un faible Q.I. », relève ainsi Jean Séguin, l’un des auteurs et chercheur au Département de psychiatrie de l’Université de Montréal.
Cette étude, qui s’appuie sur des données américaines recueillies auprès de 700 individus, de l’âge de 12 à 32 ans et sur une période longue de 20 ans, vient d’être récemment publiée dans Archives of General Psychiatry.
Ce ne sont pas les premiers résultats issus de cette banque de données du New Jersey. L’innovation réside dans la séparation entre violents et voleurs. « Aucun des chercheurs américains n’y avait songé», relève Jean Séguin.
Résultat, la grande fréquence de vols (55% des sujets) allait de pair avec les performances des fonctions exécutives et verbales, contrairement à la violence physique (13%). Prendre le mal à la racine
Savoir que les voleurs présentent de meilleures performances pourrait aider les cliniciens à dépister les jeunes délinquants. Même s’il ne faut pas systématiser la tendance. « On ne peut pas partir du QI et refaire la chaîne inverse » prévient le chercheur.
En marge des données américaines, une étude auprès de délinquants québécois serait actuellement en cours au GRIP. Et pour mieux appréhender ce problème complexe, les chercheurs se penchent aujourd’hui sur les facteurs de risque aussi tôt que… dans le ventre de la mère !
La consommation de tabac pendant la grossesse, le manque de soutien de la jeune mère, etc. « Connaître de manière précoce les facteurs déclencheurs de troubles du développement permettra d’aider les politiques publiques », assure Jean Séguin, s’appuyant notamment sur les travaux du Nobel d’économie James Heckman qui assure que : « Investir 1$ au préscolaire peut sauver 7$ en investissement pour un adulte ».
Pour comprendre la trajectoire du développement de la délinquance, il faut réaliser des études longitudinales, souvent onéreuses. Actuellement, deux études sur le développement des jeunes, l’une québécoise (1) et l’autre canadienne (2), sont en cours.
L’équipe de Jean Séguin s’est également intéressé aux facteurs génétiques sous-tendant les troubles du développement, particulièrement à l’excès de dopamine D4 associé à de faibles habiletés cognitives (3). « Certaines personnes possèdent un besoin plus élevé de gratification qui proviendrait d’un défaut du récepteur de ce neurotransmetteur », explique Jean Séguin.
Une grande prudence s’impose pourtant lorsqu’on parle du développement futur d’un individu. La meilleure des études ne prédit pas l’avenir d’une personne. « Il existe des facteurs de protection, telle l’attitude positive de la mère, qui permettent de faire des choix de vie différents», convient le chercheur. En fait, en dépit des risques, rien n’est vraiment écrit…
Références
(2) Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ)
(3) « The Dopamine D4 Receptor Gene and Moderation of the Association Between Externalizing Behavior and IQ » par Colin G. DeYoung, Jordan B. Peterson, Jean R. Séguin, Jose Maria Mejia, Robert O. Pihl, Joseph H. Beitchman, Umesh Jain, Richard E.Tremblay, James L. Kennedy, Roberta M. Palmour, Archives of General Psychiatry, décembre 2006.
Pour en savoir plus « Developmental Trajectories of Male Physical Violence and Theft Relations to Neurocognitive Performance » par Edward D. Barker, Jean R. Séguin, Helene Raskin White, Marsha E. Bates, Éric Lacourse, René Carbonneau et Richard E. Tremblay, Archives of General Psychiatry, mai 2007.
Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant (GRIP)