
La vérification des faits a une utilité mesurable: lorsqu’un texte de vérification est présent, la capacité des participants à évaluer correctement la véracité d’une information est de 40% supérieure. Mais le comportement des participants face à cette info a un impact.
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C’est ce qui se dégage d’une étude menée par trois chercheurs des États-Unis en économie et en analyse de données. Elle s’inscrit dans les réflexions vieilles de plus d’une décennie sur la lutte à la désinformation: quelles sont les meilleures méthodes pour aider l’internaute à repérer une source fiable? Si l’efficacité des vérifications de faits a été validée à de nombreuses reprises, elle reste néanmoins difficile à mesurer séparément du reste: par exemple, à quel point cet impact se compare-t-il à celui que peuvent avoir d’autres interventions?
C’est à cette dernière question qu’ont tenté de répondre Valeria Bodishtianu et ses deux collègues de l’Université Cornell et de l’Université du Texas, en partant d’une comparaison inédite : tous leurs participants ont eu devant eux 18 nouvelles, dont ils devaient déterminer si elles étaient vraies ou fausses. À la moitié d’entre eux, ils ont soumis des textes de vérification des faits; à l’autre moitié, ils ont offert une récompense monétaire pour chaque bonne réponse trouvée. C’est sur ce plan que l’impact des textes de vérification a été de 40% supérieur.
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Mais cet impact n’est pas venu tout seul. Les chercheurs, dont les résultats sont parus dans la revue PLoS One, ont cherché, à travers les réponses bonnes ou mauvaises, des traces de trois comportements : l’effort pour évaluer la valeur de l’info, le niveau d’attention limité, et le raisonnement motivé —ce dernier étant un biais cognitif qui nous pousse à prêter attention aux informations qui confirment nos croyances et à rejeter les autres.
Il se dégage que, bien que les bénéfices d’un texte de vérification des faits semblent évidents, un individu ne profitera pas toujours de l’opportunité qui lui est ainsi offerte: le raisonnement motivé le conduira souvent à rejeter d’emblée une info sans la vérifier, parce qu’elle confirme ou contredit ses croyances; et la capacité limitée d’attention le conduira à vouloir sauter à la réponse la plus facile.
À titre d’exemple, ceux qui se sont identifiés comme démocrates étaient plus susceptibles de vérifier les informations « alignées sur l’idéologie républicaine » (ce qui ne voulait pas dire qu’elles étaient fausses).
En examinant les comportements qu'ont les individus après avoir lu une nouvelle, nous passons, estiment les chercheurs, d’une « exposition passive au contenu », qui était souvent le point de vue adopté par de telles études, à « une recherche active de la vérité ». Si on peut ainsi mieux quantifier les comportements « actifs » des internautes, on pourra mieux comprendre les mécanismes qui « encouragent la pensée critique » et ajuster les efforts de vérification des faits et d’éducation à l’information en conséquence.