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Une recherche américaine récente avance que l’embourgeoisement bénéficierait aux ménages de longue date, même les plus défavorisés, qui demeurent dans les quartiers en proie à celui-ci, rapporte Citylab. L’étude, intitulée The Effects of Gentrification on the Well-Being and Opportunity of Original Resident Adults and Children, n’a cependant pas fait l’objet d’une publication dans une revue révisée par les pairs et souffre de certaines lacunes qui minent sa crédibilité. Décryptage.

Menée par Quentin Brummet, chercheur de la National Organization for Research (NORC), un organisme affilié à l’Université de Chicago, et Davin Reed, candidat au doctorat à la Wagner Graduate School of Public Service de l’Université de New York, la recherche se présente comme étant la première étude longitudinale à documenter les effets à long terme de l’embourgeoisement sur la population d’origine des quartiers touchés.

Des conclusions surprenantes

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À partir d’une analyse des données du recensement sur une période d’environ 15 ans dans les 100 plus grandes régions métropolitaines des États-Unis, les chercheurs en arrivent à la conclusion que « l'embourgeoisement crée des bénéfices importants pour les adultes et les enfants de la population d’origine et peu de dommages observables. »

Contredisant la croyance populaire, les chercheurs avancent que l’embourgeoisement ne serait que marginalement en cause dans le déplacement de ménages défavorisés vers d’autres quartiers et que ces ménages ne se trouveraient généralement « pas plus mal » après avoir déménagé dans un nouveau quartier. Ils ajoutent que « beaucoup des résidents d’origine, incluant les plus défavorisés, parviennent à demeurer dans les quartiers en cours d’embourgeoisement et à bénéficier des améliorations du quartier » et insistent notamment sur les meilleures opportunités d’éducation et d’emploi offertes aux enfants issus de milieux modestes.

Des omissions importantes

Le hic ? Malgré ses prétentions scientifiques, l’étude est en fait un document de travail publié par la Banque de réserve fédérale de Philadelphie. Si elle s’appuie en partie sur des recherches scientifiques publiées dans des journaux ou revues crédibles, elle cite une quinzaine de documents de travail qui n’ont pas fait l’objet de révision par des pairs.

Elle omet par exemple de citer une autre étude longitudinale dont les résultats ont été publiés en 2016 dans la Urban Affairs Review et qui établissait un lien causal entre l’embourgeoisement et le déplacement forcé de locataires. Les chercheurs qui prétendent offrir une analyse des effets de l’embourgeoisement sur les enfants ne font pas non plus référence à une étude publiée en 2010 dans l’American Journal of Community Psychology qui concluait que « la possibilité d’un déplacement causé par l'embourgeoisement, les difficultés économiques, l’isolement social et le manque de ressources pose de sérieux risques pour le bien-être émotionnel et académique des enfants ».

Ainsi, bien qu’elle souligne l’importance, en matière de politique urbaine, de « comprendre comment l’embourgeoisement se produit et s'il nuit ou bénéficie aux résidents d’origine », l’étude de NORC et de la Federal Reserve semble davantage contribuer à brouiller les cartes qu’à éclairer le débat…

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