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On aurait découvert, dans l’atmosphère de la planète Vénus, un indice comme quoi il y aurait de la vie là-bas, ont vibré cette semaine tous les médias et toutes les alertes de réseaux sociaux. Bien que l’annonce soit sérieuse, il subsiste de nombreux bémols, constate le Détecteur de rumeurs.

 


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L’origine de la rumeur

Le 14 septembre, une équipe d’astronomes annonce, dans une étude publiée par la revue Nature Astronomy, avoir détecté dans l’atmosphère vénusienne de faibles quantités de phosphine, un gaz qui, dans notre propre atmosphère, est produit par la vie microbienne.

La recherche

Ce n’est pas une découverte fortuite. Il y a longtemps que des scientifiques cherchent à détecter de la vie sur d’autres mondes par des moyens indirects et l’un de ces moyens est de chercher ce qu’on appelle une biosignature.

Par exemple, pour un extraterrestre qui observerait notre planète de loin, l’oxygène de l’air serait une biosignature. Il s’agit d’un sous-produit de la photosynthèse des plantes: sans celles-ci, l'oxygène serait rapidement recapturé par les minéraux et disparaîtrait pratiquement de l’atmosphère terrestre. C’est pour cette raison que la recherche de traces d’oxygène dans l'atmosphère des exoplanètes est l'un des objectifs principaux du télescope spatial James Webb. Le méthane est aussi, dans certaines conditions, une biosignature: on trouve d’ailleurs sur la planète Mars des quantités intrigantes de méthane qui attisent la curiosité des astrobiologistes.

Récemment, une autre biosignature a été proposée : la phosphine (PH3). Cette molécule est très toxique pour la plupart des organismes vivants, car elle interfère avec l’hémoglobine et avec des protéines et des enzymes de la respiration cellulaire. Sur Terre, les organismes anaérobiques en produisent en quantité significative.

Suite à cette suggestion, des chercheurs ont décidé de regarder s’il y en avait dans l’atmosphère de Vénus en utilisant les radiotélescopes ALMA au Chili et James Clerk Maxwell à Hawaii. Et ils ont effectivement détecté un signal de cette molécule, à des concentrations de l’ordre de 5 à 20 parties par milliard. Le signal semble provenir d’une altitude de 53 à 61 km, dans la couche de nuages mitoyenne/supérieure, où la température est d’environ 30 °C et la pression atmosphérique, environ la moitié de celle au sol sur Terre.

Dans leur étude, les chercheurs soulignent qu’ils ne peuvent prouver que cette phosphine est d’origine biologique: « la détection de phosphine n’est pas une preuve robuste de vie ». Mais ils affirment avoir modélisé les autres mécanismes possibles: volcans, orages, météorites… Aucun, écrivent-ils, ne peut expliquer cette quantité de phosphine dans l’atmosphère.

Cinq bémols

Sans que ce soit une preuve de vie, il s’agit d’une découverte qui passionne l’astrobiologie. Mais plusieurs experts ont rapidement refroidi les ardeurs.

1) La chimie d’une planète autre que la nôtre peut cacher bien des phénomènes « photochimiques ou géochimiques » qui nous sont encore inconnus. Un bémol mentionné entre autres par la planétologue Caroline Porco sur Twitter et par son collègue James Kasting dans le New York Times. Pour ce dernier, le « modèle de la composition atmosphérique » que présentent les auteurs est « incomplet ».

2) Vénus recèle d’ailleurs plus que sa part de mystères, ayant été beaucoup moins visitée par des sondes spatiales que Mars. Et ce manque d’intérêt s’explique en partie par sa température à la surface de 460 degrés Celsius, et par son environnement extrêmement sec et hyperacide, tous des facteurs qui rendent difficile d’imaginer une forme de vie capable d’y survivre. Du moins, sur la surface: c’est la raison pour laquelle cette température de 30 degrés dans la haute atmosphère rend l’endroit presque hospitalier.

3) Pour le professeur de chimie organique Joseph Moran, de l'Université de Strasbourg, la réaction entre l'oxyde de fer et les phosphates peut elle aussi produire de la phosphine. « Les métaux devraient être considérés ici, pas seulement la photochimie de l’atmosphère », écrit-il.

4) L’exemple du méthane dans l’atmosphère de Mars est un autre appel à la prudence: bien que ce méthane suscite la curiosité des astrobiologistes depuis plus de 15 ans, ceux-ci ne sont pas encore arrivés à démontrer qu’une origine microbienne soit la seule explication possible à ces hausses de méthane détectées à intervalles irréguliers.

5) De la phosphine avait aussi été détectée, par la sonde Cassini, dans les nuages de Jupiter et de Saturne, sans qu’une explication biologique n’ait été avancée.

Un contre-argument « optimiste » à tous ces bémols est toutefois que, quelle que soit l’origine de ce gaz, la durée de vie d’une molécule de phosphine à l’altitude observée ne saurait dépasser 1000 ans. Il faut donc nécessairement une source qui en produise de façon continue pour que l'on en observe à ces concentrations.

Photo: NASA/JPL-Caltech

Ajout 25 octobre: un sixième bémol. Dans une étude pré-publiée, d'autres chercheurs émettent l'hypothèse que la façon de traiter les données aurait pu conduire à ce qu'on pourrait appeler des faux positifs:  autrement dit, les taux de phosphine ne seraient pas statistiquement significatifs. Explications par la journaliste Abigail Beall et par l'astronome Phil Plait.  

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