Leur théorie
s'en trouve donc renforcée: il s'agirait bel
et bien d'une autre espèce humaine, et non d'un humain
moderne souffrant d'une anomalie du cerveau. Sept
adultes au moins aussi petits que l'original, de même
que les os d'un bras et d'une jambe d'enfant de cinq ans.
Soit en tout, avec les os de l'an dernier, neuf individus:
l'Homo floresiensis fait à nouveau la manchette
de
la revue britannique Nature.
Appelé également "Hobbit"
au grand dam de ses découvreurs
cet humain d'à peine 1 mètre de haut
aurait vécu sur l'île de Flores jusqu'à
il y a 18 000 ans, voire 12 000 ans selon les
outils de pierre retrouvés dans sa caverne
et dans le nouveau site. Cela signifie que cet humain
aurait vécu à la même époque
que l'Homo sapiens nous tout comme l'homme
de Néandertal: soit trois espèces humaines
ayant vécu en même temps.
Trois cousins. Trois branches parallèles
de l'arbre généalogique des hominidés.
Une seule de ces branches, la nôtre, a survécu.
Pourquoi?
L'Homo floresiensis ne peut évidemment
pas répondre à cette question, mais
il la pose d'une façon détournée:
si deux espèces humaines apparemment adaptées
à leur environnement même si, dans
son cas à lui, il ne s'agissait que d'une île
sont disparues, quelle garantie avons-nous de survivre
à long terme?
Et une autre question: si une deuxième
espèce cousine de l'être humain a survécu
jusqu'à une époque aussi rapprochée,
pourquoi pas d'autres? Qui sait, les prochaines années
seront peut-être le théâtre d'autres
découvertes similaires...
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Sur
la découverte de l'an dernier, lire:
Les
petits hommes (1er novembre 2004)
Une
surprise pour la science
et les humains
Pourrait-il
y avoir d'autres explications?
Et
s'ils étaient encore vivants?
Après la découverte:
Les
touristes cherchent les petits hommes
Le
retour du hobbit
Sur le débat:
Bataille
pour des os de hobbits (28 février 2005)
Retour
sur les petits os (31 mars 2005)
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En attendant, les
sept nouveaux squelettes, décrits par l'anthropologue
australien
Michael Morwood et ses collègues australiens et indonésiens,
partagent
les mêmes caractéristiques que l'individu
une femme de l'an dernier: une petite taille
et un très petit cerveau, pas plus large que celui
d'un chimpanzé. En datant ces nouveaux squelettes,
Morwood, attaché à l'Université de
Nouvelle-Angleterre à Armidale (Australie) affirme
à présent que cette espèce a habité
l'île de Flores il y a au moins 74 000 ans, jusqu'à
il y a 12 000 ans.
Ces nouvelles découvertes ont eu lieu
à la fin de la saison de fouilles 2004. En raison
d'un différend avec les autorités indonésiennes,
il n'y a pas eu de fouilles à l'été
2005.
Des outils de pierre découverts six
ans plus tôt sur cette même île avaient
été datés de 700 000 ans, mais personne
ne peut affirmer qu'ils sont liés à cette
espèce humaine.
Mais le fait qu'il se trouve d'aussi anciens
outils sur cette île donne du poids à l'hypothèse
Homo Erectus: ceux-ci, c'est prouvé, sont arrivés
sur l'île de Java, en Indonésie, il y a un
million d'années. Une poignée d'entre eux
aurait pu traverser, volontairement ou par accident, sur
l'île de Flores, et y rester coincé pour
autant qu'on sache, ils ne maîtrisaient pas la navigation.
Au fil des millénaires, leur espèce aurait
évolué vers cette version rachitique qui vivait
dans cette caverne de Liang Bua, dans une région
aujourd'hui isolée de l'île, et chassait entre
autres choses des éléphants nains, eux aussi
disparus aujourd'hui.
Encore que ce portrait simple soit remis en
doute par les découvreurs eux-mêmes. Les squelettes
décrits dans la dernière édition de
la revue Nature présentent certes des caractéristiques
propres à l'Homo Erectus, mais aussi à des
humains modernes (les traits du visage) et à des
ancêtres africains encore plus lointains (de très
longs bras, comme la célèbre australopithèque
Lucy, vieille de 3 millions d'années). Le casse-tête
est
loin d'avoir été résolu.
Et certains
des sceptiques demeurent sceptiques. L'an dernier, les
plus virulents des opposants avançaient que ce squelette
unique pouvait fort bien être un cas de microcéphalie,
un mal caractérisé par un sous-développement
de la boîte crânienne. Aujourd'hui, dans un
commentaire publié par la revue américaine
Science, Daniel Lieberman, de l'Université
Harvard, rappelle que nul n'a jamais comparé l'Homo
floresiensis avec un éventail d'individus microcéphales,
alors qu'il existe une grande variation dans la forme et
la dimension des crânes des microcéphales.
Deux groupes de chercheurs indonésiens, américains,
australiens et britanniques, seraient sur le point de publier
deux études distinctes, réfutant l'hypothèse
suivant laquelle les petits hommes de Flores constituent
une nouvelle espèce humaine.
Pascal Lapointe