Après un retour de vacances prolongées par une mise à pied, me voici de retour.

Les jours des navettes spatiales sont comptés, si tout va comme prévu elles seront mises au rancart vers 2010 après avoir complété la construction de la station spatiale internationale.

Pour les remplacer, la NASA a mis en place le programme Constellation. L’objectif est d’avoir un système spatial fiable permettant de remplacer les navettes et permettant l'exploration du système solaire. Afin de minimiser les risques et de maintenir l’expertise des travailleurs de l’industrie spatiale, ce système est largement basé sur la navette spatiale.

C’est un retour à la case départ pour la NASA. Après avoir instauré le programme des navettes pour éviter le gaspillage des lanceurs conventionnels, la NASA revient à ceux-ci. Si l’idée des lanceurs réutilisable semblait bonne, en théorie, en pratique, il fallait quasiment démonter et remonter la navette après chaque vol afin de s’assurer que tout était parfaitement en ordre.

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Le bouclier thermique étant un des points les plus problématiques, comme l’a illustré la catastrophe de Columbia. Je me souviens très bien de l’ouverture de la soute lors de la première mission de la navette en 1981, toute de suite j’avais remarqué que des tuiles s’étaient décollées au niveau des propulseurs. La navette est toute de même rentrée sur Terre sans trop que l’on sache si le bouclier allait tenir. Le bouclier a tenu, mais on apprit par la suite que la navette avait failli être détruite par des instabilités aérodynamiques imprévisibles. Il y avait aussi le propulseur à poudre réutilisable, mais donc le recyclage coûtait 90% du prix d’un neuf ! Des problèmes répétés avec les joints d’étanchéité ont fini par avoir la peau de la navette Challenger. Mais plus fondamentalement, c’est la conception même de la navette qui était fautive.

En effet, la navette était d’abord et avant tout un planeur pas un véhicule spatial. Elle devait donc traîner des ailes et un train d’atterrissage en orbite avec la pénalité de poids que cela implique. De plus, contrairement aux capsules spatiales, le bouclier thermique est à l’air libre. Non seulement dans l’espace, mais pendant la phase de lancement ainsi que pendant la longue période d’attente sur le pas de tir. Cette situation oblige le bouclier thermique à résister à une gamme de conditions climatiques beaucoup plus grandes qui s’il était simplement utilisé dans la phase de rentrée atmosphérique. Avec le résultat qu’il fallait plus de 15000 heures de travail pour remettre le bouclier thermique en état après chaque mission.

Mais, plus encore, la navette était un bien mauvais planeur, que l’on a souvent comparé à une brique volante. Pour s’en convaincre, il faut savoir que pour entraîner les pilotes à poser la navette, la NASA utilise un avion d’affaire sur lequel on active l’inverseur de poussée d’un des trois moteurs !

Ce n’est pas que la NASA n’a pas cherché d’alternatives. Après tout, la NASA a investit 912 MUS$ et Lockeed Martin 357 MUS$ dans le programme X-33. L’objectif de ce programme ambitieux était de produire un lanceur monoétage possédant une fiabilité supérieure d’un facteur dix par rapport au navette. Ce lanceur devait utiliser un bouclier thermique métallique en Inconel beaucoup plus robuste que celui utilisé par la navette. Une autre première était l’utilisation qu’un moteur à tuyère ouverte (« aerospike ») dont les performances s’optimisent automatiquement en fonction de l’altitude et permettant un gain de poids en éliminant les actionneurs servant à orienter la tuyère ainsi que par une géométrie plus favorable du point de vue mécanique.

Malheureusement, le choix technologique de l’étage unique mena le projet à sa perte. En effet, pour atteindre l’orbite, une fusée monoétage doit pouvoir emporter au moins 90% de sa masse en carburant. Ceci implique que la structure du X-33 devait être extrêmement légère. Si cela est déjà très difficile avec accomplir avec la forme cylindrique d’une fusée classique, la forme d’aile delta d’un X-33 imposait l’utilisation de réservoir d’hydrogène liquide en matériaux composites. Devant l’impossibilité de produire ces réservoirs, la NASA a préféré terminer le programme.

Parallèlement, la NASA a travaillé sur le projet X-38. Ce système constituait un démonstrateur pour le système d’évacuation (CRV : Crew Return Vehicule) de la Station Orbitale Internationale. Basé à plus de 80% sur des technologies déjà existantes, il aurait permis de ramener les 7 astronautes de la station sur Terre ne cas d’urgence. Son concept aérodynamique du corps portant était copié sur celui du X-24A. Afin de sauver du poids, le système utilisait un grand parachute pour amortir sa chute et atterrissait sur des patins au lieu de pneu. Bien que conçu initialement comme véhicule de secours, il aurait été relativement simple de modifier le véhicule pour qu’il puisse transporter un équipage du sol vers l’espace. Malheureusement, les dépassements de coût du programme de la station ont eu raison de ce projet prometteur.

C'est donc après un long détour que la NASA revient à la case départ avec le programme Constellation. Finis les lanceurs réutilisables, on retourne aux bons vieux lanceurs classiques. Fini les planeurs, on revient aux capsules. Le véhicule d’exploration habité (CEV : Crew Exploration Vehicule) va avoir une forme identique aux capsules Apollo, mais un diamètre légèrement supérieur (5 m vs 3,9 m). Cette capsule sera capable de transporter de 4 astronautes durant de deux semaines et pourra rester attacher à la station pendant 7 mois. Afin de maintenir la masse au minimum, le module de service est équipé de panneau solaire contrairement aux capsules Appollo qui utilisaient des piles à combustible pour produire leur électricité. La structure du compartiment habitée sera constituée d’un alliage d’aluminium et de lithium. Quant au système de propulsion, il fonctionnera avec de l’oxygène gazeux et de l’éthanol pour la capsule et avec du tetraoxyde d’azote et de l’hydrazine monométhyle pour le module de service. Initialement, on devait utiliser le couple méthane/oxygène afin que le système soit compatible avec de la production de carburant in situ sur Mars. Cependant, étant donné qu’un tel moteur est inexistant, on a dû se rabattre sur ces composés toxiques afin de maintenir l’objectif d’un lancement en 2012.

Ces choix technologiques n’ont pas que des avantages. En effet, avec cette configuration tous les éléments nécessaires à la mission devront revenir sur Terre. Une configuration alternative est de mettre les éléments ne nécessitant pas un retour sur Terre dans un module orbital et de placer uniquement le nécessaire dans la capsule de rentrée. Pour chaque kilo laissé dans l’espace, on en sauve deux sur la masse totale, car les parachutes, le bouclier thermique et les amortisseurs utilisés à l’atterrissage sont plus petits. C’est la configuration choisie par le Soyouz russe et le Shenzhou chinois.

Une autre particularité, la capsule habitée sera partiellement réutilisable. Chaque capsule pourrait ainsi être réutilisée une dizaine de fois. Cette réutilisation est facilitée par le fait que la capsule se posera sur le sol au lieu de se poser en mer. Trois sites ont été présélectionnés sur la côte ouest : Edwards Air Force Base (AFB) en Californie, Carson Flats au Nevada et Moses Lake dans l’état de Washington.

Le CEV sera lancé en orbite à l’aide du lanceur Ares I. Selon les plans actuels, ce lanceur devrait être basé sur les accélérateurs la navette spatiale augmentés d’un segment avec un deuxième étage basé sur un moteur à l’hydrogène/oxygène, le J-2X, version modernisée d’un concept datant du programme Apollo. Cependant, il est probable que ce concept soit abandonné. En effet, cette configuration impose des moments de flexion énorme sur l’étage à poudre. Cela implique une réingénierie complète qui selon les premières estimations fera passer les coûts de développement de 1 à 3 milliards de dollars. Une seconde approche est donc proposée. Il s’agit d’utiliser deux accélérateurs à poudre de 3 segments montés de chaque côté d’un réservoir de carburant liquide équipé de ses propres moteurs. Cette configuration a l’avantage d’être utilisable sans trop modifier les pas de tirs.

Pour les missions lunaires, un grand lanceur baptisé Ares V sera utilisé. Directement dérivé de la navette spatiale, ce lanceur sera capable de placer environ 125 t en orbite basse. Dans le cas d’une mission lunaire, ce lanceur enverra en orbite basse un étage permettant de rejoindre la lune surmonté du module lunaire. Les astronautes le rejoindront en orbite dans un autre lancement. Cette stratégie dite d'un lancement et demie est considéré comme plus sécuritaire et authorise le lancement de charges plus lourdes vers la Lune.

Le module lunaire (LSAM: Lunar surface Module) sera équipé de du vénérable moteur à hydrogène/oxygène RL-10. Beaucoup plus performant que le LEM du programme Apollo, il sera capable de supporter une équipe de quatre hommes sur la Lune pendant des périodes de quatre jours à plusieurs mois. Le module sera aussi équipé d’un sas permettant de limiter la contamination par la poussière lunaire. Il pourra aussi atterrir partout sur la Lune contrairement au LEM qui était limité aux zones équatoriales. Beaucoup plus lourd, il pourra apporter 2,2 t d’équipement sur la Lune, soit dix fois la capacité du LEM. Dans sa version cargo, sa capacité d’emport atteindra 21 t, ce qui autorisera la construction d’un avant-poste permanent.

Le principal problème pour le moment est le financement qui pour l’instant est insuffisant. En effet, si la navette est retirée en 2010, le premier lancement de CEV n’aura pas lieu avant 2012 et le premier vol habité avant 2014. Ce trou dans le calendrier de vols est à lui seul pas très rassurant.

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