Le 18 décembre 2020, le quotidien britannique The Guardian rapportait que le projet Breaktrough listen avait détecté à l’aide du radiotélescope de Parkes en Australie, un « signal » d’origine possiblement artificielle en direction de l’étoile Proxima Centauri. Évidemment, la machine à rumeur s’est emballée.
L’histoire est vraie. Cependant, je n’ai pas reçu de communication à ce sujet du comité permanent sur la recherche d’intelligence extraterrestre de l’Académie Internationale d’Astronautique. C’est donc une découverte intéressante pour les scientifiques, mais qui ne demande pas de réponse rapide de la communauté.
Selon l’information qui a coulé dans les médias, il s’agirait d’un signal radio émis sur une bande de fréquence très étroite centrée à 982,002 MHz. Les émissions radio étroites sont justement ce que les astrophysiciens recherchent, car il n’y a pas de sources naturelles connues capables de les produire. C’est ce que l’on appelle une technosignature.
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Le principal défi pour tous les chasseurs de civilisations technologiques est que nous sommes nous-mêmes une civilisation technologique. Dans ces conditions, des technosignatures, on en découvre des quantités hallucinantes. Entre les cellulaires, les satellites, les avions et les fours à micro-ondes ce ne sont pas les faux signaux qui manquent, même dans les zones géographiques et les bandes de fréquences protégées, théoriquement silencieuses. Une étude récente en a détecté 4539 lors de l’observation de 31 étoiles et cela en seulement quatre heures !
Afin de séparer les signaux venant de l’espace de ceux provenant des environs des radiotélescopes, on cherche plusieurs caractéristiques attendues d’un signal extraterrestre. La première est la dérive en fréquence. En effet, on s’attend à ce qu’une source fixe par rapport à l’antenne transmette sur une fréquence très stable, alors qu’un émetteur sur un satellite ou sur un avion présentera une dérive très grande en raison de l’effet Doppler. Alors que si elle est située sur une exoplanète, il y aura une variation significative, mais relativement faible. Le problème de ce test est qu’il faut énormément d’efforts de calcul pour explorer correctement les données afin de détecter les anomalies. En particulier, il faut corriger pour les dérives attendues afin d'augmenter la sensibilité. Or, ces dérives ne sont pas connues a priori, il faut donc explorer toutes les combinaisons possibles, ce qui prend beaucoup de temps. C’était d’ailleurs pour cette raison que l’on avait démarré le projet SETI@home. La bonne nouvelle est que le signal candidat passe ce filtre, car il possédait une variation en fréquence compatible avec le mouvement d’une planète. Cependant, il ne correspond pas à ce qui est attendu d’un objet sur la planète Proxima b.
Il a toutefois passé un second test, qui était de vérifier s’il venait bien du ciel. La technique consiste à pointer le radiotélescope sur l’objet étudié, puis à un autre endroit. Si le signal persiste, c’est nécessairement un parasite en provenance du sol. Or, le signal a passé ce test aussi. Pendant 5 périodes de 30 minutes d’observations sur une période de 3 heures, il est revenu. C’est probablement en bonne partie pour cette raison que les chercheurs du projet Breakthrough Listen sont excités, bien que tous ne cessent de répéter qu’il y a loin de la coupe aux lèvres.
Ce genre de situation s’est déjà produite dans le passé. En effet, en juin 1997, le projet Phoenix, une expérience dirigée par le SETI Institute, observait avec le télescope de 140 pieds de l’Observatoire national de radioastronomie de Green Bank, en Virginie occidentale. Les scientifiques suivaient un signal qui avait toutes les caractéristiques attendues d'une véritable émission artificielle en provenance de l’espace. Cependant, après une journée de recherche et juste avant d’envoyer un télégramme de demande d’assistance à la communauté astronomique, il s’est avéré que la source mystérieuse était la sonde SOHO.
La leçon la plus pertinente de cet épisode est que quelques heures après le début de la pseudo-trouvaille, un journaliste scientifique du New York Times a appelé pour en savoir plus sur le « signal intéressant ». Apparemment, la fuite venait d’une conversation anodine avec un tiers impliquant un membre du personnel du SETI Institute. Morale de l’histoire, il sera impossible de garder une découverte intéressante secrète, contrairement à ce que l’on voit dans les films.
Il ne faut surtout pas oublier que malgré tous les tests préliminaires. Il peut tout de même s’agir d’une fausse alerte. En effet, les antennes de radiotélescopes n’ont pas une réponse angulaire aussi propre que les télescopes optiques. Cela permet à des signaux très éloignés de la ligne de visée d’être détectés. Pour s’en assurer, on retourne voir l’étoile ciblée afin de vérifier si l’émission est toujours présente. Or, dans ce cas-ci, on n’a pas retrouvé le signal.
Donc, c’est un cas intéressant, mais qui malheureusement, ne s’est pas répété. On le compare au signal Wow ! détecté en 1977 par le radiotélescope de l’université de l’Ohio. Les scientifiques de la communauté SETI ont développé une échelle, dite échelle de Rio, pour décrire le degré d’excitation d’une telle découverte. En insérant les chiffres dans l’échelle originale, j’obtiens une valeur de 5, soit une pertinence de niveau intermédiaire. Ce qui est pas mal élevé. Cependant, cette échelle a été révisée en 2018, afin d’introduire d’autres facteurs, et porte maintenant le nom de Rio 2.0. En utilisant un outil en ligne, j’obtiens la valeur de 0, ce qui est un peu décevant !
Néanmoins, le calculateur donne aussi des valeurs d’autres paramètres. Par exemple, dans le cas présent, l’importance sociale de la découverte (Q=5) doit être interprétée comme « Si le signal provient de l’intelligence extraterrestre, il est scientifiquement révolutionnaire, mais sans conséquence quotidienne. Les perspectives de compréhension des ETI restent à des décennies dans le futur. » L’autre paramètre important est la crédibilité de la découverte (J = 4) qui doit être interprétée comme « Intérêt SETI potentiellement justifié ; aucun intérêt de la presse justifié ». Donc, on s’énerve pour rien à moins d’être un membre de la communauté SETI.
Ceci dit, s’il s’agissait d’un signal véritable, cela voudrait dire que la vie est incroyablement abondante dans notre galaxie. En effet, Proxima Centauri est l’étoile la plus proche de nous, par conséquent, essentiellement toutes les étoiles abriteraient des civilisations technologiques, ce qui serait quand même très étonnant, mais correspondrait à ce qui est attendu de l’hypothèse du zoo. Selon cette hypothèse, les extraterrestres nous étudieraient à distance afin de ne pas nous perturber. Cela pourrait aussi être une sonde de Bracewell : installée assez près pour nous observer relativement facilement, et discrète pour qu’on ne puisse pas la trouver à moins de déployer des efforts considérables. Un peu comme le monolithe dans 2001 l'Odyssée de l’espace, qui avait été placé sur la Lune pour être repéré par une civilisation ayant atteint un seuil technologique minimal.
Pour l’instant on spécule, mais un jour, nous serons fixés.