Avant d'aborder les manipulations génétiques dans leur contexte culturel et éthique, commençons d'abord, dans ce premier texte, par planter le décor

Les manipulations génétiques concernent le monde végétal, le monde animal et l'espèce humaine. Elles peuvent prendre des formes très diverses, dont deux apparaissent particulièrement importantes pour les enjeux économiques qu'elles représentent: dans le domaine végétal, il s'agit de la réalisation d'organisme génétiquement modifiés (OGM), et dans le domaine animal, des animaux transgéniques.
Les espoirs mis dans les manipulations génétiques sont multiples deux sont majeurs: l'accroissement du rendement des espèces et les nouvelles applications dans le domaine de la médecine et de la santé.

L'accroissement du rendement des espèces; empiriques jusqu'au XIX siècle, la sélection et l'hybridation classiques des espèces végétales ont cependant réussi à augmenter la taille des fruits et céréales, à diminuer le temps de germination, à améliorer les rendements, à rendre certaines espèces indépendantes de la pollinisation, et à éliminer des substances toxiques. Cependant, l'incompatibilité entre esoèces différentes mettait un frein à l'imagination et aux désirs des agriculteurs et des chercheurs. Les possibilités de mélanger les génomes (patrimoine génétique d'un individu, c'est-à-dire l'ADN) ont permis de transférer des gènes intéressants d'une espèce à une autre en dépit de leur incapacité à s'apparier. La première plante transgénique a été produite au début des années 1980. Actuellement, plus d'une centaine de plante sont à l'essai avant leur commercialisation. Les tomates qui supportent une longue conservation ont fait, les premières, leur apparition sur les marchés des Etats-Unis; de même, des pommes de terre à haute teneur en amidon sont actuellement porduites de manières expériemntales dans des laboratoires américains.

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Depuis quelques années, des plantes transgéniques, c'est-à-dire des plantes dont l'ADN a été modifié, sont apparues. Ces OGM permettent ainsi de hauts rendements, car elles sont vouées à plusiuers applications spécifiques:

- des plantes résistantes aux herbicides : les produits chimiques, toxiques pour la plupart, doivent être appliqués très tôt avant l'apparition des mauvaises herbes, mais persistent dans l'environnement; ils tuent les mauvaises herbes mais atteignent aussi les bonnes. Ainsi, par manipulations génétiques, des plantes absorbant moins d'herbicide ou, mieux, détruisant les herbicides ont été élaborées, ce qui les rend moins toxiques pour l'homme et les animaux.

- des plantes protégées contre les virus : les conséquences des infections virales sur les céréales sont catastrophiques en dépit de tous les moyens de lutte employés. depuis longtemps, on avait remarqué qu'après avoir été infectées par un virus peu virulent, les plantes résistaient à l'infection par un virus plus agressif du même type, la protéine de l'enveloppe virale jouant un rôle de protection pour la plante; ainsi inocule-t-on certains virus dans les plantes afin de les protéger.

- des plantes insecticides : donner aux plantes la possibilité de se défendre contre les insectes présente de nombreux avantages sur l'utilisation d'insecticides: il n'y a plus de risque de "lessivage" de l'insecticide par la pluie, seuls les insectes qui attaquent la plante sont détruits et la plante est protégée jusqu'aux racines. Depuis quelques années, on greffe à certaines plantes des constructions d'ADN qui permettent de lutter contre des insectes sans pour autant être dangereuses pour les mammifères (on estime que 25% des 1 450 millions de tonnes de céréales récoltées dans le monde annuellement dans le monde finissent... dans l'estomac des insectes; grâce à la technique des OGM, ce problème, qu'affronte l'humanité depuis qu'elle a inventé l'agriculture, est en passe de trouver une solution).

Les animaux également être manipulés génétiquement afin de les rendre plus "productifs". Deux applications principales peuvent être citées:

- des animaux aux performances accrue : dès 1982, des expériences avaient été menées sur des souris; plus récemment, des bovins, des procins, des animaux de basse-cour et des poissons ont fait l'objet d'expérimentations. Ces manipulations visent en fait plusieurs objectifs : à atteindre une maturité très rapide des animaux grâce à des hormones de croissance, à augmenter la production de lait, à améliorer la qualité de la laine chez les moutons...

- des animaux résistant aux maladies : des manipulations consistent à greffer aux animaux un gène fonctionnant comme un anticorps dirigé contre l'agent infectieux à éliminer ; ainsi une immunisation génétique protège maintenant efficacement plusieurs races d'animaux contre des virus.

L'utilisation d'espèces transgéniques à hauts rendements, le recours à des espèces végétales très économes en eau, protégées contre les insectes ou des espèces animales résistantes aux virus destructeurs, apparaît être en fait comme une solution susceptible de concilier croissance démographique, réduction des surfaces cultivées, cultivables ou d'élevage, et sous-nutrition.

Sur ce point, la grande inconnue réside dans l'impact des technologies génétiques sur les pays en développement qui n'ont pas encore de structures pour assimiler cette évolution.

La connaissance, même imparfaite, des génomes des plantes, des animaux et de l'homme a modifié radicalement la recherche médicale et pharmacologique. Grâce aux végétaux et aux animaux, des progrès considérables dans le domaine de la santé sont envisageables. plusieurs pistes les rendent, en effet, possibles:

- les plantes à maturité contrôlée.

- les plantes dont les qualités nutritionnelles sont modifiées : il y a dix acides aminés essentiels qui doivent être fournis par la nourriture ; ils le sont directement ou indirectement par les plantes. Certains manquent d'un ou de plusieurs acides aminés ; la greffe de gènes participant au métabolisme améliore les quantités nutritives de ces plantes.

- les plantes "bio-réacteurs" : certaines plantes réalisent des opérations de synthèse qui permettent de "produire" des substances susceptibles de composer des médicaments pour l'homme.

- les animaux "bio-réacteurs" : après les bactéries, les levures, les cultures de cellules de mamifères, on utilise plusieurs espèces domestiques pour la production de protéine de valeur. Ainsi, en greffant des gènes humains sur des animaux, on peut amener ceux-ci à produire dans leur lait des protéines à usage médical en quantités beaucoup plus importantes ; on peut même imaginer des vaccins directement buvables.La création de tels animaux transgéniques demande néanmoins un savoir-faire complexe.

- des bactéries dépolluantes : dans le domaine de la dépollution, les méthodes biologiques mettant en oeuvre des bactéries sont déjà largement utilisées dans les stations d'épuration des eaux. La prochaine phase de développement verra apparaître des cultures de bactéries génétiquement modifiées qui seront adaptées à la dégradation de composés particuliers tels que les hydrocarbures ou les composés nitrés.

De telles perspectives révolutionnent totalement l'industrie pharmaceutique ; avec, d'ici à quelques années, le lancement de médicaments produits aujourd'hui en infimes quantités et à des coûts exorbitants, les rendements d'échelle vont être impressionnants. Mais il faut reconnaître que l'irruption massive des produits transgéniques, végétaux et animaux, bouscule en conséquence toute la filière agro-alimentaire, du champ du cultivateur ou de l'éleveur jusqu'à l'assiette du consommateur. Désormais, les plantes et les animaux se transforment en véritables usines, modifiés au gré des besoins de l'économie, plus que jamais asservis par l'homme. C'est en ce sens que des "risques" peuvent apparaître. Ce sera l'objet du 2e billet.

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