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Pour qui s’interroge sur la faible place de la science dans notre culture ou nos médias, le parcours de Pierre Dansereau nous renvoie à une époque déjà révolue : il a pratiquement créé l’écologie, ce qui a fait de lui un allumeur de consciences... mais semble ne s’être jamais vu comme un vulgarisateur.

Comparez avec son contemporain québécois Fernand Seguin, ou avec des vedettes plus tardives comme l’Américain Carl Sagan ou le Britannique Richard Dawkins : tous se sont approprié le titre de vulgarisateur, même si les deux derniers ont poursuivi une carrière de chercheurs. Pierre Dansereau, lui, lorsqu’il ne fut pas chercheur, professeur ou administrateur, a plutôt été militant :

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  • Il s’est battu pour le « décloisonnement des savoirs », comme l’écrit mon collègue Luc Dupont dans L’oeil décloisonné; c’est-à-dire qu’il se battait pour que les disciplines scientifiques se nourrissent de l’écologie, mais aussi pour que l’étude de l’humain fasse partie des études écologiques;
  • Avant cela, à partir des années 1940, il a dû se battre pour imposer l’écologie comme une discipline à part entière dans les murs universitaires. Ce qui conduira en 1957 à Biogeography : An Ecological Perspective , la synthèse qui l’a fait connaître à l’échelle internationale et est considérée comme une des pierres d’assises de l’écologie.

À la Une du Devoir du 30 septembre, le journaliste Louis-Gilles Francoeur, qui couvre lui-même l’environnement depuis plus de deux décennies, qualifie Dansereau de phare intellectuel et moral :

Alors que beaucoup d’universitaires d’aujourd’hui accusent d’hérésie scientifique ceux ou celles parmi leurs collègues qui engagent leur savoir dans les grands débats publics, qui osent même prendre position, Pierre Dansereau, un des plus grands d’entre eux, l’a fait souvent.

« Son principal legs : l’implantation de ce qu’il appelle l’écologie humaine », se souvient André Hade, qui fut un de ses étudiants il y a plus de 50 ans, et contribua avec lui, bien plus tard, à la création de la première maîtrise en sciences de l’environnement au Canada.

Entre 1940 et 1970, le contexte de l'époque explique que Pierre Dansereau ne soit pas devenu le vulgarisateur que d’autres, dans d’autres disciplines, auraient choisi de devenir. Le simple fait de parler d’écologie alors que la discipline n’existait pas —même l’idée d’un ministère de l’Environnement aurait fait sourire!— lui faisait jouer par défaut le rôle d’allumeur de consciences que joueraient plus tard les Greenpeace de ce monde.

Au point où les mouvements écologiques naissants, dans les années 1970, ne le voient d’abord pas comme l’un des leurs. Ils l’identifient plutôt aux gouvernements, parce qu’il vient alors de présider ce qui fut la toute première étude d’impact environnemental de l’histoire du Québec, celle qui servit à Ottawa de caution à la création de l’aéroport de Mirabel. Il est par ailleurs identifié aux milieux académiques pointus, et en partie étrangers, parce qu’il a à cette époque fait une partie de sa carrière aux États-Unis:

  • Dans les archives de Radio-Canada : une entrevue en 1967, alors qu’il est directeur adjoint du Jardin botanique de New York

Embauché par l’UQAM en 1971, il continuera à y donner des cours et à y diriger des thèses jusqu’en 2004, à l’âge de 93 ans. Daniel Garneau, qui fut son collaborateur pendant 22 ans, raconte cette dernière partie de sa carrière.

Le documentaire de l’ONF qui lui est consacré, Quelques raisons d’espérer , porte ce titre en référence à l’optimisme qui est devenu avec les années sa marque, face à l’attitude désabusée de plusieurs écologistes. Dansereau avait toujours gardé l’espoir de voir le monde changer dans son attitude à l’égard de la nature.

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