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Poussée de fièvre médiatique et réseaux sociaux au bord de la crise de nerfs : un vernis à ongles, développé par quatre étudiants de l’Université de Caroline du Nord, détecterait les drogues du viol. Wow! La presse applaudit et fait ses courbettes devant de si brillants entrepreneurs. Sauf que, les gars, votre pseudo-invention se trompe de cible. Du moins dans la vraie vie.

Le principe du vernis Undercover Colors? Simple. Appliqué au préalable (évidemment), le vernis change de couleurs en présence de Rohypnol, Xanax ou de GHB (acide gamma hydro butyrique), des drogues parfois utilisées par les violeurs. Pour savoir si on a essayé de vous droguer, oubliez tout réflexe hygiénique ou de bienséance : plongez votre doigt dans votre verre. Si la couleur change, danger!

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Enfin ça, c’est la théorie, la belle histoire vendue aux médias. L’efficacité de ses kits anti-viol n’a jamais été prouvée. Déjà 2004, une étude parue dans le Journal of Analytical Toxicology démontrait que les populaires tests de dépistage comme ceux de Drinksafetech (Drink Safe Coaster) n’étaient pas fiables du tout. Le changement de couleur pouvait se faire en présence d’eau minérale, donner de faux positifs en présence de lait dans le cocktail ou donner une réponse très tardive pour la kétamine. De quoi générer un faux sentiment de sécurité ou, à l’inverse, des bouffées d’inquiétude comme le rappelait une étude dans le journal Addiction.

Autre problème : ce genre de tests ne se concentre que sur trois ou quatre drogues, alors que l’arsenal possible est gigantesque. Rien qu’à envisager la classe des benzodiazépines ou autres sédatifs et hypnotiques vendus au comptoir, le tournis nous prend. Enfin, pas trop longtemps.

Dans la vraie vie, la drogue la plus utilisée dans les cas de viol, c’est… l’alcool comme le rappelle un rapport du National Institute of Justice en 2007. Une substance, disponible au coin de la rue, suivie par le cannabis ou la cocaïne. L’utilisation de GHB ou de Rohypnol est beaucoup plus rare en comparaison. Selon le rapport, seulement 2,4 % des victimes ont été droguées à leur insu. Se balader avec les « minilab ambulants et défaillants » proposés par les marchands de rêves est donc inutile. Franchement.

On se réveille! Les chiffres du dernier rapport du Centers for Disease Control and Prevention sur la victimisation sexuelle publié en 2014 sont sans appel. Aux États-Unis, près d’une femme sur cinq de 18 ans et plus (19,3 %) a été violée au cours de sa vie (1,7 % chez les hommes). 9,3 % sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue (11,2 millions) et dans près de 60 % de ces cas par une de leurs connaissances.

Un chiffre effrayant qui en cache un autre : 45 % des victimes ont été agressées par un ancien partenaire et 12 % par un membre de leur famille. De quoi débusquer le mythe du violeur inconnu (13 % des cas) et faire si possible réfléchir certains médias.

Ceux qui aiment trop croire aux histoires de start-ups d’universitaires à la sauce conte de fées, ceux qui oublient qu’ils font la promotion d’un produit non approuvé scientifiquement et glissent un message tendancieux : ne pas porter son vernis anti-viol, c’est se mettre en position de victime. Un blâme version 2014 qui rappelle celui, insidieux, de la jupe trop courte des victimes de viol. On vit une époque formidable!

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