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Avant, la mort c’était simple. Yeux clos, cerveau en berne. Point final. Restaient une pile de linge sale, un chat à nourrir, des factures impayées. Le silence s’installe et vous avale, laissant des souvenirs dans le cœur de vos proches. Parfois, un testament. Aujourd’hui, la mort se joue en numérique. Des profondeurs de l’Internet chuchotent des voix d’outre-tombe prêtes à livrer leurs secrets. La technologie y veille.

La mort vous va si bien. Vous avez enfin l’air reposé. Les tracas derrière, l’éternité devant. Enfin, ça c’est pour vous. Pour vos proches accrochés au doux son de leurs palpitants, les tracasseries administratives commencent. Impôt, retraite, comptes bancaires bloqués… sans parler de la gestion de vos funérailles sur les médias sociaux. Sans débranchement volontaire de votre avatar, il pourrait vous survivre jusqu’à la fin des temps ou presque.

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Visionnant le cauchemar administratif, David Eagleman, neuroscientifique américain pointant au Baylor College of Medicine, a mis sur pied en 2006 le site Deathswitch, une entreprise chargée d’accompagner vos proches dans les méandres de votre esprit de simple mortel.

Comprendre ici qu’un logiciel partagera des courriels post-mortem avec les personnes choisies par le jeune trépassé (vous en l’occurrence). Dans les envois cryptés, vos mots de passe pour gérer vos comptes bancaires ou vos médias sociaux, mais pas seulement. Rapidement, Eagleman permet aux morts en devenir d’envoyer leurs adieux ou de révéler un lourd secret. La devise de l’entreprise ne trompe pas: «Don't die with secrets that need to be free.»

Le système est simple pour les abonnés aux services de Deathswitch. Le logiciel vérifie périodiquement par courriel si vous êtes vivant. En l’absence de réponse à plusieurs relances, Deathswitch déduit que vous êtes mort et envoie vos derniers messages aux personnes désignées.

Dans un article de Wired, on apprend que la compagnie, forte de ses milliers d’utilisateurs, offre même des comptes permettant d’envoyer des messages dans un lointain futur. Une façon de souhaiter à votre femme un joyeux cinquantième anniversaire de mariage alors que vous êtes mort depuis 30 ans, écrit le journaliste. À mon avis, ça sent un peu le macchabée numérique. Rien ne dit d’ailleurs si le site vous aura survécu assez longtemps pour disséminer votre héritage numérique.

Le cas du Japon

Qu’importe, votre famille aura eu le temps d’ici là de vous ériger un mémorial Facebook et de faire son deuil numérique. Un deuil discret, car, chez les occidentaux, on parle de la mort à mots couverts, histoire de ne pas la réveiller… Par exemple, Google propose aux survivants le «gestionnaire de compte inactif» (inactif! Doux euphémisme pour qualifier un mort) pour passer les clés de votre compte et son contenu à votre héritier désigné.

Les Japonais, eux, sont plus pragmatiques. La culture de la mort fait partie de leur vie. Un récent article de Vice revient avec panache sur les débuts de Yahoo! Ending , un service disponible seulement au pays du soleil levant où un quart de la population a plus de 65 ans. Au-delà de messages envoyés à vos proches et de la clôture de toutes vos activités virtuelles, le service s’occupe de vos funérailles et de vos dernières volontés dans les moindres détails. 4500$ pour le «package» de base, c’est un prix d’ami! De bonnes affaires pour les mortels qui restent à quai en attendant la Grande Faucheuse.

Quand viendra le tour du dernier humain sur la Terre, ses courriels d’adieu résonneront dans le vide. «Rien ne restera si ce n’est ces échanges partagés en boucle par des satellites silencieux orbitant autour d’une planète désormais muette», écrit David Eagleman dans un papier visionnaire publié dans Nature en 2006. Au travers de nos écrits post-mortem, la mémoire de notre planète, elle, nous survivra sous forme de 1 et 0. Alors, elle n'est pas belle la vie!

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