L'hydrogène a joué un rôle très important en physique. Henry Cavendish, en 1766, fut le premier à identifier cet élément, qui sera baptisé, quelques années plus tard, par Antoine Lavoisier. L'hydrogène est l'élément le plus abondant dans l'Univers, représentant plus de 75 % de sa masse! De plus, la mesure des raies d'émission de l'atome d'hydrogène fut à l'origine de la théorie de la mécanique quantique, qui bouleversa la face du monde au début du vingtième siècle. La simplicité de l'hydrogène lui donne d'ailleurs des propriétés uniques qui sont en bonne partie responsables du comportement surprenant de l'eau.
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Autour de nous, l'hydrogène moléculaire est présent sous forme de gaz, tout comme l'oxygène et l'azote. Pour le liquéfier, il faut le refroidir à -259 degrés C, soit environ 14 degrés au-dessus du zéro absolu. Pour le cristalliser, c'est-à-dire, en faire un solide, il faut travailler encore plus fort et c'est là que ça commence à être intéressant. Depuis longtemps, les théoriciens ont prédit qu'à des pressions assez élevées, l'hydrogène briserait les molécules de H
Pour appliquer de la pression sur l'hydrogène, on l'insère entre deux enclumes de diamant et on presse ceux-ci. Le diamant étant le matériau le plus dur connu de l'homme, il est indispensable pour ce genre de mesures qui peuvent atteindre plusieurs milliers de fois la pression atmosphérique. (Source: Nature Physics, vol. 3, juillet 007.)
Afin de cristalliser l'hydrogène, il faut à la fois diminuer la température et augmenter la pression. À une température de 13 K et une pression de 7 atmosphères, l'hydrogène devient cristallin, mais sous forme moléculaire. Les molécules tournent rapidement sur elles-mêmes, tout en restant sur place. Autour de 1100 atmosphères, la nature du cristal change, les atomes se déplacent et les molécules se coincent dans ce qu'on appelle la phase II. Les molécules restent bien identifiées, mais elles ne peuvent plus tourner sur elles-mêmes. Si on augmente encore la pression, jusqu'à 1500 atmosphères, un autre changement de structure se produit et on atteint la phase III de l'hydrogène.
Parvenir à de telles pressions n'est pas facile. On utilise pour ce faire de petites cellules faites de diamant, le matériau le plus solide au monde. Malheureusement, il est très difficile de voir ce qui se passe dans la cellule à ces pressions et on ignore où sont vraiment les atomes d'hydrogène dans la phase II et la phase III.
Pour contourner le problème, deux physiciens anglais, Chris Pickard et Richard Needs, se sont tournés vers les calculs sur ordinateurs. Puisqu'il est difficile de reproduire l'expérience, les deux chercheurs ont simplement placé les atomes d'hydrogène au hasard dans des boîtes correspondant aux pressions expérimentales, et identifié les structures de plus basse énergie. Évidemment, il se pourrait qu'ils aient raté la bonne structure, puisqu'ils cherchent à l'aveuglette, mais les résultats qu'ils ont trouvés sont en excellent accord avec l'expérience : la phase deux aurait l'air de ce qu'on voit dans la figure 2, ci-dessus, tandis que la figure 3 montre de quoi pourrait avoir l'air la phase III. Alors que les théoriciens annoncent un solide atomique, les deux numériciens proposent plutôt, en accord avec l'expérience, un solide où les molécules de H
Structure proposée pour la phase II de l'hydrogène solide. Certaines molécules sont orientées hors du plan, ce qui fait qu'on ne voit que l'atome.
(Source: Nature Physics, vol. 3, juillet 007.)
Structure proposée pour la phase III de l'hydrogène solide. On voit bien que le solide n'est pas atomique, mais que les molécules d'hydrogène conservent leur identité. Elles s'assemblent même en groupe de 3 molécules rapprochées, formant un solide presque supermoléculaire. Comble de malheur pour les théoriciens, ce solide n'est pas métallique mais isolant!
(Source: Nature Physics, vol. 3, juillet 007.)
Il y a donc des subtilités qui échappent encore aux théoriciens, ce qui signifie du pain sur la planche tant pour ceux-ci que pour les expérimentateurs. Il faut surtout comprendre pourquoi la phase métallique, annoncée depuis des lustres, refuse d'apparaître. En dépit de sa simplicité, l'hydrogène protège très bien ses secrets.