Non, je ne parle pas des inondations en Angleterre ni de la canicule qui frappe le Sud-est européen. Cette vague d'extrêmes cause des dommages considérables aux récoltes, mais ce billet s'intéresse plutôt à l'image que projettent les fruits et légumes dans notre imaginaire.

C'est que ceux-ci ont vu leur étoile monter allègrement depuis une dizaine d'années. Bien sûr, le guide alimentaire canadien recommande puis longtemps de manger des fruits et légumes. Et puis, je savais déjà, quand j'étais petit, qu'il était préférable pour la santé que je choisisse une pomme plutôt qu'une barre de chocolat comme dessert.

Mais bon, il ne s'agissait que de bon sens. Depuis une dizaine d'années, la science s'en mêle, offrant de nouvelles justifications à la consommation de fruits et légumes. Ainsi, on a découvert qu'en plus de fournir fibres et vitamines, ce qu'on savait depuis longtemps, ces cadeaux de la nature ont des propriétés quasimédicales, permettant de réduire les cancers et les chances de développer l'Alzheimer, entre autres.

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Pour ce faire, il faut évidemment savoir choisir les bons aliments. Heureusement, les spécialistes sont légion et ils se font un plaisir de vous aider moyennant une minime rétribution. C'est que l'industrie alimentaire sait profiter de toutes les nouvelles tendances pour vendre un nouveau régime, un dernier livre, et la petite bouteille de concentré magique qui permet de compenser vos carences grâce à quelques gouttes avalées trois fois par jour.

Ainsi, on a vu se multiplier, depuis quelques années, les livres présentant qui les aliments contre le cancer, d'autres les meilleures recettes pour rester en forme, etc. Dans une société dont la préoccupation majeure est la santé, personne ne s'appauvrit en vendant le tout dernier régime pour vivre vieux! Je ne doute pas un seul instant de la bonne foi des médecins et autres nutritionnistes qui veulent nous imposer notre bien. Toutefois, il faut une bonne dose de crédulité pour absorber, outre les 12 portions de fruits et légumes recommandés chaque jour, le discours aux couleurs nouvel-âge de ces professionnels de l'alimentation.

Il arrive toutefois que certaines voix discordantes, honteuses d'une science à la limite de la manipulation, se penchent avec attention sur les supposées évidences et remettent en question les affirmations démesurées de leurs collègues.

C'est le cas de deux articles parus récemment dans la presse médicale spécialisée. Le premier article publié par le Journal of the American Medical Association présente une étude de l'impact d'une diète riche en légumes, fruits et fibre, et pauvre en gras, sur le taux de survie après un cancer du sein. Le deuxième, publié par le Journal of the National Cancer Institute, rapporte une revue détaillée de la littérature sur les liens entre la consommation de tomates et de lycopène — aliments antioxydants — et l'apparition de cancer.

Les deux études suggèrent que la consommation de légumes et de fruits en grandes quantités ne diminue par les risques du cancer. En effet, les chercheurs de la U.S. Food and Drug Administration ont passé en revue plusieurs dizaines d'études portant sur l'impact de la consommation de tomates, ou de son élément actif antioxydant, le lycopène, sur divers cancers et n'ont rien trouvé. Quant à la première étude, elle montre clairement que chez les patientes ayant déjà été traitées pour le cancer du sein, la consommation élevée de fruits et de légume n'avait aucun impact sur l'espérance de survie.

Voilà qui jette un pavé dans la mare des nombreux disciples d'une alimentation contre le cancer : à l'heure actuelle, des doutes importants demeurent quant à l'utilité d'une telle alimentation. Il n'y a pas de doute que bien manger est bon pour la santé. Toutefois, de plus en plus d'études montrent que passer un certain seuil, ça ne donne rien d'ajouter une pomme ou une carotte de plus (ce qui laisse peut-être de la place pour un peu de chocolat :-).

J'aime beaucoup les fruits et les légumes, et je ne leur souhaite pas de mal. Toutefois, cette histoire nous rappelle qu'il est extrêmement difficile de tirer des conclusions solides d'études en nutrition à grand déploiement. Ces études se basent souvent sur des questionnaires et il est difficile de contrôler l'impact de variables secondaires qui ne sont pas incluses dans les tests même. Malheureusement, le besoin de reconnaissance et de financement fait que les chercheurs ou leurs bailleurs de fonds donnent généralement à leurs études une importance beaucoup plus grande que raisonnable, une importance multipliée par des journalistes en manque de sens critique et de copie.

Morale de l'histoire : fiez-vous à votre bon sens en ce qui concerne votre alimentation et laissez la mode de côté....

  1. J.P. Pierce et collaborateurs, Influence of a diet very high in vegetables, fruit, and fiber and low in fat on prognosis following treatment for breast cancer, Journal of the American Medical Association, vol. 298, page 289 (2007)

  2. C.J. Kavanaugh, P.R. Trumbo et K.C. Ellwood, The U.S. Food and Drug Administration's evidence-based review for qualitifed health claims: tomators, lycopene, and cancer, Journal of the National Cancer Institute, vol. 99, page 1074 (2007).

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