Image schématisant le commerce international

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont au cœur des préoccupations mondiales, et leur réduction est essentielle pour lutter contre le changement climatique. Tous les pays fixent des objectifs ambitieux pour diminuer leur empreinte carbone. Mais pour atteindre réellement ces objectifs, ne faut-il pas d’abord comprendre comment les émissions sont mesurées et se demander si ces données, à elles seules, suffisent ?

Aujourd’hui, les inventaires d’émissions de GES sont établis selon l’approche par la production, également appelée approche territoriale. Cette méthode comptabilise les émissions générées à l’intérieur des frontières d’un pays ou d’une région, en additionnant :

  • Les émissions issues de la production nationale de biens et services, et
  • Les émissions directes des ménages (ex. chauffage, transport individuel).

Les inventaires des émissions de GES transmises à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) [1] dans le cadre de leur comptabilisation à l’échelle mondiale sont calculés selon cette approche.

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Cependant, il existe une autre approche pour mesurer les émissions de GES : l’approche par la consommation. À la différence de l’approche par la production, cette approche vise à quantifier les émissions associées à la consommation finale de biens et services sur un territoire donné. Pour la calculer, on part des émissions de production, auxquelles on soustrait les émissions liées aux exportations et on ajoute celles liées aux importations [2].

Pour mieux comprendre la différence entre ces deux approches, la figure suivante illustre leur logique de comptabilisation des émissions de GES. L’approche par la production prend en compte uniquement les émissions générées à l’intérieur des frontières d’un territoire, tandis que l’approche par la consommation ajuste ces valeurs en soustrayant les émissions des exportations et en ajoutant celles des importations.

Schéma montrant les différences de comptabilisation des émissions entre les approches par la production et par la consommation

Pour chiffrer concrètement leurs différences, les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Canada et du Québec ont été calculées selon ces deux approches pour les années 2019 à 2021. Ces résultats sont issus de l’application de la méthodologie descendante (« top-down ») basée sur l’analyse des entrées-sorties de transactions économiques (Input-Output LCA - EEIO) [3]. Le calcul repose sur le modèle Open IO – Canada, développé par le CIRAIG, qui utilise les tableaux des entrées-sorties (IO tables) du Canada à l’échelle provinciale [4]. Ce modèle permet de relier les flux économiques aux émissions de GES, offrant ainsi une vision intégrée des impacts de la production et de la consommation des biens et services sur le territoire. Les figures suivantes présentent l’évolution des émissions de GES calculées selon ces deux approches pour le Canada et le Québec entre 2019 et 2021.

Graphique à barres montrant les résultats des émissions de GES calculées selon les approches par la production et par la consommation, pour le Canada et le Québec

Les résultats montrent que, pour les années analysées, les émissions de production du Canada sont supérieures aux émissions de consommation. À l’inverse, au Québec, les émissions de consommation dépassent les émissions de production. Cela indique que le Canada produit plus d’émissions qu’il n’en consomme, tandis que le Québec consomme davantage d’émissions qu’il n’en produit.

Plusieurs études ont montré que la prise en compte exclusive des émissions de production limite la portée des politiques climatiques locales et ne reflète pas toujours les dynamiques de consommation réelles. D’une part, l’approche par la production néglige les émissions liées aux biens et services importés, ce qui réduit l’efficacité des actions locales de réduction des GES [2]. D’autre part, les approches fondées sur la consommation sont rarement utilisées, alors qu’elles permettent de mieux relier les émissions aux comportements des consommateurs [5].

Ce déséquilibre est particulièrement visible dans le cas du Québec, où une partie importante de l’empreinte carbone est liée aux biens et services produits ailleurs. L’intégration de l’approche par la consommation permet ainsi de mieux saisir la responsabilité partagée entre producteurs et consommateurs.

L’analyse présentée ici montre l’importance de considérer non seulement les émissions produites sur un territoire, mais aussi celles liées à la consommation des biens et services. Cette distinction est d’autant plus pertinente à l’échelle locale, où les profils de consommation varient en fonction des caractéristiques socio-économiques et démographiques des populations. Comprendre ces différences est essentiel pour orienter les stratégies de réduction des GES efficaces et mettre en place des mesures adaptées aux réalités de chaque territoire. Ce travail s’inscrit dans les recherches en cours au LIRIDE, visant à développer des outils permettant d’estimer l’empreinte carbone de la consommation à l’échelle des villes.

Par Paalo Andrea Moreno Yañez, candidate au doctorat au LIRIDE (Université de Sherbrooke)

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