
C’est une mutation d’un gène qui a eu un parcours compliqué. Originaire des Dénisoviens —un cousin disparu il y a des dizaines de milliers d’années— cette mutation est passée aux Néandertaliens —un autre cousin— qui l’ont passée à des Homo sapiens dont les descendants ont plus tard mis le pied en Amérique.
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Selon une étude internationale parue le 21 août dans la revue Science, un Mexican sur trois est porteur de ce variant du gène MUC19, de même que 20% des Péruviens. Il est beaucoup moins présent ailleurs dans les Amériques (seulement 1% des Colombiens, par exemple), ce qui vient de pair avec le fait que les Mexicains d’aujourd’hui ont, en moyenne, une plus grande proportion d’ADN héritée des premiers habitants des Amériques.
Le gène en question, MUC19, est impliqué entre autres dans la production de la plupart des protéines qui sont à l’origine du mucus. Ce gène est présent chez tous les humains, mais avec des mutations. Or, un des variants a été identifié ces dernières années uniquement dans l’ADN des Dénisoviens : ce groupe d’humains est arrivé en Asie il y a 200 à 300 000 ans. Un groupe qui était génétiquement distinct des Néandertaliens, eux qui ont plutôt parcouru l’Europe à partir de la même époque.
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La nouvelle étude a de plus permis d’établir que ce gène dénisovien s’était rendu jusqu’aux Homo sapiens par une étape intermédiaire, celle des Néandertaliens. Les chercheurs ont utilisé à ce sujet l’analogie du biscuit Oreo: le variant en question a été pris « en sandwich » dans un segment de l’ADN propre aux Néandertaliens.
Le mucus n’est pas seulement quelque chose de dégoûtant. C’est une barrière très utile contre les virus et les bactéries qui tentent d’entrer en nous, notamment par le nez. Les chercheurs ont été poussés à faire cette recherche parce qu’une étude antérieure, en 2019, avait établi que le MUC19 était, en général, plus répandu dans l’ADN des Premières nations qui ont pu être étudiées jusqu’ici.
Les données proviennent du Projet 1000 génomes, qui rassemble les séquences génétiques de 23 peuples des Amériques, séquences qui ont alors été comparées à celles de trois Néandertaliens et d’un Dénisovien. Ce variant du MUC19 est également plus long que ses équivalents d’ailleurs dans le monde. Les raisons restent à éclaircir, mais l’hypothèse dominante est qu’il offrait une meilleure protection contre les pathogènes, ce qui aurait pu être doublement avantageux pour les humains qui se sont aventurés, il y a des milliers d’années, sur ce continent inconnu.
Il y a seulement une quinzaine d’années qu’on a établi l’existence des Dénisoviens comme groupe distinct, à partir de l’ADN retrouvé à ce moment dans l’os d’un seul individu, en Sibérie. Depuis, on a établi qu’ils s’étaient suffisamment répandus pour qu’aujourd’hui, leur apport génétique représente 5% de celui de certains des habitants de l’Océanie.
Que MUC19 soit plus répandu dans une partie du monde parce qu’il donne un avantage évolutif n’est pas une surprise. Mais le parcours compliqué qui a été le sien surprend, explique dans le communiqué de l’Université du Colorado le co-auteur de l’étude, l’anthropologue Fernando Villanea. « En terme d’évolution, c’est un saut incroyable. » Or, s’ils ont trouvé cet exemple, les experts s’attendent à en trouver d’autres.