Selon les estimations de l’Institut climatique du Canada, la capacité de production énergétique canadienne devra augmenter de 2,2 à 3,4 fois sa capacité actuelle afin de satisfaire la demande en énergie. Pour s'affranchir des émissions de carbone et respecter nos engagements internationaux, il faut aussi combler en énergie électrique les secteurs qui exploitent toujours d'autres sources, plus polluantes.
L'épine au pied, c'est que ces combustibles, pour la plupart, représentent encore le trois quarts de l'énergie utilisée au Canada, que ce soit en transport ou par le secteur industriel (Statistical Review of World Energy). Il faudra donc se tourner vers une production massive d'électricité dont les émissions de gaz à effet de serre seraient quasi nulles.
(GIEC)
Le problème de l’intermittence
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Pourquoi ne pas tout simplement passer directement à des énergies renouvelables comme l’éolien et le solaire ? Parce que ces énergies sont intermittentes, et que nos besoins ne sont pas toujours synchronisés avec la production. Stocker l’énergie est difficile: cette technique comporte ses propres et sérieuses problématiques environnementales (Perreault, 2023). Une portion de notre production énergétique doit donc être constante.
L’hydroélectricité est d’une grande aide dans cette cause, mais elle ne peut croître sans cesse ou être réalisée n’importe où, car elle nécessite le harnachement de rivières et la construction de barrages. Même aujourd’hui, Hydro-Québec doit faire appel aux combustibles fossiles pour répondre à la demande durant certaines périodes (Hydro-Québec, s.d.). Les énergies fossiles étant celles que nous cherchons à remplacer, la place du nucléaire dans l’équation commence à prendre tout son sens.
Qu’est-ce que l’énergie nucléaire ?
En réalité, l’expression « produire de l’énergie » signifie que celle-ci est transformée afin d’en exploiter son potentiel énergétique. Pour produire l’électricité que nous utilisons tous les jours, nous faisons appel à plusieurs procédés. L’énergie solaire utilise les rayons du soleil à travers des cellules photovoltaïques pour créer de l’énergie électrique dans sa forme utile (Jones, 2006). Les éoliennes utilisent un mouvement créé mécaniquement par le vent pour faire tourner une turbine et transformer ce déplacement en électricité.
Dans le cas des énergies fossiles, le pétrole, le charbon et le gaz sont brûlés pour obtenir de la chaleur qui sera utilisée pour faire bouillir de l’eau. C’est cette combustion qui libère une énorme quantité de CO2 dans l’atmosphère, contribuant ainsi à nos problématiques de réchauffement climatique (Nunez, 2022). L’énergie déployée par cette ébullition sera ensuite utilisée via le principe de la machine à vapeur pour faire tourner une turbine qui permet à un générateur de produire de l‘électricité. La fission nucléaire utilise ce même principe pour faire bouillir de l’eau et créer de l’électricité, mais sa source de chaleur est différente.
Dans le cas d’une centrale nucléaire, nous utilisons la puissance de l’énergie atomique. En utilisant de l’uranium enrichi comme source de « carburant », nous nous servons de sa nature radioactive pour produire cette chaleur. Contrairement aux énergies fossiles qui sont utilisées comme combustibles, l’uranium n’est pas brûlé ou détruit. En lui dirigeant des neutrons, une réaction contrôlée peut être établie (Galindo, 2021). Celle-ci exige très peu de matériel, et dure particulièrement longtemps. Une fois l’atome de plus en plus stabilisé, la réaction n’est plus aussi forte, et il faut remplacer l’uranium.
Les développements technologiques des dernières décennies ont permis une grande amélioration de ce processus. Les déchets qui devaient autrefois être entreposés peuvent aujourd’hui être en grande partie directement réutilisés et recyclés par les nouvelles centrales beaucoup plus efficaces (Deschênes-Phillion et Leduc, 2021).
L’imaginaire et la sécurité
Malgré deux incidents ayant fortement marqué l’imaginaire, seulement 50 personnes ont perdu la vie suite à l’exposition aux radiations, toutes lors d’un seul événement, à Tchernobyl, en 1986 (Wikipedia). Une donnée relativement négligeable si on la compare à d’autres accidents industriels relevant de la production d’énergie fossile. En comparaison, l’hydroélectricité pourrait être perçue comme encore plus « inquiétante » si l’on considère le barrage hydroélectrique chinois de Banqiao qui, lorsqu’il a cédé en 1975, aurait emporté jusqu’à 230 000 personnes selon les pires estimations (Encyclopédie énergie, s.d.)
En dépit de son « aura de danger », quand on se penche sur les données, le nucléaire se révèle comme une alternative intéressante et sécuritaire pour l’atteinte de nos objectifs, tant énergétiques qu’environnementaux. Comme il s’agit d’un enjeu d’acceptabilité sociale, il faudra peut-être réconcilier le public avec cette énergie. C’est Marie Curie qui disait : « Dans la vie, rien n'est à craindre, tout est à comprendre ».
(Avenir énergétique, 2023)
Un projet de société
Au niveau économique, la production d’énergie nucléaire se classe parmi les plus concurrentielles. À 6¢/KWh, elle est semblable à la production hydroélectrique et représente pratiquement la moitié du coût de la production éolienne. Le voltaïque, quant à lui, se classe en retrait à 50¢/KWh. Pour cette raison, l’option nucléaire se doit d’être reconsidérée pour l’atteinte rapide de la carboneutralité, tout en maintenant le prix concurrentiel de notre électricité.
(CNA)
Bien que la construction d’une ou plusieurs centrales nucléaires représente des travaux d’infrastructure majeurs, le Québec est habitué à ces grands projets pour sa production énergétique. Les énormes barrages du Grand Nord et leurs longues lignes de transmission de l’électricité en témoignent. À la lumière de la crise climatique actuelle à laquelle nous faisons face, il apparaît souhaitable, voire essentiel, de considérer les apports potentiels significatifs du nucléaire dans notre transition énergétique.
Auteur.e.s : Jean-François Lavallière, Laurence Bertrand et Emma Cloutier-Nadon