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Des cliniques privées vantent des programmes censés guérir la maladie d'Alzheimer. Le Détecteur de rumeurs a constaté que ces prétentions n’étaient basées sur aucune étude sérieuse.


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Les origines

En 2017, le Dr Dale Bredesen publiait le livre The End of Alzheimer’s : The First Program to Prevent and Reverse Cognitive Decline (en français « La Fin d’Alzheimer : le premier programme qui prévient et inverse le déclin cognitif »). Il y expliquait comment la modification du style de vie, la prise de suppléments alimentaires et des interventions contre l’inflammation et les toxines pourraient non seulement ralentir la progression de l’Alzheimer, mais carrément en faire disparaître les symptômes.

Au Québec, les idées vantées par le Dr Bredesen sont souvent reprises sur les sites web de cliniques médicales privées  (ici et ici) ou d’entreprises qui vendent des suppléments, comme ce texte d’un biologiste de formation et entrepreneur qui dit se spécialiser dans le vieillissement.

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Plus récemment, en 2024, un documentaire de CNN, The Last Alzheimer’s Patient, racontait comment deux personnes avec un diagnostic d’Alzheimer avaient guéri en modifiant leur style de vie.

Qui est Bredesen et quel est son protocole?

Dale Bredesen est un neurologue qui ne pratique plus la médecine depuis 30 ans, peut-on lire dans un article du New York Times publié en mai 2025. Connu pour sa méfiance envers l’industrie médicale et pharmaceutique, il s’intéresse aux approches alternatives. Certains proches du controversé ministre américain de la Santé, Robert F. Kennedy, voient Bredesen comme un « héros médical ».

Le protocole développé par Dale Bredesen, commercialisé sous le nom ReCode, comprend plusieurs aspects : diète, suppléments alimentaires, exercices physiques, hygiène du sommeil, réduction du stress, hygiène bucco-dentaire, interventions contre l’inflammation et les toxines, jeux pour entraîner le cerveau. Des tests sanguins et des tests d’ADN sont aussi proposés pour analyser différents facteurs de risque et personnaliser le protocole

Y a-t-il des études?

Dans son livre et dans les médias, Bredesen prétend qu’il dispose de preuves scientifiques pour appuyer le fait qu’on puisse ralentir la progression de l'Alzheimer, voire en inverser le cours. Il cite entre autres trois articles qu’il a lui-même publiés en 2014, 2016 et 2018.

Toutefois, dans une analyse parue en 2020, Joanna Hellmuth, médecin au Centre mémoire et vieillissement de l’Université de Californie à San Francisco, expliquait que ces trois études ne permettaient pas d’évaluer l’efficacité du protocole proposé. Par exemple, il n’y a pas de groupe contrôle et les articles n’ont pas de section détaillant la méthodologie utilisée par Bredesen. De plus, on parle d’amélioration chez les patients, mais sans donner de mesures précises, soulignait en 2021 une équipe de chercheurs français, brésiliens et américains qui s’était intéressée aux aspects éthiques des protocoles prétendant guérir la maladie d’Alzheimer.

En outre, comme chaque protocole est très individualisé, il est difficile de faire des comparaisons et de généraliser à tous les patients souffrant d’Alzheimer, ajoutaient ces chercheurs. Enfin, ces études ont été réalisées avec des gens qui présentaient un léger déclin cognitif, ce qui n’est pas nécessairement un diagnostic d’Alzheimer, insistait Joanna Hellmuth.

Toutes ces lacunes constituent des drapeaux rouges remettant en question la crédibilité de ces études, soulignait Joanna Hellmuth. Quand Bredesen dit que l’ampleur de l’amélioration cognitive qu’il a observée avec son protocole est sans précédent, il exagère donc les preuves dont il dispose, ajoutaient les chercheurs français, brésiliens et américains.

Dans le documentaire diffusé sur CNN en 2024, les patients dont on prétendait qu’ils avaient réussi à éliminer leurs symptômes d’Alzheimer, n’avaient pas suivi le protocole de Bredesen, mais une approche très similaire. Pendant 20 semaines, ils devaient adopter une diète végane, faire 30 minutes d’exercices par jour, gérer leur stress par la méditation, participer à un groupe de soutien et prendre plusieurs suppléments (oméga-3, curcumin, multivitamines, etc.).

Le projet, dirigé par des chercheurs américains, incluait 50 participants et les résultats ont été publiés dans le journal Alzheimer’s Research & Therapy, en 2024. On y apprend toutefois que ce ne sont pas tous les patients qui ont montré une amélioration de leurs fonctions cognitives. En fait, dans le groupe intervention, c’était le cas pour 10 patients sur 24 (contre aucun dans le groupe contrôle). 

Selon les auteurs de l’étude, ces variations pourraient s’expliquer par le fait que certaines personnes n’ont pas suivi les consignes aussi bien que d’autres. Le protocole demande en effet des changements majeurs du style de vie. Pour assurer une meilleure adhésion des participants, les chercheurs leur ont fourni tous les repas et les collations pour la durée de l’étude. Malgré cela, deux participants ont abandonné l’expérience en cours de route.

Une maladie incurable?

Dans un communiqué publié en 2023, la Société Alzheimer du Canada reconnaissait que certains des changements proposés dans le protocole de Bredesen peuvent être bénéfiques pour améliorer la qualité de vie des personnes souffrant de démence. Ils ne peuvent toutefois pas inverser le cours de la maladie ou guérir ceux qui en sont atteints. Prétendre le contraire, c’est donner de faux espoirs, affirmait l’organisation.

Celle-ci rappelait également qu’il n’existe aucun protocole clinique validé, aucune médication, ni aucun changement du style de vie, dont l’efficacité a été démontrée lorsqu’il s’agit de guérir l’Alzheimer. En effet, toute forme de démence, incluant l’Alzheimer, est incurable, confirmait le Groupe de travail sur la nutrition pour prévenir la démence en 2022. 

Les traitements qui prétendent guérir l’Alzheimer peuvent même poser des risques pour la santé, en plus d’entraîner une perte d’argent, souligne-t-on sur le site de l’Institut National du vieillissement des États-Unis (NIA). Par exemple, la compagnie Apollo Health, dont Bredesen est le directeur scientifique en chef, offrait en 2020 le protocole pour la somme de 1399 $ US, rappelait Joanna Hellmuth. Une femme des États-Unis dont l’histoire est racontée dans l’article de 2025 du New York Times a déboursé pour sa part 25 000 $ pendant les huit mois où elle a suivi le protocole. Son état ne s’est pas amélioré.

Prévenir l'Alzheimer?

Les changements dans le cerveau surviennent plusieurs années avant les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer, souligne le NIA. Cela signifie donc qu’il pourrait en théorie y avoir une période propice pour prévenir le déclin cognitif, écrivait le Comité sur la prévention de la démence et de la déficience cognitive, dans un rapport publié en 2017.

Ce comité consultatif américain, qui se concentre sur l'élaboration de stratégies de prévention, n’a toutefois pas identifié d’intervention soutenue par suffisamment de preuves pour justifier qu’on incite le grand public à les adopter. Par exemple, les bonnes études sur les changements alimentaires arrivent généralement à des résultats non concluants, ajoutait de son côté le Groupe de travail sur la nutrition pour prévenir la démence. 

Le Comité sur la prévention de la démence a quand même reconnu que certains bénéfices sont associés à trois types d’intervention : l’entraînement cognitif, la gestion de l’hypertension et l’activité physique. Les résultats des études à ce sujet sont encourageants, mais pas encore concluants.

Verdict

Même si certaines modifications au style de vie peuvent avoir des effets bénéfiques sur la qualité de vie des gens atteints d’Alzheimer, elles ne peuvent pas inverser la progression de la maladie. 

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