En fait, c’est surtout pour régler un problème d’humidité que Willis Carrier inventa sa machine, le premier climatiseur.
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La première partie de juillet 1902 avait été particulièrement chaude et humide à New York, et plusieurs personnes étaient déjà décédées à cause de la chaleur excessive. Toutefois, pour les propriétaires de l’imprimerie Sackett-Wilhelms, à Brooklyn, c’est l’effet de l’humidité sur le papier qui causait des problèmes. Les impressions en couleur se faisaient une couleur à la fois, avec une journée d’intervalle entre les applications, pour permettre à l’encre de sécher entre les impressions.
Malheureusement, l’humidité empêchait non seulement l’encre de sécher, mais elle causait aussi la déformation du papier, ce qui empêchait les couleurs d’être correctement alignées.
La solution proposée par Willis Carrier était basée sur son expérience avec les systèmes de chauffage à la vapeur. Il savait que l’on pouvait chauffer l’air en le faisant passer à travers des tuyaux dans lesquels circule de la vapeur. Il décida d’invertir le processus et de refroidir l’air en le faisant passer à travers des tuyaux dans lesquels circule de l’eau froide. Il monta son système à l’imprimerie Sackett-Wilhelms en utilisant l’eau froide extraite d’un puits profond qui se trouvait près de l’usine. Des ventilateurs forçaient l’air de la pièce à passer dessus, ce qui faisait baisser la température de l’air et, en conséquence, diminuer la quantité d’humidité que celui-ci pouvait contenir. Un principe tout simple qui régla le problème de l’expansion du papier à Sackett-Wilhelms et améliora en même temps les conditions de travail des ouvriers.
Il faut dire que l’idée derrière la climatisation de l’air n’était pas nouvelle. Les Égyptiens avaient déjà développé un système dans ce sens. Des cannes de roseaux sur lesquels de l’eau ruisselait étaient placées à travers les fenêtres. L’air de l’extérieur perdait de sa chaleur en forçant l’évaporation de l’eau. Toutefois, ce système de refroidissement présentait un inconvénient majeur: l’air devenait plus humide, ce qui diminuait le confort. Le système de Willis Carrier avait l’avantage de diminuer à la fois la température de l’air et son taux d’humidité.
Dès 1903, Willis Carrier abandonna l’eau du puits comme fluide de refroidissement et la remplaça par un système de compresseurs, ce qui est la base des climatiseurs modernes. Le fluide utilisé, l’ammoniac gazeux, était comprimé pour le convertir en liquide. Ce dernier voyageait ensuite dans des tuyaux d’évaporation où il se transformait de nouveau en gaz, empruntant la chaleur de l’air au passage.
L’ammoniac était trop difficile d’utilisation, et potentiellement trop dangereux, pour être employé ailleurs que dans des bâtiments industriels. Par contre, à partir des années 1920, Willis Carrier introduisit une série d’innovations qui aidèrent à la propagation de la climatisation. Il remplaça l’ammoniac par un composé beaucoup moins dangereux, le dichloroéthylène (C2H2Cl2), et réduisit la taille du système en utilisant un compresseur central.
Il reste que le coup de génie de Willis Carier a été le marketing de son processus vers les propriétaires de cinéma. Ceux-ci étaient trop contents d’offrir au public durant l’été, la saison creuse, un endroit où l’on pouvait, pour quelques heures, échapper à la chaleur. Le résultat fut une explosion de la demande parmi les propriétaires d’usines, de magasins, d’édifices à bureaux et d’organismes gouvernementaux.
Il fallut attendre les années 1940 et 1950 pour voir l’apparition d’unités de climatisation résidentielles, dont l’utilisation est aujourd’hui généralisée. Aux États-Unis, selon la région, entre 74% et 97% des habitations sont équipées de climatiseurs. Les chiffres pour le Canada, comme on peut s’y attendre, sont moindres. Cela va de 19% pour les Maritimes à 80% pour le Manitoba.
Quant à moi, je sais que, cet été, j’ai beaucoup apprécié les travaux de Willis Carrier*, en particulier il y a quinze jours, lorsque j’étais à Las Vegas (pour assister à une conférence…). Le thermomètre y a atteint 113°F (45℃).
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*La société Carrier Corporation fondée en 1915 par Willis Carrier pour développer son invention est aujourd’hui une des plus importantes entreprises mondiales du domaine. Son chiffre d’affaires frôle les 15 milliard de dollars et l’entreprise compte approximativement 30 000 employés, répartis dans 170 pays. Le stade de football de Syracuse (NY), ville qui était son siège social et où la compagnie a toujours son centre de recherche, s’appelle le «Carrier Dome». Il n’est pas climatisé.
