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Un détail qui étonne le promeneur étranger au royaume de Norvège, qu’il se trouve à Oslo, Trondheim ou Kristiansand, c’est la façon dont on taille les feuillus, dans les cours privées comme dans les espaces publiques: troncs sectionnés au beau milieu du houppier, branches maîtresses amputées à quelques centimètres du tronc, laissant naître milles rameaux et donnant aux arbres une silhouette grotesque de troll échevelé (voir photos). Radical, vous dites?

Nous sommes à Kristiansand, dans le bible belt chrétien, au sud du pays et déjà au coeur de la Norvège homogène, ultra-conformiste et un brin xénophobe, où même les non-pratiquants évitent de faire sécher le linge dehors le dimanche. Récemment, un projet de centre culturel musulman y a déchainé les passions: ça commence par un centre culturel et bientôt on sera envahi par les minarets a-t-on pu entendre de ci de là...

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Pour revenir aux arbres, c’est ici que j’ai abordé quelques passants pour leur demander pourquoi on les taillait ainsi. On avance différentes hypothèses: c’est pour que ça soit plus beau... Pour leur donner la forme d’une boule... Pour éviter qu’ils ne deviennent trop gros... Pour permettre aux petites branches de pousser... Pour ne pas cacher la vue (entendre: pour mieux voir ce qui se passe chez le voisin, deuxième sport national après le ski de fond)...

Du côté de la commune, qui procède tous les deux ans au taillage systématique des arbres, on évoque également des raisons d’ordre esthétique en y ajoutant l’aspect sécuritaire: imaginez un instant qu’une grosse branche tombe sur quelqu’un... Cependant, toujours selon la commune, la principale raison de cette taille tient dans un mot: l’ombrage. C’est qu’ici, au nord du 58e parallèle, un arbre a le désavantage de produire de l’ombre. Effectivement, dans un pays en proie à la noirceur la moitié de l’année (et à la pluie l’autre moitié, diront les mauvaises langues), l’ombre n’est pas quelque chose de désirable et quand le soleil se pointe, on entend bien en profiter pleinement.

D’ailleurs, un règlement du royaume dit en substance ceci: chacun doit entretenir ses arbres de façon à ne pas faire ombrage à quiconque. Une épique chicane de voisin est en cours à Trondheim: l’un possède une allée bordée d’ormes centenaires au port majestueux, l’autre exige qu’il les coupe de moitié sous prétexte d’ombrage dans sa cour en été et de feuilles dans ses gouttières en automne. Je ne sais pas où en est l’affaire, mais je crains qu’encore une fois, le règlement doive s’appliquer...

En faisant un peu de symbolisme de mauvaise foi, on pourrait mettre cette taille radicale sur le dos du conformisme scandinave et de la social-démocratie: les arbres doivent être égaux entre eux, soumis aux mêmes traitements. On pourrait également pointer du doigt le puritanisme propre au sud de la Norvège. Un passant m’a affirmé que l’on taillait les arbres ainsi pour éviter que leurs branches ne se touchent. Des branches qui se touchent, voilà qui pourrait bien être perçu par certains comme suspect et hautement immoral.

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